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La danse traditionnelle ou folklorique

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En voyageant cet été, vous avez peut-être remarqué que, dans chaque pays ou dans chaque région, on peut découvrir des danses que l’on ne danse pas ailleurs. Les participants sont parfois vêtus de costumes traditionnels, parfois ce sont des habitants du coin qui s’amusent en tenue de tous les jours et ouvrent leurs danses aux touristes de passage. Ces danses, issues du terroir et fortement ancrées dans la culture populaire locale, sont appelées danses folkloriques par certains et danses traditionnelles par d’autres. Essayons d’y voir plus clair…

Qui dit danse traditionnelle, dit naturellement tradition. Les danses traditionnelles sont issues de la culture paysanne séculaire où l’entraide entre les hommes est essentielle à la survie. Cela se passait à l’époque où il n’y avait pas d’électricité et où les voies de communication n’étaient pas aussi développées qu’aujourd’hui. Cela renforce donc la notion de groupe que l’on retrouve naturellement dans le caractère des danses (rondes fermées, chaînes de danseurs, etc.). Le chant était souvent le support indissociable de la danse au point que c’étaient parfois même les danseurs qui chantaient tout en dansant. Chaque pays, chaque région, chaque village développe ses propres danses qu’on peut très bien ne pas retrouver dans le village voisin. On peut ainsi regrouper sous l’appellation de « danses traditionnelles » les danses nationales, les danses régionales, les danses locales, mais par extension également les danses ethniques et les danses de caractère. Le qualificatif de « populaire » peut être aussi inclus dans le sens de « issu du peuple ». Quant à la notion de folklore, nous y reviendrons un peu plus loin.

Les danses traditionnelles sont essentiellement pratiquées dans des occasions précises dans un environnement rural : récoltes, mariages, fêtes religieuses, etc. qui amènent les voisins et amis à se rassembler. La danse est donc à la fois un support pour se donner du coeur à l’ouvrage, mais aussi un moment de loisir pour se retrouver et s’amuser en communauté. La danse traditionnelle est donc bien une danse populaire au sens de « issue du peuple ». On peut citer par exemple, les danses suivantes : polka, mazurka, bourrée, branle, contredanse, sauts, rondeau, gavotte, passe-pied, etc. Ces danses ont pour origine aussi bien les campagnes bretonnes que les pays étrangers. En dehors de l’Europe, on peut aussi y placer des danses comme la samba brésilienne, la danse tahitienne, le danzon cubain, la biguine antillaise, le bharatha natyam d’Inde, etc. Avec le développement de l’industrie et du commerce, ainsi que l’urbanisation marquée du milieu du XIXe siècle en Europe, la culture paysanne reste cantonnée au domaine rural. Ainsi les nouveaux urbains (issus des campagnes) repensent-ils avec nostalgie à ces danses et aux bons moments partagés avec leurs proches. Ils vont donc se regrouper autour des traditions de leur région d’origine qui permettent de conserver des noyaux de culture traditionnelle au sein des villes. Notamment, à Paris, la présence de groupes d’exilés bretons ou auvergnats est bien connue.

La danse traditionnelle n’est, à l’origine, pas forcément pensée pour être regardée. C’est le groupe de danseurs qui se divertit ensemble et l’apprentissage se fait par mimétisme. Pas besoin de réfléchir tant les pas étaient souvent effectués (contrairement à aujourd’hui, où des déformations prennent parfois forme). Pour ce qui concerne les danses traditionnelles françaises, la base historique semble être celle des branles (doubles et simples) de la Renaissance se pratiquant sous la forme de rondes de groupe. Avec l’évolution et des influences diverses, les danses à figures se sont formées par la suite.

