
La danse et la musique ont évolué au fil du temps pour devenir des éléments essentiels de la vie sociale française tant du point de vue social que du point de vue culturel. Avant même de disposer de la radio pour écouter les chansons en vogue, chacun pouvait danser au son des instruments que les musiciens s’enorgueillissaient de faire sonner de belle manière pour leur audience. Même si de nos jours les soirées se passent souvent à la maison devant un écran, il ne faut pas oublier que le bal a été pendant longtemps une partie du lien social local dans chaque région et que bien des familles ont été créées suite à un rencontre dansante à cette occasion. Grand-parents, parents et enfants trouvaient eu sein du bal populaire, organisé à l’origine à l’occasion d’événements comme les moissons ou les mariages, un espace de liberté différent du cercle familial où l’on croisait des personnes de tous âges et de toutes origines.

Le 14 juillet symbolise le bal populaire par excellence, mêlant diversité sociale et citoyenneté. Mais les bals populaires ce sont aussi les festivités des moissons dans les campagnes, les fêtes familiales, les soirées dans les dancings, les bals des pompiers, etc. Pourtant ces manifestations de joie a priori anodines ont souvent été encadrées de manière stricte par les autorités. Le premier bal du 14 juillet a été organisé en 1880 accompagné de fanions tricolores et de musique populaire jouée par un orchestre du haut d’une estrade. Cette fête a été créée par les autorités pour fédérer les citoyens français autour de le toute nouvelle Troisième république pas forcément acceptée de tous.

Les bals populaires ont lieu dans des endroits tels que les salles des fêtes, les places publiques et les terrains de sport, etc. Ils sont souvent organisés par des associations locales. Les danses traditionnelles y régnaient aux débuts, comme la bourrée auvergnate au son de la cabrette ou la gavotte bretonne au son du biniou, voire même diverses danses sur des mélodies a capella des chanteurs de villages. Les occasions de faire la fête et de danser offraient une soupape aux travailleurs harassés par le travail quotidien dans les champs, dans les mines ou à l’usine. Ils pouvaient ainsi se retrouver entre amis, faire des connaissance et danser dans une ambiance détendue, vêtus de leurs plus beaux habits. Et cela pouvait durer jusqu’au bout de la nuit. Ainsi, des couples de tous âges dansent sur une variété de musiques, des plus traditionnelles aux plus modernes. Les bals populaires sont aussi un moyen de rassembler les communautés locales et de renforcer les liens sociaux. C’est au bal populaire que se sont faites de nombreuses rencontres alors que dans la « vie de tous les jours » les gens se voyaient de loin. Mais cela ne se faisait pas toujours sans mal. Si les hommes étaient libres d’y participer sans restriction, les femmes de la fin du XIXe siècle avaient systématiquement un chaperon plus âgé, sans compter que certaines manifestations étaient organisées sous la houlette du clergé bien-pensant qui n’a pas apprécié l’arrivée des danses dites « modernes » comme la valse ou la polka avec leur position de couple rapprochée.

Revenons à ces fameux bals du 14 juillet du début du XXe siècle… Malgré les réticences du clergé, ce jour devient un jour férié dans tout le pays. Ce début de XXe siècle est appelé « La belle époque »,
les lieux se créent autour de la fête à Paris et portent l’appellation de « bal » : bal du Moulin Rouge, bal du Moulin de la Galette, Bal Tabarin… L’entrée coûtait un franc à l’époque ! Les jambes se dévoilent petit à petit et offusquent les « Père Lapudeur » de l’époque à l’instar du clergé des années auparavant. À l’opposé, certains bals comme celui des Barrières est fréquenté par les Apaches avec leur foulard, leur casquette et leur manières pour le moins directes. On y danse la valse, la scottiche, la mazurka et, bien sûr, la danse des Apaches (voir l’article à ce sujet sur ce blog).

Dans certains quartiers parisiens, on retrouve différentes communautés venues chercher du travail à la Capitale : en premier lieu les Auvergnats avec leur cabrette, mais aussi les Italiens avec leur accordéon… Et voilà que naît le style de musique dit « musette » et la danse qui va avec, à l’opposé du tango fustigé par l’Église et réservé aux quartiers bourgeois. À l’orée de la 1ère Guerre mondiale, tout le monde danse à l’unisson dans les rues à l’occasion des bals organisés dans un état d’esprit insouciant.

Si la guerre désorganise les festivités dansantes, il n’en demeure pas moins que l’on danse toujours et parfois entre personnes du même sexe sans ambiguïté. Le Américains débarquent et apportent avec eux le jazz . Le 14 juillet 1919 est marqué par un défilé fêtant la fin de la guerre et accompagné par un bal populaire ouvert à tous. Il y a fort à parier que les personnes venues danser sont plutôt là pour décompresser que pour célébrer le pays. Dans la rue se côtoient la valse musette et le tango mondain au son de l’accordéon chromatique, instrument roi des bals populaires à partir de ce moment-là. À lui seul un accordéoniste est en mesure de transformer n’importe que lieu en bal musette et, par conséquent, les lieux à danser se multiplient. Les Français se libèrent de toutes ces années noires grâce au bal afin de pouvoir renaître… d’autant plus que la journée de travail passe de 60 à 48 heures sur 6 jours cette année-là. La java s’ajoute peu à peu à la liste des danses avec le boléro et le paso doble, permettant à certains de s’encanailler au bal musette. Pendant ce temps, pendant l’entre-deux-guerres, les classes mondaines préfèrent le jazz et dansent le foxtrot, le charleston, le black bottom ou le shimmy et investissent de nouveaux lieux appelés « dancings ». Les tenues féminines se raccourcissent encore pour permettre de mieux effectuer ces mouvements dynamiques venus d’Amérique. Dans ces années-là, la norme était qu’une jeune homme ou une jeune femme de 18 ou 19 ans sache danser pour pouvoir aller au bal.
