La danse (country) en ligne

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Comme j’ai été très actif ces dernières semaines dans le domaine des livres sur la danse, mon second article de la saison portera encore sur un livre que j’édite. Celui-ci, je l’ai écrit moi-même et il porte sur la danse en ligne, qu’elle soit country (majeure partie du livre) ou non. Cela me donne aussi l’occasion de clarifier dans cet article un certain nombre d’idées reçues dans ce domaine.

De nos jours, parler de danse en ligne, de line dance ou encore de danse country est bien souvent équivalent. Pourtant, il y a un peu d’abus de langage là-dedans. Même si le retour de la danse en ligne sur le devant de la scène française est principalement dû à une certaine ferveur autour de la musique country américaine dans les années 1990, toute danse en ligne n’est pas forcément country. À l’inverse, toute danse country & western n’est pas forcément de la danse en ligne. La danse country & western est en réalité une famille de danses qui sont pratiquées au son de la musique traditionnelle country américaine. On y trouve des danses en couple (dont le two-step ou des variantes de polka), des danses à deux (les « partner dances » où la notion d’homme/femme est moins prononcée) et donc des danses en ligne. Comme je l’ai déjà expliqué lors de la présentation du livre de Ralph Giordano « La danse country & western », cette famille de danse vient de loin et hérite du mélange culturel des Européens (Anglais, Irlandais, etc.) qui ont émigré vers le nouveau continent par le passé. Ainsi, le fait de « danser la country » va-t-il plus loin que danser en ligne.

Pour ce qui est de la danse en ligne à proprement parler, cette forme de danse existe depuis très longtemps. Certaines danses traditionnelles françaises se dansent même en ligne (le Brise Pied, par exemple) et les danses traditionnelles en chaîne ou en cercle sont aussi quelque part une déclinaison des danses en ligne. L’une des danses en ligne américaine les plus anciennes pourrait être le Shim Sham des années swing (1930-1940) qui était dansé aussi bien par les danseurs de claquettes que les danseurs de swing. J’y ai déjà consacré un article dans ce blog. D’autres danses en ligne existent à la même époque, mais on a essentiellement retenu les danses des années 60 comme le madison (même si, aujourd’hui en France, nous ne le dansons plus de la même façon qu’à l’époque) ou encore le hully gully. Avec la période de la danse en solo (« free style »), les danses en ligne chorégraphiées ont été moins populaires. Puis est elles sont revenues durant la période disco avec des enchaînements comme le Bus Stop et ce que l’on voit dans le film « La Fièvre du samedi soir » avec John Travolta.

Enfin, durant les années 1990, est arrivé ce nouvel engouement pour la musique country et les chorégraphies de danse en ligne associées en particulier « Acky Breaky Heart » de Billy Ray Cyrus. Petit à petit, les danses en ligne se sont multipliées sur de la musique country et elles se sont propagées dans le monde entier. Au fur et à mesure, de la pratique de ces danses, certains danseurs et chorégraphes ont eu envie d’appliquer la logique de la danse en ligne à d’autres types de musique et c’est là où la notion de « country » a eu tendance à disparaître de l’expression « country line dance » pour devenir simplement « line dance » (traduction par « danse en ligne » en français). Même si la dominance des musiques country est flagrante, la pratique de la danse en ligne voit chaque année apparaître des dizaines de nouvelles chorégraphies sur des styles musicaux très variés : musique irlandaise, musique latino, musique disco/funk, etc. Voilà donc pourquoi le livre que je viens d’écrire comporte le mot « country » entre parenthèses.

« La danse (country) en ligne » est donc un livre de technique de line dance. Le premier chapitre introduit la danse en ligne dans l’histoire des danses et donne quelques conseils pour les débutants. Le second chapitre présente toutes les techniques et notions qui servent de base à l’apprentissage des danses qui sont présentées dans le reste de l’ouvrage. Cela va du simple pas de marche avec la gestion du poids du corps, au sailor step en passant par le grapevine, le hook et le heel split. Après ces descriptions, ne viennent pas moins de 37 danses parmi les plus dansées dans les bals country et les soirées de line dance de nos jours en France. Ce sont principalement les grands classiques (Electric Slide, Tush Push, Hooked on Country) et certaines autres danses servant de prétexte à l’apprentissage progressif de certaines techniques et déplacements (en particulier certaines danses de la série AB de Val Myers). Il y a même des danses récentes comme Foxy Girl. Enfin, le dernier chapitre aborde tous les aspects musicaux liés à la pratique de la line dance : suggestion de titres, calcul de la vitesse, reconnaissance du style, utilisation des tags et restarts. Bref, c’est un ouvrage complet dont la grande originalité est de présenter chaque pas sous forme illustrée : chaque mouvement d’une danse est présenté à la fois sous la forme d’un schéma et sous la forme d’une description textuelle. Aucun livre en français ne propose ce genre de représentation à ce jour.