Du fait de son implantation dans les villes, la danse traditionnelle évolue dans le nouveau milieu des salles citadines par rapport à la cour de la ferme. Ces danses doivent aussi cohabiter avec les danses de salon dont la large popularité croissante les fait passer au second plan. De plus, grâce aux voies de communication, les danses de régions voisines s’influencent les unes les autres. C’est dans ce contexte que des hommes vont comprendre que la richesse des danses traditionnelles des origines disparaît peu à peu. Certains vont se faire « collecteurs de danses » et travailleront à recenser et cataloguer les danses traditionnelles dans certaines régions. Les danses traditionnelles retrouvent un regain de popularité dans les années 1970. Je ne peux m’empêcher ici de faire le parallèle avec l’une de mes danses fétiches : le lindy hop. Là aussi, la présence de la danse s’estompe durant les années rock’n’roll pour revenir de plus belle grâce à des passionnés. C’est à cette époque que des fêtes de danse traditionnelle se développent ; on les appelle aujourd’hui « bal trad » (pour bal traditionnel), « bal folk » (pour bal folklorique) ou même fest-noz (du nom de ces fêtes en Bretagne). Dans ces bals trad, on retrouve le résultat du mélange des cultures entre différentes régions et différents pays (la gavotte côtoie la polka ou la scottish). Il s’agit avant tout pour les participants de partager un moment convivial dans une époque individualiste qui, paradoxalement, recherche de rapports sociaux par le biais des danses traditionnelles tout comme celui des danses de société.

De nos jours, on parle bien souvent de folklore dans un sens un peu dévalorisant. On dit parfois que le folklore, c’est pour les touristes avec ses costumes régionaux colorés, ses sabots, etc.). Dans ce contexte, la danse est mise en scène comme un spectacle et non plus comme un loisir de groupe que l’on vit. Toutefois, cette vision folklorique a l’avantage de contribuer à sauvegarder un patrimoine menacé d’oubli ou de déformation par simplification. Les groupes folkloriques ont connu un grand succès dans les années 1930 et, même s’il y en en moins aujourd’hui, on continue de trouver des passionnés pour poursuivre ce travail de mémoire de la danse. Rappelons simplement que c’est grâce à des chercheurs, collecteurs ou pratiquants de ces danses qu’il est aujourd’hui possible de mieux connaître nos traditions du passé et nos origines populaires. Si vous désirez pratiquer, il vous suffit de participer à des bals trad qui sont souvent précédés d’initiations (mais il est aussi possible de se laisser porter par la danse en regardant les autres). Enfin, si vous avez la chance d’en avoir une à proximité de chez vous, il existe des associations qui organisent des cours hebdomadaires et des stages.

Voici un exemple de bourrée (creusade volante) dansée par « La Bourrée de Paris », un groupe folklorique auvergnat basé à Paris, en 2001 dans l’émission « la Chance aux chansons » de Pascal Sevran sur France 2.

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La danse tahitienne

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Pour marquer la saison chaude, je vous propose de partir dans les îles. Non, pas l’île de Ré ou la Corse, mais beaucoup plus loin, dans l’océan Pacifique. Je vous emmène aujourd’hui à Tahiti, collectivité d’outre-mer faisant partie de la Polynésie française. Aussi loin que je me souvienne, c’est là — j’y ai vécu 2 ans — que j’ai fait, étant enfant, mes premiers pas de danse en apprenant à l’école ce que la majorité des Français métropolitains connaissent sous le nom de tamure (prononcer « tamouré »). Il est temps pour moi de vous faire découvrir cela avec un soupçon de culture tahitienne.

L’imaginaire collectif est très vivant par rapport à Tahiti : des grandes plages désertes, des cocotiers, la mer bleue turquoise, sans oublier les vahines (prononcer « vahiné ») qui, au son des ukuleles, dansent le « tamouré » vêtues d’un soutien-gorge en noix de coco, un pagne en feuilles de bananier et la fleur de tiaré fixée au-dessus d’une oreille. C’est très caricatural, évidemment. En réalité, la danse tahitienne doit être appelée ‘ori tahiti (le mot ori signifie « danse » en tahitien). Mais d’où provient donc alors cette histoire de tamure ? Le tamure est à l’origine un poisson de la famille des becs de cane et présent dans les archipels de la Société et des Tuamotu. Une chanson fut composée après la Seconde Guerre mondiale avec le mot tamure dans son refrain. Comme sa mélodie était basée sur les rythmes traditionnels tahitiens, on eut tôt fait d’associer le nom du poisson à ceux-ci ainsi que, par ricochet, à la danse qu’on pouvait effectuer dessus. Il existe toutefois une autre hypothèse quant à l’utilisation de ce mot : il semble que Cook ait décrit des danses indécentes qu’il appelle « timorodee » vers 1780 et qu’il utilisait donc le mot tamure en l’ayant déformé.