Au début des années 1930, près d’un Français sur deux dispose d’une radio TSF. La musique pour danser devient donc accessible à toutes les classes sociales à domicile sans attendre une quelconque occasion. Cela n’empêche pas les Français de se rassembler dans les guinguettes des bords de Marne par exemple (Le Grand Cavana, chez Gégène, etc.), des lieux où se retrouvent des gens de toutes les origines. À Montmartre, le premier bal des pompiers est créé dans la caserne. Puis, les grèves ouvrières de 1936 servent de prétexte à l’organisation de bals quotidiens lors de l’occupation des usines qui conduira à la semaine de 40 heures et aux congés payés, avec par conséquent toujours plus de temps libre pour danser.
En 1939, la Seconde guerre mondiale éclate. Le Maréchal Pétain prône la « France d’avant » et ferme tous les bals et dancing par décret en mai 1940. Bien sûr, l’interdiction n’est pas suivie à la lettre dans les campagnes où des bals sont organisés dans les fermes isolées ou l’arrière salle des bistrots aux fenêtres calfeutrées. Le peuple a besoin de se changer les idées et de danser dans ces bals clandestins où l’accordéon fournit l’ambiance musicale. Dans les villes, occupées par l’armée allemande, c’est plus compliqué mais quelques irréductibles appelés les Zazous (voir l’article sur le sujet dans ce blog) continuent de danser en secret sur les musiques américaines en signe de rébellion.

Après le débarquement américain de juin 44 qui marque le retour de la paix en France, le général De Gaulle réinstaure le bal républicain du 14 juillet et les autres bals renaissent comme les bals des pompiers dans diverses villes ou le Balajo à Paris. En parallèle, certains suivent les traces des Zazous et vont danser le be-bop et le swing dans les caves de Saint-Germain-des-Prés. L’après-guerre marque la nouvelle tendance des bals « où l’on veut, quand on veut », sans avoir à attendre un événement particulier (moissons ou 14 juillet par exemple). Les danses latines s’y intègrent progressivement : mambo, cha-cha, etc. Le bal populaire devient mobile, parfois en intérieur, parfois en extérieur, parfois sous tente, organisé par des professionnels. Il restera la première occasion de rencontre jusque dans les années 1970 puisque les jeunes utilisaient le bal comme lieu de rendez-vous. À la fin des années 1950, le rock’n’roll et les danses des yéyés venues des USA (madison, twist, etc.) reportent un franc succès chez les jeunes, boostés par les jukeboxes et les 45 tours, alors que les plus anciens restent attachés aux danses pratiquées jusque là dans les bals. Les discothèques se créent peu à peu pour donner à la jeunesse amatrice de rock’n’roll, de slow et des nouvelles danses un lieu pour danser avec des lumières tamisées et propice aux rencontres.

Les années 1970 marquent l’envie d’un retour à la nature et le renouveau de la musique folklorique et traditionnelle avec les danses associées. Les bals trads fleurissent en parallèle des soirées pop rock psychédéliques en discothèque où l’on se laisse aller. Puis les soirées en discothèque connaissent l’essor de la musique disco et l’âge d’or de ces établissements (plus de 4000 en France à la fin des années 1970). Face à ce raz-de-marée les bals populaires déclinent malgré les efforts et les subventions du gouvernement pour construire des salles des fêtes dans tout le pays. Ceux qui sortent en boîte de nuit se préparent longuement au préalable et on y va de plus en plus pour être vu et éventuellement y faire des rencontres. Même s’il y a beaucoup moins de discothèques de nos jours qu’à l’époque, la tendance continue dans ce sens sachant que les Français sortent moins, au profit d’une soirée Netflix en famille ou entre amis .

On peut à ce point se poser la question suivante : « le bal populaire ne se cantonne-t-il de nos jours qu’au bal du 14 juillet ? ». Il me semble que la réponse est non. On retrouve les marqueurs du bal populaire dans de nombreuses occasions allant des soirées en boîte de nuit aux bals trad en passant par les soirées et festivals rock’n’roll, latino, swing ou encore country. Les gens sont là, venant de tous horizons, pour partager un bon moment, décompresser, danser, se retrouver entre amis et éventuellement faire de nouvelles connaissances. Ainsi s’il ne s’appelle plus « bal populaire » l’événement dansant contemporain en a encore tous les atours.
