LA photo des jazzmen

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Cela fait quelques billets que je poste dans ce blog où je parle de swing. C’est en effet un de mes sujets de prédilection et, vous le savez, la relation entre la musique et la danse est très étroite ; c’est bien pour cela que l’on trouve généralement en librairie les livres sur ces deux thèmes au même rayon. Aujourd’hui, j’ai juste envie de vous parler d’une photo. Une simple photo ? Non, LA photo.

Cette photo, nommée « Harlem 1958 » ou encore « A Great Day in Harlem », a été prise en 1958 par Art Kane. Il s’agit d’une photo majeure dans le monde du jazz. En effet, cette photo représente, en une seule fois, 57 des plus grands musiciens de jazz (54 hommes et 3 femmes) regroupés à New York. Elle a été publiée pour la première fois en janvier 1959 dans l’édition jazz du magazine Esquire.

Alors pourquoi cette photo est-elle si extraordinaire ? La réponse est simple, vous pouvez y voir les visages de grands noms connus comme Dizzy Gillespie, Thelonius Monk, Charles Mingus, Benny Golson, Gene Krupa, Count Basie, Gerry Mulligan, Sonny Rollins ainsi que Lester Young et bien d’autres. Bien que tous les musiciens de jazz de l’époque fussent invités, Art Kane n’avait aucune idée de combien d’entre-eux seraient présents. Il se demandait même s’il en aurait un seul pour faire la photo tout comme ceux à qui il en avait parlé. Il devait être environ 10 heures du matin ; pas vraiment l’heure à laquelle les musiciens de jazz sortent habituellement du lit… L’un d’eux s’étonna d’ailleurs de découvrir qu’il y avait un « 10 heures » chaque matin. C’était en plein été et, pour cette occasion, les jazzmen arrivèrent l’un après l’autre par le bus, en taxi ou via le métro. Dans une interview, Dizzie Gillespie a dit un jour : « Quand j’ai découvert que cette photo allait donner l’occasion de cette grande réunion, je me suis dit que c’était une chance de voir tous ces musiciens sans avoir à aller à un enterrement. » La petite histoire associée à cette photo est qu’il y manque un musicien qui, pourtant était présent ; il s’agit de Willie « The Lion » Smith. En effet, fatigué du temps que mettait la photo à se faire, ce dernier s’était assis sur les marches au moment où le photographe appuya sur le bouton… Quoi qu’il en soit, ces 57 musiciens ont plus ou moins joué les uns avec les autres durant des années sous des combinaisons les plus variées et ont marqué leur temps et l’histoire du jazz. Pour ce qui concerne la danse, c’est leur musique qui a servi à un moment ou à un autre de support à tous les danseurs de lindy hop, de balboa, de shag, de charleston, etc.

Ci-dessus, voici la photo originale à gauche et le même immeuble de nos jours à droite. Sur la photo originale, je vous ai entouré les 3 femmes du groupe et je vous ai ajouté la photo de Willie « The Lion » Smith qui est assis. Il va de soi que cette incrustation est issue d’une autre photo prise le même jour. En avant-plan, on voit que les gamins du quartier ont été autorisés à figurer sur la photo. Peut-être des futurs musiciens (ou danseurs) ?

Au fil des années, cette photo unique a fait le tour du monde. Une très forte allusion à cette photo a d’ailleurs été faite dans le film Acheter sur Amazon de Steven Spielberg où Tom Hanks joue le rôle d’un ressortissant de Krakozie, un pays (fictif) en pleine révolution. Cet étranger au fort accent des pays de l’Europe de l’Est se retrouve coincé dans le no man’s land de l’aéroport de New York (JFK). Il faut attendre la fin du long métrage pour comprendre, mais je vous rassure, j’ai adoré ce film très touchant. Vous pouvez donc le voir ou le revoir si ce n’est pas déjà fait. Je précise quand même qu’il n’y a (quasiment) pas de danse dans ce film, c’est donc un coup de cœur dans l’absolu.

Si l’on a parfois tendance à consommer la musique en tant que danseur, il n’en reste pas moins que, à l’âge d’or du swing, les musiciens et les danseurs étaient très liés. Les danseurs portaient une attention toute particulière aux musiciens de chaque orchestre, car c’est leur musique live qui leur permettait de danser et de passer du bon temps. De leur côté, les musiciens connaissaient aussi certains danseurs et faisaient attention à ce qui se passait sur la piste de danse, et ils n’hésitant pas à même agrémenter leurs improvisations de quelques passages permettant aux danseurs de faire certains mouvements spécifiques. Avec l’expérience et cette cohabitation des musiciens et des danseurs dans un même lieu chaque soir, un lien fort s’est tissé entre eux. L’arrivée progressive des enregistrements, puis des fichiers mp3 et du streaming a ôté une partie de cette communication et a malheureusement souvent transformé la musique en un « consommable » sans âme utilisé pour danser dans l’esprit de certains. Il me semble donc qu’avoir un minimum de culture musicale lorsqu’on danse est particulièrement justifié (toutes musiques confondues) et je ne peux que vous encourager à vous précipiter pour danser devant un orchestre « en direct live » lorsque c’est possible, sans ignorer les musiciens, et de leur accorder vos applaudissements après chaque danse.