Lorsque les explorateurs Wallis, Bougainville (qui qualifia l’île de « Paradis terrestre » à son premier voyage) et Cook se rendirent (successivement) à Tahiti à partir de 1767, ils y virent des habitants vivant dans une société hiérarchisée, où les conflits étaient fréquents, où des actes de cannibalisme existaient, où le corps et les relations sexuelles n’étaient pas contraints. Ils remarquèrent particulièrement que les femmes dansaient nues ou presque. On pense bien que les premiers missionnaires protestants qui arrivèrent sur l’île en 1797 ont eu tôt fait de combattre ces gestes indécents et ces danses lascives, en particulier l’upa upa qui se dansait en couple. La seule exception dans le domaine de l’indécence était le hura, une danse ancienne, qui pratiquée dans un habit richement élaboré. Tahiti est massivement convertie au christianisme en 1815 et en 1842 arrivent les Français qui autorisent les danses du pays (mais avec modération et décence). La Fête nationale est établie le 14 juillet 1881 tout comme en France et cela correspond aux fêtes de Tiurai (les fêtes de juillet). C’est dans ce cadre que la danse regagne peu à peu du terrain aux côtés des himene, les chants traditionnels. Sortant de sa clandestinité, la danse refait surface à partir de 1956 avec le réveil de la conscience culturelle polynésienne et sous l’impulsion de Madeleine Mou’a. Suite à un séjour en France métropolitaine où elle a vu des groupes folkloriques auvergnats, cette institutrice décide de créer l’équivalent à son retour à Tahiti en créant le groupe Heiva. La danse est particulièrement à l’honneur lors du Tiurai où des concours de danse sont organisés. En 1984, le Tiurai est renommé Heiva (toujours au mois de juillet) et cela marque aussi le début d’une certaine codification des mouvements de la danse.

La danse traditionnelle tahitienne traduit une relation entre l’homme et la nature. Elle regroupe toute une famille de mouvements suivant des règles relatives à l’espace, la durée et le rythme marqué par les percussions traditionnelles. La danse est individuelle ou collective. Le ‘ori tahiti est composé de quatre types de chorégraphies (que l’on peut qualifier de danse à proprement parler) : le ‘ote’a, le hivinau, le pa’o’a et le ‘aparima.

Le ‘ote’a :danse de groupe d’origine guerrière, où les danseuses et danseurs sont disposés en colonnes ou en alignements étudiés, et accompagnée exclusivement d’instruments à percussion. Le ote’a correspond bien souvent à l’image de carte postale que l’on se fait de la danse tahitienne.
Le hivinau,danse configurée en deux cercles concentriques et accompagnée de tambours et d’un soliste vocal masculin (meneur) auquel les danseurs répondent en choeur. Les thèmes abordés ont trait aux tâches de la vie quotidienne.
Le pa’o’a,danse sensuelle en demi-cercle (parfois en cercle fermé) durant laquelle des couples composés d’un danseur et d’une danseuse se lèvent successivement pour improviser une danse au centre, les autres danseurs, accroupis, tapent des mains en cadence.
Le ‘aparima,danse gracieuse où les danseurs miment des scènes de la vie quotidienne correspondant aux paroles d’un chant au son de la guitare et du ukulele. Les mouvements de mains ont naturellement une grande importance ici (‘aparima peut être traduit en français par « mimer avec les mains »).