Malgré les différents points d’arrêt et interdictions dus aux crises traversées par les Français (le choléra en 1883, la 1ère guerre mondiale, la grippe espagnole en 1918, le 2e guerre mondiale et même récemment le Covid en 2020), la danse et les bals populaires ont conservé leur rôle essentiel dans la vie sociale des Français. Le bal populaire contribue indéniablement à la préservation et au développement de la culture française avec un impact positif sur la cohésion sociale. La danse et les bals populaires sous toutes leurs formes sont bien plus qu’un simple divertissement, mais ils sont également un élément vital de la culture et de la vie sociale française.
Parlons un peu musique aujourd’hui… Vous connaissiez l’électro-acoustique, l’électro-aimant, l’électroencéphalogramme, l’électroménager et aujourd’hui je vous présente… l’electro-swing ! C’est un courant musical issu de la rencontre de la technologie moderne des DJ et des vieux vinyles des années 20, 30 et 40 où sont enregistrés des titres américains de charleston, de jazz et de swing.
Tout cela est une affaire de ressenti et c’est ce même ressenti qui va faire que l’on va avoir envie de danser telle ou telle danse sur un morceau d’electro-swing. Jusqu’ici, j’ai assez peu entendu de titres qui avaient conservé les « bounces » du swing qui permet de danser le lindy hop des années 30. Cela dit, certains parmi lesquels le collectif de DJ G-Swing, essayent de conserver l’aspect dansant de la musique qu’ils ont samplée. Leur album « Swing for modern clubbing » est particulièrement parlant dans ce domaine. En cherchant sur YouTube, vous trouverez plusieurs extraits de leur album.
Je vous propose une petite vidéo qui m’a bien plu et dont l’action se déroule au son d’une musique que l’on pourrait rapprocher de l’electro-swing. La musique en question est « We No Speak Americano » du duo Yolanda Be Cool qui remixe un titre plus ancien « Tu vuo fa l’americano », créé à l’origine par l’Italien Renato Carosone en 1956 (avec mandoline et ocarina, s’il vous plaît…). Cette chanson aux accents de swing a rencontré un grand succès à sa sortie et a été reprise plusieurs fois depuis par divers artistes. Parmi ceux-ci, on trouve The Brian Setzer Orchestra, Marty and His Rockin’ Comets, The Good Fellas, Lou Bega, Akhenaton et plus récemment Dany Brillant et The Puppini Sisters. Cette chanson a même été la bande-son d’une publicité pour les jean’s Lewis dans les années 1990. Dans la vidéo que je vous propose, le duo irlandais Up & Over (Suzanne Cleary et Peter Harding) fait des claquettes (style irlandais) avec les mains. La rythmique est convaincante, on aurait très bien pu l’imaginer faite avec les pieds. De plus, la mise en scène du couple est amusante (et l’homme ne cligne qu’une seule fois des yeux à partir du moment ou on passe en plan rapproché — vous l’avez repérée ? –… je ne sais pas comment il fait). Je crois qu’on peut parler ici de danse des bras et des mains et non seulement de « finger tutting » (terme faisant référence à une danse faite uniquement avec les doigts).






Lorsque vous dansez avec des chaussures à claquettes aux pieds, vous réalisez inévitablement les frappes de base que de nombreux autres danseurs ont réalisé avant vous. Il s’agit d’un passage obligé. Ces frappes sont certes destinées à produire des sons assimilables à des percussions, mais n’oubliez pas que vous êtes censés danser… Aussi, vos bras ne doivent-ils pas rester statiques le long du corps (sauf, bien entendu, dans le cas d’une orientation spécifiquement claquettes irlandaises). Généralement, le bras opposé au pied qui effectue la frappe est légèrement levé, exactement comme lorsque l’on marche. Restez toujours bien droit et n’oubliez pas de garder la jambe sur laquelle se trouve le poids de votre corps (jambe opposée à celle qui effectue la frappe) légèrement pliée : pas de jambe tendue !

Le step est réalisé comme un pas (d’où son nom). Le principe est le même que pour le touch, mais au lieu de relever la pointe du pied, vous laissez celle-ci en contact avec le sol et vous faites passer en même temps le poids de votre corps sur la jambe correspondante. Si vous commencez le step avec le poids du corps sur la jambe gauche, vous le finissez avec le poids sur la jambe droite.
Le brush correspond à un mouvement du pied vers l’avant. Vous êtes en équilibre sur la jambe opposée du pied qui va brièvement racler le sol dans un mouvement en arc de cercle vers l’avant. Le contact avec le sol se fait au niveau de la demi-pointe du pied. Ce mouvement est principalement réalisé par l’action du genou. La cheville n’entre en action que brièvement lors du contact avec le sol.
Le back brush correspond à un mouvement du pied de l’avant vers l’arrière. Vous êtes en équilibre sur la jambe opposée du pied qui va brièvement racler le sol dans un mouvement en arc de cercle vers l’arrière. Le contact avec le sol se fait au niveau de la demi-pointe du pied. Ce mouvement est principalement réalisé par l’action du genou. La cheville n’entre en action que brièvement lors du contact avec le sol.





















S’il y a une routine swing (aussi appelée enchaînement de jazz roots ou authentic jazz) que tout danseur de swing doit connaître, c’est bien le shim sham, où plutôt le « Shim Sham Shimmy » qui est son nom complet d’origine. C’est un enchaînement amusant et qui s’apprend assez vite que l’on retrouve traditionnellement dans nos soirées swing contemporaines, particulièrement lorsqu’il y a un orchestre en direct.