Voilà, pour le reste, je vous laisse découvrir les détails dans ce livre (d’autres infos sur le site de l’éditeur) disponible à la vente depuis cette semaine, et qui a été relu par trois enseignantes spécialistes de la line dance (elles sont citées dans le livre et sur mon site Internet). Leurs suggestions ont été particulièrement utiles au généraliste versé dans les danses swing que je suis. Ce livre aurait pu être écrit directement par un professeur spécialiste de line dance, mais il est particulièrement difficile de trouver des professeurs de danse prêts à s’investir dans l’écriture d’un livre (ça prend beaucoup de temps et cela ne rapporte pas grand-chose…). Pourtant, ce ne sont pas les sujets qui manqueraient et je vois bien qu’il y a une attente dans ce domaine. Ainsi, si vous avez envie d’écrire un livre sur la danse et que vous avez les compétences pour faire du travail de qualité, n’hésitez pas à m’en parler en m’envoyant un petit e-mail. De même, si vous ne trouvez pas tel ou tel type de livre dans le domaine de la danse, faites-moi part de votre constat et je verrai ce qu’il est possible de faire pour répondre à ce manque.

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Isadora Duncan et la danse libre

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Dans ce blog, il m’arrive de temps à autre de m’intéresser à une danseuse ou à un danseur en particulier. Certain(e)s sont devenu(e)s célèbres par la télévision ou le cinéma, d’autres sont connu(e)s dans un certain domaine de la danse pour avoir marqué les esprits et influencé la pratique de nombreux de leurs contemporains. Aujourd’hui, je vous propose de parler un peu d’Isadora Duncan, une Américaine que certains ont surnommée « la danseuse aux pieds nus ». Difficile de résumer en quelques lignes tout ce qui a été dit et raconté à son sujet, mais je vais tenter d’aborder l’essentiel. En corollaire à cet article, je vais aussi vous parler d’un livre qui sort ce mois-ci et dont le sujet est en relation.

Isadora Duncan est née à San Francisco, aux États-Unis en 1877. Son père était banquier et grand amateur d’art de manière générale, avec une sensibilité particulière pour la culture grecque antique, et sa mère était musicienne. Suite au divorce de ses parents vers 1880, Isadora et sa famille déménagèrent à Oakland. La petite famille vécut pauvrement et les filles durent donner quelques cours de danse à d’autres enfants du quartier durant leur adolescence afin de compléter les revenus de la mère de famille. En 1895, à l’âge de 18 ans, Isadora Duncan intégra la Augustin Daly’s theater company à New York, mais la danse classique ne lui donnait aucune réelle satisfaction. Sous l’impulsion d’Isadora et pour développer la conception de la danse de celle-ci, toute la famille déménagea pour Londres en 1899, puis quelques mois plus tard pour Paris. Dans ces deux villes, les vestiges grecs des musées (le British Museum et le Louvre) passionnèrent Isadora. On dit qu’à cette époque elle dansait en imitant les positions des peintures de vases antiques tandis que son frère Raymond la photographiait. Ses spectacles de danse étaient basés sur une interprétation de morceaux de musique classique comme le Beau Danube bleu de Strauss, la Marche funéraire de Chopin ou encore la Symphonie Pathétique de Tchaïkovsky.

Plus tard dans sa vie, après l’avoir déjà fait en France et en Allemagne, Isadora Duncan créa sa propre école de danse à Moscou, motivée par la promesse du gouvernement russe de lui apporter son soutien. Une fois l’école bâtie, le soutien en question ne vint pas et elle dut reprendre le chemin de la scène. Le rêve d’Isadora Duncan était de pouvoir enseigner à des enfants qui, à leur tour, auraient enseigné à d’autres enfants. Isadora Duncan est décédée alors qu’elle était dans une automobile en 1927 à l’âge de 50 ans, étranglée par son écharpe. Ses cendres se trouvent au cimetière du Père-Lachaise à Paris.

