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Le temps de la danse

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Au fil de mes activités dans le vaste et varié monde de la danse, il m’arrive de m’arrêter et de réfléchir un peu sur la manière dont la danse se relie à certains thèmes généraux. Dans cet article, je vous livre quelques pensées relatives au temps. Comme d’habitude, c’est sans prétention et les grands penseurs de notre époque pourraient sûrement approfondir ce sujet de manière plus stricte. Cela dit, je ne suis pas persuadé que les grands penseurs en question pratiquent la danse de manière intensive… et c’est très dommage.

Quand on débute l’apprentissage de la danse, on est évidemment toujours pressé de parvenir au stade où notre pratique ressemblera à quelque chose. Cette impatience est naturelle, mais le temps nous semble particulièrement long avant d’y aboutir… si l’on y aboutit. On voit passer les heures d’effort et d’acharnement pour progresser et, d’étape en étape, améliorer sa manière de danser. Au tout début, ça va assez vite, mais assez rapidement, ça marche par paliers. On arrive sur une marche et on y reste un certain temps. Certains ont plus de facilités que d’autres. Certains dansent plus que d’autres (et cela facilite le passage d’une marche à l’autre de beaucoup danser…). Lorsqu’on est sur une marche, le temps peut toutefois sembler long. On espère voir le déclic se faire, mais malgré les efforts soutenus il tarde à pointer le bout de son nez. Jusqu’au jour où, le voilà ! Et c’est un bonheur que l’on savoure et qui donne l’énergie pour se lancer dans l’étape suivante qui est susceptible de durer, durer. Dans l’apprentissage de la danse, la patience est particulièrement importante, car on modèle à la fois son corps et son esprit. Et cela prend nécessairement du temps. On ne peut pas apprendre à danser en une heure, ni même en dix. Dans ce laps de temps, on ne fait qu’une approche de la danse ; on ne fait qu’entrouvrir la porte d’une salle de jeux immense.

Lorsqu’on est davantage expérimenté, le temps d’apprentissage d’un nouveau mouvement est plus court que lorsqu’on débute. Cela est d’autant plus vrai quand l’on a pratiqué des techniques de danse et des styles variés. Au fil de l’apprentissage, notre corps et notre cerveau remplissent leur bibliothèque de tous ces mouvements sur lesquels ils vont ensuite bâtir d’autres mouvements. Les bases de chaque danse constituent un alphabet qui sert à former les mots d’une langue. Lorsqu’on a appris plusieurs alphabets, c’est d’autant plus facile de parler différentes langues. Il arrive même que les mots de plusieurs langues puissent se juxtaposer dans une même phrase. Comme dans l’apprentissage des langues, plus on apprend de langues, moins on met de temps pour apprendre les bases d’une autre. Pour pousser l’analogie jusqu’au bout, le seul risque est de ne pas tout à fait maîtriser parfaitement chaque accent qui se voit perturbé par les autres, mais au moins on se fait comprendre par de nombreuses personnes.

Quand l’on danse, le temps n’a plus la même valeur que lorsqu’on ne danse pas. C’est là où l’on voit que le temps est vraiment relatif : si l’on est absorbé par une activité où l’on prend du plaisir, le temps semble passer tellement plus vite. Si l’on danse pour soi, il suffit de se laisser porter par la musique. On oublie tout ce qui est autour : vie professionnelle, problèmes, fatigue, etc. Seule compte la musique et l’interprétation que l’on en fait dans la danse. La musique s’arrêtera forcément avant que l’on désire soi-même s’arrêter de danser (ou alors c’est que la musique n’était pas à notre goût !). Si l’on danse avec un(e) partenaire, cela peut être différent. On danse en permanence interaction avec son environnement : partenaire, autres danseurs autour, musique, éclairage, etc. L’inspiration d’une danse improvisée à deux vient de tout cela. Les minutes sont longues lorsqu’on danse avec quelqu’un avec qui cela n’accroche pas ou sur une musique qui ne nous convient pas. En revanche, le temps peut tout aussi bien se révéler très court si tout l’environnement s’y prête : un(e) partenaire agréable, de la place sur la piste de danse, une bonne musique, un éclairage par trop violent, etc. Il arrive que, dans ces conditions, on souhaite que le temps s’arrête et que l’instant dure…

Nous arrivons bientôt dans la dernière partie de l’année, la dernière ligne droite avant un événement que certains élèves vont vivre : le gala de danse de fin d’année. Certains on déjà commencé à le préparer depuis plusieurs semaines, d’autres ne font que commencer. Dans tous les cas, cette préparation est une petite épreuve et, jour après jour, chacun attend d’être déjà au jour j, où la chorégraphie est mémorisée et où l’on se lance devant le public. Les événements sont variés durant toute cette période de préparation qui semble longue pour certains (« vivement qu’on y soit ! ») et courte pour d’autres (« mais il y a trop de choses à mémoriser en si peu de temps ! »). La préparation d’un spectacle est longue si le spectacle doit être de bonne qualité. Et la durée du spectacle est courte quand on y est prêt. On a à peine eu le temps de prendre conscience que l’on danse sur scène que c’est déjà fini. Un vide s’installe. Il est clair que l’essentiel n’est pas toujours l’objectif en lui-même, mais le chemin parcouru pour y parvenir. Il faut parfois se faire violence pour passer les étapes et se dépasser. Ensuite, peu importe si l’on a quelques ratés durant le spectacle (qui dans ce cas est amateur), on aura beaucoup progressé dans la préparation et on est prêt pour aller encore plus loin la saison suivante.

Il y a un temps pour tout. Quand la danse est un loisir, le temps s’arrête quelques minutes, quelques heures, alors que l’on prend un cours, que l’on danse en spectacle, que l’on participe à une soirée ou que l’on fait quelques pas chez soi ou ailleurs, juste pour le plaisir. Tout comme le dit mathématiquement Einstein, le temps est relatif, tout dépend du point de vue où l’on se trouve. Néanmoins, il faut savoir se réserver du temps pour danser, peu importe l’endroit, peu importe la météo, peu importe son niveau. Ce serait dommage d’arriver un jour et de se dire « j’aurais dû danser plus quand je le pouvais ». D’ailleurs, la danse entretient la forme. Si l’on commence à danser tôt dans sa vie et qu’on poursuit la pratique à doses raisonnables par la suite, on se donne un avantage à la fois physique et moral (la pratique de la danse est un excellent antidépresseur). Bref, la semaine prochaine, vendredi, c’est la journée de la danse et je ne peux que vous encourager à danser que vous soyez déjà initié ou que vous soyez néophyte !

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