Le shim sham shimmy est à l’origine un enchaînement de danse à claquettes. Leonard Reed et Willie Bryant sont souvent crédités de la création de cet enchaînement, évolution d’un autre enchaînement appelé « Goofus ». J’aimerais partager avec vous ce qu’écrit Constance Vallis Hill, dans son très complet livre « Tap Dancing America » à ce propos (je vous le traduis, car le livre est en anglais).
Sur le titre « Turkey in the Straw », l’enchaînement sur la durée d’un thème était dansé sur 32 mesures. […] Reed se souvient que les chorus girls aimaient tant « Goofus » qu’elles y ajoutèrent leur propre touche féminine sur le pas de sortie par un shimmy. Quand Reed et Bryant parvinrent à New York en 1931 pour se produire au Lafayette Theatre de Harlem, ils découvrirent que la danse avait déjà pris et qu’elle constituait un enchaînement de prédilection dans un club nommé le Shim Sham. En ce lieu, il était régulièrement dansé par une troupe de filles sous le nouveau nom de shim sham shimmy. […] Depuis cette époque, littéralement des centaines de personnes, ne connaissant pas les origines de la danse parmi les chorus girls, créèrent leurs propres versions du shim sham. Dansé durant tout le XXe siècle au point fort des spectacles, le shim sham est considéré comme l’hymne national de la danse à claquettes. 
Voici ce que dit Frankie Manning (dans son autobiographie, « Frankie Manning, l’ambassadeur du lindy hop« ) sur le renouveau du shim sham dans les années 80.
Le shim sham peut être dansé sur diverses musiques swing, mais il est d’usage de le faire sur « T’Ain’t What You Do » (la version de l’orchestre de Billy May ou celle de l’orchestre de Jimmy Lunceford sont souvent préférées) car ce titre contient les breaks adéquats. On peut aussi utiliser le « Shim Sham Song » du Bill Elliot Swing Orchestra (album « Swingin’ the Century », « Tuxedo Junction » d’Erskine Hawkins ou « Stompin’ at the Savoy » de l’orchestre de George Gee (avec les annonces faites par Frankie Manning en personne).
Le shim sham est aujourd’hui traditionnellement dansé à la fin d’une soirée swing. Les danseurs se mettent face à l’orchestre pour faire ce shim sham en guise de remerciement pour la musique sur laquelle ils ont dansé toute la soirée. Cela n’empêche pas que cet enchaînement puisse être dansé n’importe quand dans la soirée. Bien des danseurs de swing ont acquis le réflexe de danser un shim sham dès qu’il entendent les premières notes de « T’Ain’t What You Do ».
Pour finir cet article, voici la chorégraphie du shim sham la plus dansée, celle de Frankie Manning. Chaque ligne numérotée se danse sur 8 temps. Pour savoir ce que signifient les noms indiqués, je vous conseille soit de prendre des cours, soit de consulter mon livre « Le lindy hop et le balboa » qui comporte tous les détails pas à pas.
Mais revenons à nos danses electro… J’ai récemment vu un clip où une manière de danser bien spécifique était mise à l’honneur : le Melbourne shuffle (ou « shuffle » tout court).
Cela me rappelle exactement la manière dont le lindy hop a trouvé son nom à la fin des années 20… Cela étant, les habitants de Melbourne appelaient cela le « rocking » à l’époque et c’est le public international qui a promu l’appellation « Melbourne shuffle » qui est restée.




D’autres figures existent. Par exemple, le « T-Step » est aussi très utilisé. Il consiste en un déplacement de côté basé sur le fait de poser les pieds l’un dans l’autre en T, ce qui implique un twist au niveau de la cheville. Aux différents pas de base, on peut adjoindre des tours, des twists au niveau des jambes ou des pieds, des glissades, des kicks et quelques mouvements de bras. Certains mouvements, par ailleurs, ont un fort air de ressemblance avec les pas du charleston des années 20 ou le twist des années 60. La similitude avec le charleston est tellement frappante que je ne peux m’empêcher de me demander
Dernièrement, deux groupes ont présenté du shuffle dans leurs clips. Il y a tout d’abord les Black Eyed Peas dans « The Time (Dirty Bit) », leur adaptation de « Time of My Life » de la BO de Dirty Dancing. Ils font figurer des danseurs de shuffle dans une boîte de nuit à environ 2’50 du début du clip. À côté de cela, il y a le groupe LMFAO qui a sorti son clip vidéo « Party Rock Anthem » (qui, à l’heure où j’écris ces lignes, passe encore fréquemment sur les chaînes TV musicales) où le shuffle est particulièrement mis à l’honneur aussi bien dans la danse que dans les paroles : « Everyday I’m shufflin' ». La musique est plutôt de la dance electro grand public et n’est pas aussi « hardcore » que les musiques habituellement utilisées pour danser le shuffle, mais tout cela marche très bien ensemble. J’intègre le clip en question dans cet article-ci dessous (vidéo (c) 2011 Interscope) s.