Philosophiquement, Isadora Duncan s’est radicalement éloignée de la technique de danse classique rigide et, selon elle, contraire à la nature humaine. Elle a toujours recherché le mouvement le plus naturel possible, prônant la connexion entre les émotions et le mouvement. Dans le cadre de cette démarche, elle s’est inspirée de la culture de la Grèce ancienne associée à la recherche de liberté présente dans la culture américaine, donnant ainsi ses fondations à la « danse libre » et à la danse moderne de manière générale, dont s’inspirent certains courants de la danse contemporaine. Lorsqu’elle se produisait, elle était souvent vêtue à la grecque, se drapant dans une pièce de tissu et dansant pieds nus. Six de ses élèves les plus doués s’installèrent aux USA. Ils furent adoptés par Isadora Duncan et prirent son nom de famille. Son travail a permis à la danse de retrouver une place de choix en tant qu’art là où l’aspect divertissement avait tendance à dominer.

L’un des adeptes de la manière de danser d’Isadora Duncan, François Malkovsky, était ami avec l’un des frères de celle-ci, Raymond Duncan. Venu en France pour travailler le chant lyrique, il se découvrit à son contact une vocation pour la danse. Il finit par enseigner lui-même la danse libre dans les écoles et les cours d’éducation physique, imaginant ainsi une approche pédagogique du mouvement naturel humain au sein de la « danse libre » telle qu’elle a été initiée par Isadora Duncan. François Malkovsky est décédé en 1982 en France, à Laon, et son approche de la danse libre continue de se transmettre dans de nombreuses villes.

Cela m’amène à vous parler d’un des livres sur lesquels j’ai travaillé ces dernières semaines et qui a, entre autres activités, retardé le redémarrage de l’écriture d’articles pour le blog que vous consultez. Ce livre, écrit par Anne-Marie Bruyant (qui enseigne la danse libre depuis de nombreuses années), s’intitule « La danse libre » avec pour sous-titre « Sur les traces d’Isadora Duncan et de François Malkovsky ». Je pense qu’à l’éclairage des lignes ci-dessus vous aurez deviné ce dont il parle et que le terme « danse libre » ne fait pas référence au fait d’improviser dans n’importe quel style de danse.

En réalité, ce livre n’est ni un livre sur l’histoire de la danse libre, ni un livre de technique permettant d’apprendre la danse libre chez soi. C’est un ouvrage qui, même si les aspects précédemment cités sont en partie présents, tente d’expliquer les bases de la danse libre, vues de l’intérieur. En effet, la danse libre permet de s’exprimer en toute liberté et en adéquation avec la nature profonde du corps humain, mais elle peut aussi constituer un cheminement intérieur vers un certain bien-être. Le principe est de ne pas forcer le corps dans des positions extrêmes (comme les pointes de la danse classique) et de faire se succéder des mouvements et positions qui correspondent à celle que le corps humain peut faire sans aucune contrainte. C’est donc une forme de danse toute en douceur qui peut très bien convenir aux enfants, aux adultes et aux personnes âgées et elle peut se faire avec ou sans accessoires (balles, bâtons, etc.). S’il est clair que ce n’est pas une manière de danser spectaculaire (mais il existe des chorégraphies et des spectacles de danse libre), le travail se fait à la fois intérieurement, en s’accordant avec la musique et avec sa nature propre, et extérieurement, en oubliant certaines déformations qu’occasionne la vie moderne. Par exemple, il est courant que les personnes débutant la danse libre découvrent qu’ils ne savent pas vraiment marcher et que leur marche de tous les jours pour aller au travail induit des contraintes inconscientes à leur corps. Ceci n’est qu’un exemple de ce que le livre d’Anne-Marie Bruyant explique et j’ai pu découvrir dans cet ouvrage une approche de la danse plus spirituelle que dans d’autres formes de danse. Il est difficile d’expliquer tout cela dans un petit paragraphe comme ici, je vous laisse vous faire votre propre idée en lisant ce livre qui comporte de nombreuses photographies de danse libre aussi bien issues d’archives que prises récemment.

À noter que ce livre, à paraître le 19 novembre prochain, est encore disponible par le biais d’une souscription à tarif préférentiel sur le site des éditions Rolland.

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