Au niveau des mouvements proprement dits, le roulement circulaire des hanches des danseuses et les ciseaux effectués par les danseurs sont connus. Cependant, les bases ne se limitent pas qu’à cela. Les danseuses doivent maîtriser cinq mouvements fondamentaux du bassin ou du ventre dont il y a ensuite de nombreuses variantes. Le mouvement des mains est aussi très important en particulier lors du ‘aparima, comme je l’ai dit plus haut. Les danseurs, quant à eux, font des mouvements plus masculins et amples, il y a des sauts, des coups de pieds, des flexions de genoux, etc. Le fameux pas des ciseaux (pa’oti, voir illustration ci-contre) est d’ailleurs présent dans une autre danse qui n’a rien à voir : le lindy hop. On les y appelle les crazy legs (les « jambes folles » en français).

De nos jours, la danse tahitienne continue d’évoluer. De grands groupes comme les Grands Ballets de Tahiti (photo ci-contre) y incorporent de la nouveauté sous la forme de mouvements issus de la danse contemporaine ou de la danse classique. L’opposition entre tradition et modernité est donc présente dans certaines chorégraphies modernes de ‘ori tahiti. Par ailleurs, la danse est naturellement influencée par d’autres formes de danse traditionnelle comme le hula venu de Hawaii. Depuis la fin du XXe siècle, les danses traditionnelles tahitiennes connaissent de nouveau une grande popularité et un grand nombre d’écoles de danse voient le jour. La musique est aujourd’hui jouée par des tambours polynésiens (je passe ici sous silence les noms des instruments en tahitien, peu familiers en dehors de la Polynésie), des flûtes nasales, des guitares, de ukuleles et parfois du didgeridoo et d’autres instruments traditionnels comme le pu, la conque marine, qui marque souvent le début d’une prestation. Les costumes contemporains sont divisés en trois types : le grand costume (souvent porté en début de spectacle et marqué par sa grande jupe en fils d’écorce d’hibiscus et sa coiffe), le costume végétal (marqué par la couleur verte des feuilles de végétaux qui le composent) et le costume en tissu (marqué par le paréo de tissu imprimé de motifs polynésiens et parfois de la couronne de fleurs).

Pour vous donner un aperçu de danse tahitienne, j’intègre ci-dessous une vidéo débutant par un ‘aparima.

La langue tahitienne appartient à une famille de plus de 400 langues parlées dans une zone géographique s’étendant de Madagascar à l’île de Pâques. Ce sont les langues malayo-polynésiennes. Comme la Polynésie française est en relation étroite avec la France, certains mots tahitiens sont passés dans le langage courant des métropolitains ou, en tout cas, sont devenus familiers même pour ceux qui n’ont jamais fait le voyage jusqu’à l’île. En voici quelques exemples ci-après. Notez que le « e » se prononce « é » et que le « u » se prononce « ou ».

  • Fiu = las, fatigué (on dit : « je suis fiu » – prononcer « fiou »)
  • Maeva = bienvenue (un prénom bien connu)
  • Monoi = huile de coco parfumée (utilisé dans des produits cosmétiques)
  • Pareu = pièce de tissu imprimé (qui est devenu « paréo »).
  • Tapu = interdit, défendu (qui est devenu « tabou »)
  • Tiare = gardenia tahitensis (fleur poussant à Tahiti)
  • Tiki = représentation sculptée d’un dieu (souvent connu comme pendentif)
  • Ukulele = instrument de musique à cordes (on l’écrit aussi parfois yukulélé)
  • Vahine = femme (les vahines des îles…)

J’espère que cet article vous aura fait un peu rêver, surtout si vous n’avez pas pu partir en vacances cet été. Peut-être cela vous aura-t-il donné envie de vous essayer au tamure, appellation que l’on retrouve de nos jours davantage dans les dancings et un contexte touristique ? Sachez en tout cas qu’il existe des cours et stages de danse tahitienne en France métropolitaine. Renseignez-vous autour de chez vous ! (Une première étape peut être de consulter le site Tahiti en France.) En me relisant, je m’aperçois que j’ai quelque peu débordé du contexte de la danse, mais un peu d’évasion ne fait pas de mal de temps en temps, non ?

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