Le shuffle que je viens de vous présenter évidemment n’a rien à voir avec le shuffle des claquettes (une série de deux frappes sur un mouvement aller-retour du pied), mais il y a aussi quelques similitudes sur certains mouvements (on en voit quelques uns dans le clip des Black Eyed Peas que j’ai cité ci-dessus). En effet, certains mouvements de slide (glissade) des claquettes peuvent aussi donner l’impression que donne le « running man » du Melbourne shuffle. Je n’aurais pas été complet si je n’avait cité ce point, ne serait-ce qu’en fin d’article, non ?

Ces dernières années, de nombreuses personnes se sont mises à la danse country en ligne (désormais appelée « line dance »). Si certains n’ont découvert que récemment cette manière de danser, les amateurs de swing savent depuis longtemps que l’on mêle facilement des séquences de danse en solo au lindy hop. Au début du renouveau du lindy hop, dans la fin des années 80 et au début des années 1990, on appelait ces enchaînements de swing en solo et en ligne des « routines swing », par anglicisme. L’appellation a par la suite évolué. On a appelé ces « jazz steps » des « pas de jazz », puis l’on a vu apparaître la dénomination « authentic jazz » pour faire la différence avec les mouvements du modern jazz (introduit dans les années 50 dans les spectacles de Broadway). Enfin, plus récemment, on a commencé à parler de « jazz roots » pour faire référence littéralement à ces mouvements des années 30 et 40 typiques des racines du jazz. Avec le temps, de nombreux enchaînements (les « routines »…) de jazz/swing ont été créés et un certain nombre d’entre eux sont devenus des succès comme le shim sham (Frankie Manning), le jitterbug stroll (Ryan Francois), le Tranky Doo, le petit blues, etc. Ceci étant, la plupart des mouvements dansés dans ces enchaînements peuvent être intégrés dans un lindy hop en couple (les partenaires se lâchent alors souvent les mains) en toute improvisation. Parfois, c’est l’inverse, comme dans le shim sham, où les danseurs commencent la chorégraphie imposée en danse en ligne et finissent le morceau de musique en couple et en improvisation.
Afin de pratiquer quelques-uns parmi les principaux mouvements de swing en solo qui font partie des grands classiques, j’ai eu l’idée de les rassembler au sein d’un enchaînement dynamique s’accordant à une chanson que j’aime bien « Rip Van Winkle », interprétée par Lily Wilde et son orchestre (présent sur son album « Insect Ball ». Du reste, je vous conseille l’album tout entier qui est très dansant. Je dirais qu’il cadre bien dans un style proche de Count Basie ou Billy May qu’affectionnent tout particulièrement les danseurs de lindy hop. « Rip Van Winkle » est une chanson teintée d’humour faisant référence à un récit de Washington Irving, publié en 1819. L’histoire est celle d’un homme qui rencontre des personnages étranges dans la forêt et qui n’hésite pas à trinquer avec eux. Ivre, il s’endort et se réveille 20 ans plus tard alors que sa femme est décédée et la plupart de ses amis ont disparu.
L’authentic jazz (ou jazz roots) comporte de nombreux mouvements souvent utilisés dans les enchaînements en ligne. L’enchaînement que je vous propose plus bas en utilise un bon nombre. Je les décris d’ailleurs presque tous dans mon livre « Le lindy hop et le balboa », sorti en 2010. Parmi les mouvements de l’enchaînement, il y en a un que j’aime bien, car il donne vraiment l’impression de s’exprimer ; il s’agit du fall off the log.
Lorsque je débutais et que j’apprenais le lindy hop par stages successifs, suivant les professeurs connus de ville en ville, il n’y avait pas de support écrit et diverses prononciations qualifiaient cette figure de « Follow the logs » ou, dans le meilleur des cas, de « Fall of the log ». Si l’on cherchait à traduire, le premier terme correspondait à « Cherchez les journaux » et le second par « Chute du journal ». Certains enseignants justifiaient d’ailleurs cela en disant qu’il s’agissait d’imiter le paperboy (livreur de journaux aux USA) qui lançait les journaux enroulés sur eux-mêmes dans les jardins des quartiers résidentiels. Ce n’est que plus tard que j’appris que le vrai nom s’écrivait « fall off the log » et que cela faisait référence aux bûcherons américains qui faisaient descendre les billots de bois (les « logs ») dans la vallée en utilisant le cours d’une rivière. Pour cela, ils devaient parfois se tenir debout sur un billot à qui il arrivait de commencer à rouler dans l’eau. Dans certains cas, le malheureux bûcheron tombait à l’eau après avoir fait un mouvement de déséquilibre ressemblant à cette figure de jazz qu’on peut traduire par « chute d’un billot ». Après cette petite page culturelle, voici donc l’enchaînement promis. Dans la description, la première colonne indique le temps sur lequel le mouvement correspondant débute.
Dans les années 1945 à 1956, un duo d’artistes était particulièrement connu aux États-Unis aussi bien pour la qualité de ses sketches qui contenaient aussi bien des chansons que de la danse. Ce duo, mêlant le charme de crooner de l’un de ses membres à l’humour déjanté du second était composé de Dean Martin et de Jerry Lewis. Ce sont deux personnages que l’on a un peu oubliés (et en particulier leur duo à succès) et que je vous propose de redécouvrir ci-après, avec un focus sur leurs prestations dansées qui tenaient une place particulièrement importante dans leurs numéros.