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La position du renversé avec ou sans technique

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Bonjour monsieur Phelps. Cette position, si vous l’acceptez, vous mènera jusqu’aux confins du ridicule. Elle vous sera tellement difficile à tenir et elle vous compliquera tellement la danse que vous la considérerez bien vite comme une position impossible. Attention, ce message s’autodétruira dans 5 secondes. Pschiittt !

Si le principe « la technique ne doit pas se voir » est bien connu des danseurs de bon niveau (ce sont ceux qui parviennent à faire en sorte que l’on ait cette impression de facilité lorsqu’ils dansent), il en est une constatation que je ne peux m’empêcher de faire : « le manque de technique ne peut que se voir ». Avez-vous déjà essayé de vous poser lors d’une soirée dansante et d’en profiter pour observer la faune du coin ? On peut brosser le portrait du couple assorti dont les gestes complémentaires agrémentent une danse qui semble naturelle, autant que le portrait du couple un peu étrange où le danseur aux airs hautains de celui qui a un balai là où on pense ne regarde jamais sa danseuse qui, de son côté, gesticule dans tous les sens et donne des coups de pieds dans les chevilles de ceux de ses voisins qui n’ont pas encore compris qu’elle a deux pieds gauches. Bref, je vous conseille de regarder un peu autour de vous de temps en temps, il y a souvent du beau spectacle. Notez tout de même que si ces oiseaux-là s’amusent et vivent bien leur manière de danser sur la piste, ce n’est pas si mal que ça (sauf pour les chevilles pleines de bleus des voisins lents à la détente…).

En dehors de cela, l’image fixe raconte elle aussi beaucoup de choses. Pour les besoins de mon activité d’édition, j’ai ces jours-ci l’occasion de parcourir les catalogues d’agences de photo montrant des danseurs. Chaque situation prise sur le vif est particulièrement loquace. Si l’impression générale et immédiate est importante, le second regard l’est également si l’on souhaite comprendre ce qui se passe. Il est intéressant aussi de jouer à « Où est Charlie ? » avec des photos de soirées dansantes. Prenez par exemple, la photo qui suit.

On regarde plus facilement le couple central qui salue, mais en y regardant de plus près, on peut voir, juste derrière, une main qui est plutôt confortablement installée. Amusant, non ? Si vous avez d’autres photos comme cela, n’hésitez pas à me les faire parvenir.

Un autre point à noter est qu’une position arrêtée dénote aussi souvent très facilement la danse associée. Ira-t-on penser qu’une danseuse en robe longue à plumes et qu’un danseur en queue-de-pie sont en train de danser une valse ? Ira-t-on déduire qu’une danseuse en combinaison brillante rose fluo la tête en bas à trois mètres du sol au-dessus de son partenaire (lui aussi en combinaison moulante) sont en train de danser un paso doble ? D’accord, je caricature. Mais comme chaque danse a ses codes et sa technique, certaines positions sont tout à fait caractéristiques de certaines danses. La photo ci-contre, par exemple, montre une position tout à fait caractéristique de la rumba (ou à défaut, du cha-cha) de danse sportive. Et alors, que se passe-t-il si la bonne technique n’est pas appliquée par les danseurs ? Eh bien, c’est simple : une danse peut passer pour une autre ou alors on peut réellement mettre en doute que les partenaires soient en train de danser…

Je pends juste l’exemple des deux images ci-dessus. La première provient d’un catalogue d’une agence de photo alimentant généralement les magazines de tous vents. Si l’on examine un peu ces positions, on se rend compte que la première est réellement inconfortable pour la danseuse, alors que la seconde est tout aussi spectaculaire (et même beaucoup plus jolie à mon avis) mais plus logique : la danseuse est équilibrée, le danseur se tient droit, prêt à revenir dans la position fermée de base du tango. Bref un joli renversé. On en déduit donc que les deux personnes de la première photo ne sont que des mannequins et probablement pas de vrais danseurs. On retrouve ainsi de nombreuses photos qui illustrent des articles de presse faisant allusion à la danse en couple et qui feraient hérisser les cheveux sur la tête d’un professeur de danse atteint de calvitie avancée. Ces images ont au moins l’avantage de suggérer deux personnes en train de danser. J’aurais personnellement préféré que cela aille au-delà de la suggestion… Avis aux photographes !

Allez, pour finir, je vous donne en bonus encore une de ces photos à se tordre de rire où l’on montre une « position impossible ». Essayez donc de danser le tango comme cela. Encore heureux que ces deux personnes n’aient pas adopté la position des doigts entrelacés si souvent rencontrée chez les non-danseurs qui s’essayent au tango. Si vous vous y retrouvez, n’en faites pas des cauchemars ; il est toujours possible de se défaire des mauvaises habitudes avec de la bonne volonté…

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