Durant toutes ces années de collaboration, les deux artistes ont persemé leurs numéros de danse. Essentiellement de la danse en couple, mais pas seulement. Cela est arrivé dans des émissions de télévision, mais aussi dans des films. Par exemple, dans le film « Livig It Up » de 1954 (photo ci-contre), on voit Jerry Lewis danser le lindy hop/jitterbug avec Sheree North. Même s’il fait le pitre, on devine bien ses qualités de danseur (que je vous propose de découvrir à la fin de cet article). Pour le duo de choc, l’émission « Colgate Comedy Hour » (voir plus bas) a été un terrain expérimental particulièrement riche où ils s’adonnaient à toutes sortes d’exercices allant du sketch burlesque à des prestations aux allures de comédie musicale. Et il faut bien avouer qu’ils n’hésitaient pas à faire quelques pas dans les bras l’un de l’autre pour faire rire le public. C’est dans cet état d’esprit caractéristique que ces amoureux du jazz et des danses associées ont fait découvrir le swing à des milliers d’Américains.
Pendant longtemps, j’ai cru que Dean Martin était simplement un chanteur grâce à des CD de compilation de crooners et Jerry Lewis un clown à cause de la rediffusion de certains films comme « Docteur Jerry et Mister Love ». Ce n’est que plus tard, avec l’ère de Youtube, que je suis tombé sur des vidéos d’époque qui m’ont prouvé qu’ils aimaient aussi beaucoup la danse et qu’ils en parsemaient leurs numéros pour notre plus grand plaisir. J’ai souhaité limiter à 3 le nombre de vidéos de cet article, mais je vous conseille d’aller faire un tour sur les sites d’hébergement de vidéos (Youtube ou Dailymotion) et d’en découvrir d’autres (dont certaines faites chacun de son côté après la fin de leur duo).
Extrait de « Le vrai Swing » de A. de Vyver (1946)
Dans sa méthode, le « professeur A. De Vyver », décrit une danse semblable au foxtrot (position fermée, suivant la ligne de danse autour de la piste de danse) et qui fait alterner genoux fléchis (temps pairs) et genoux tendus (temps impairs) dans un pas de marche. Il y présente le pas chassé, le break sur 6 temps (rien à voir avec un break musical), le croisé tourné sur 8 temps, ainsi que le snap sur 10 temps. Je ne vais pas m’étendre plus loin sur le contenu de cette méthode, puisque ce n’est pas réellement l’objet de l’article.
Ce qui me semble intéressant de remarquer, c’est cette notion de « vrai swing ». Une danse peut-elle être vraie ? Peut-être est-ce oui si l’on veut faire référence à une pratique à un moment donné en un lieu donné par une personne donnée (ou à un standard diffusé), mais peut-être est-ce non dans d’autres cas. Je ne vois pas pourquoi une manière de danser serait plus vraie qu’une autre du moment qu’elles sont toutes les deux pratiquées sur une piste de danse ou une scène. On devine bien que l’auteur se base sur ses connaissances de l’époque (1946, rappelons-le) et qu’il veut tordre le cou à une nouvelle vague de mouvements qui apparaît sous le nom de « swing » alors qu’il pratique lui-même une danse du même nom, mais qui a des mouvements différents. Il faut aussi garder en tête que cette personne est professeur de danse (et, à l’époque, c’est un statut d’importance semble-t-il) et qu’il voit d’un mauvais oeil cette concurrence qui ne nécessite pas de leçons, selon ses mots. Il est évident que l’auteur de ce texte n’a pas le recul que nous avons aujourd’hui pour pouvoir trancher ce débat sur le « vrai swing » qui naît déjà en 1946.
Cela me rappelle un peu une fiche d’UltraDanse.com que je viens de modifier (celle qui présente le rock) et le début de mon travail sur le site il y a 10 ans. J’avais écrit à l’époque que le « vrai rock se danse sur 6 temps ». Je souhaitais diffuser la bonne parole (en tout cas celle dont j’étais partisan à mon stade de maturité). Oui, mais voilà : on évolue au fil de nos nouvelles connaissances et aptitudes. Aujourd’hui, j’ai compris qu’il n’y a pas de « vrai rock », mais plusieurs manières de danser le rock. Le seul problème ensuite est d’être en mesure de danser avec quelqu’un d’autre qui dit aussi danser le rock. Quoi qu’il en soit les différents styles cohabitent sur les pistes de danse lors des soirées. C’est la même chose pour le lindy hop, dont la guéguerre entre « Savoy » et « Hollywood » n’a plus réellement cours, puisque la nouvelle génération de lindy hoppers ne fait plus vraiment la distinction et utilise des techniques issues des deux styles concurrents dans les années 90.
Y a-t-il un « vrai swing » en tant que danse ? La réponse est non, de toute évidence. Et nous ne le savons que depuis quelques années. Le swing, c’est une famille musicale qui a donné naissance à tout un ensemble de danses. Cela part du foxtrot au West-Coast swing en passant par le lindy hop, le balboa, le shag et même le rock. La meilleure preuve en est que ces différentes danses cohabitent souvent sur les pistes de danse au son d’un même titre. Bien sûr, l’évolution de la musique a élargi l’application de ces danses à d’autres styles musicaux. On danse ainsi le balboa sur du swing manouche, le rock sur de la pop des années 80, le West-Coast swing sur du R’n’B, etc. De plus, ces danses ont subi l’influence d’autres danses qui n’ont rien à voir au niveau musical, comme la salsa ou le tango, ainsi que l’influence d’autres cultures issues de la diffusion mondiale des danses. Ainsi, à chaque époque correspond une certaine pratique de telle ou telle danse. Nous ne dansons plus le lindy hop comme dans les années 40, pas plus que nous le dansons comme dans les années 80 et il y a de fortes chances que nous ne le danserons plus comme aujourd’hui dans 20 ou 30 ans. Tout est un subtil mélange entre influences, maturité, standardisation et contexte musical. Entre les amateurs de la tradition et ceux de la modernité s’établit un équilibre qui évolue selon les époques et les lieux.
« Mon premier voyage » a été écrit en 1936 par Jean Cocteau, que personnellement je ne connaissais que de réputation et par l’intermédiaire du film « La Belle et la Bête » qu’il réalisa en 1946 avec Jean Marais et Josette Day. Le concept de départ est simple : il s’agissait, pour Jean Cocteau, de refaire le voyage décrit par Jules Verne dans son « Tour du monde en 80 jours » en 1872, mais 64 ans plus tard (et pour fêter le centenaire de la mort de l’écrivain) afin de constater l’évolution du monde. Jean Cocteau (qui se met dans la peau de Philéas Fogg) est accompagné de Marcel Khill (qu’il surnomme « Passepartout ») et il envoie son carnet de voyage au journal Paris-Soir qui fait ainsi, à l’époque, partager à ses lecteurs les péripéties de ces successeurs des personnages de Jules Verne autour du monde. C’est ainsi que nous suivons pas à pas ce voyage haletant de bateau en train et de voiture en avion (sur la fin seulement) afin de tenir le défi contre la montre. Jean Cocteau essaye de redécouvrir les pays qu’il traverse en évitant les grandes fêtes préparées par les consuls et ambassadeurs, au courant de son projet, et en fréquentant des quartiers parfois peu recommandés, coupe gorges, salons où l’on fume l’opium et autres boui-boui où la nourriture fait peur. Il passe ainsi par l’Italie, l’Égypte, l’Inde, la Chine, les États-Unis avant de revenir en France. Il a aussi la bonne surprise de passer du temps sur un bateau avec Charlie Chaplin (dont j’ai appris qu’il fallait prononcer le nom à la française, car il est le fils du peintre français Charles Chaplin) avec qui il devient ami.
C’est vers la fin du livre (je finissais mon voyage en même temps que le livre, situation sympathique) que j’ai découvert le passage où Jean Cocteau arrive à New York et à Harlem en particulier. Nous sommes en 1936, vous devinez un peu ce qui va suivre, non ? Eh bien oui, son voyage le mène au Savoy Ballroom à la découverte du swing et du lindy hop ! Pour la peine, je vais vous recopier ci-après l’extrait correspondant. Il faut juste noter avant d’aller plus loin que le vocabulaire utilisé à l’époque n’avait pas la même portée que les mêmes mots utilisés de nos jours. Il n’y a, je pense, pas de notion péjorative dans les propos de Cocteau qui s’emballe facilement dans un lyrisme exacerbé ici et dans d’autres pages de son récit.
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Sur quelle herbe ont-ils marché ? Sur la marihuana, l’herbe qui se fume et qui grise. Ces grosses négresses en cheveux et ces petites filles dont la poitrine se cabre et dont pointe la croupe, le chapeau placé comme une gifle, deviennent un lasso que les noirs déroulent et enroulent à bout de bras, un boomerang qu’ils lancent et qui les frappe au coeur après avoir tournoyé dans le vide. Parfois, le visage sévère, extatique, la négresse passe sous le bras du danseur, se détache, s’éloigne, exécute un cavalier seul, parfois elle s’élance et le prend d’assaut comme une vague. Il arrive que les couples s’isolent et combinent les figures d’un quadrille plus grave qu’une partie d’échecs. Des blanches se mêlent aux couples noirs. Le vertige, la fatigue ne ralentissent jamais les jambes dont le « dope », les reefers (cigarettes de marihuana) soutiennent le rythme ininterrompu. Rythme d’une foule qui finit par n’être que son propre reflet dans de l’eau qui bouge.
[…] au bar Onyx, une cave où vous allez entendre les meilleurs swing de New York, […] le Swing a remplacé le Jazz. C’est le terme nouveau qui désigne un band noir dont la musique tourne et vous boxe l’âme. Au bout de cette petite cave étroite se démènent, sur une estrade, les cinq nègres de l’orchestre le plus pur. C’est l’oeuf cru qui deviendra l’oeuf cuit et les oeuf sur le plat et l’omelette aux fines herbes. Car ces ensembles s’abîment. Même un Armstrong qu’on croyait de diamant s’est laissé corrompre. Le rêve de ces Ford construites avec des ficelles et des boîtes de conserve est de devenir Rolls Royce et l’orchestre symphonique qui monte des profondeurs, les smokings blancs, les saxophones de nickel éclaboussés de lumière, seront la perte de ces vieux tambours, de ces vieilles trompettes et de ces vieux chapeaux. Le drummer est un nègre d’origine indienne. Il roule son tonnerre et jette ses foudres, l’oeil au ciel. Un couteau d’ivoire miroite entre ses lèvres. Près de lui les jeunes loustics d’une noce de campagne se disputent le microphone, s’arrachent de la bouche des lambeaux de musique saignante et s’excitent jusqu’à devenir fous et à rendre folle la clientèle qui encombre les tables. Lorsque le swing s’arrête, un roulement de caisse accompagne les acclamations et les saluts des choristes Halte ! Les tables s’écrasent contre un mur brutal de silence, et après une stupeur de catastrophe, le Swing empoigne le Boléro de Ravel, le déchire, le malaxe, le scalpe, l’écorche vif, entortille autour de son bâton monotone les pampres écarlates d’un tyrse vaudou. »
Si l’on danse le lindy hop un peu partout (et de plus en plus), ce n’est pas pour autant que tout le monde danse de la même manière. C’est un peu comme pour le rock. On ne le danse pas tout à fait de la même façon dans toute la France, sans parler des variantes à 6 temps et à 4 temps. Bref, la différence par rapport au rock, c’est qu’on entend ça et là qu’il y aurait une rivalité entre le lindy « Savoy style », le lindy « Hollywood style » ou le lindy « Smooth style ». Certaines personnes considèrent les deux dernières appellations comme synonymes, alors que d’autres considèrent que ces styles sont différents même s’ils sont tous les deux issus de la côte Ouest des États-Unis). Essayons de voir ce qu’il en est.
Comme je l’ai dit, le lindy hop est né au Savoy Ballroom de Harlem à la fin des années 20. En réalité, il n’est pas apparu un beau jour comme ça. Il a été développé progressivement à partir du breakaway, du collegiate, du charleston et d’autres influences (dont des acrobates, des comiques et autres spectacles de vaudeville). Les principaux contributeurs à l’évolution de cette danse sont issus des habitués du Savoy qui fait office de plaque tournante, mais d’autres salles de danse de Harlem ont également été impliquées comme le Renaissance Ballroom ou le Cotton Club. C’est à cette époque où, chacun cherchant à épater les autres, les danseuses et danseurs faisaient preuve d’une inventivité telle que la danse pratiquée sur le swing a évolué vers ce que l’on a appelé le lindy hop, mais on peut dire qu’à l’époque, avant qu’une grande tendance ne se dégage, tout le monde avait un peu sa manière de danser le lindy hop. C’est à cette époque que des grands noms de l’histoire du lindy hop ont vécu : Shorty George, Frankie Manning, Norma Miller, Al Minns, Leon James et la troupe des Whitey’s Lindy Hoppers d’une manière générale (elle aussi basée au Savoy dans les années 30). Frankie Manning a énormément contribué à la danse et, avec la troupe que je viens de citer, il a diffusé en soirée, en spectacle ou au cinéma une certaine manière de danser de lindy hop qui est restée sous l’appellation de « Savoy style » (le style du Savoy Ballroom).
Dans cette période riche en nouveautés des années 30 et 40, un certain nombre de personnes sont passées par le Savoy et y ont découvert le lindy hop. En particulier on remarquera un certain Dean Collins qui emmena avec lui les bases du lindy hop du Savoy vers la Californie en 1936 et en particulier Los Angeles dont un quartier, Hollywood, connu pour ses studios de cinéma. Bien sûr, Dean Collins a intégré les bases du lindy et sa pratique les a transformées vers un style qui lui est propre, éliminant par exemple les bounces du style d’origine. On parle souvent du film « Hellzapoppin' » pour la scène de lindy hop dynamique et pleine d’acrobaties effectuée par la troupe des Whitey’s Lindy Hoppers. Mais ce que l’on sait moins (probablement parce que peu d’amateurs de danse ont réellement vu le film en entier…), c’est que Dean Collins danse aussi dans une autre scène de ce film, celle de « Watch the Birdie » au bord de la piscine. On peut voir Dean Collins dans presque 40 films tournés dans les années 40 avec diverses partenaires, mais essentiellement avec Jewel McGowan dont je trouve le style très élégant.
Si l’on devait définir les styles de lindy hop, on pourrait dire ceci. Le lindy hop « Savoy » est très circulaire, la connexion entre les partenaires varie au sein d’une figure afin de laisser une grande liberté à la danseuse, la pulsation rythmique (« bounces ») est très présente, et un certain nombre de figures caractéristiques sont souvent dansées (hand-to-hand charleston, mini dip,… ainsi que de nombreux pas de jazz spécifiques comme le Shorty George, Suzie Q, etc.). Le style Savoy dispose d’une manière de danser « sociale » pour les soirées et les tempos lents à mediums ainsi que d’une manière « spectacle » avec de nombreux kicks pour les démonstrations et les tempos rapides. Enfin, la position « horizontale » des danseurs est orientée vers le/la partenaire, chacun portant son propre poids sans interférer avec l’autre à l’arrêt. Le style « Savoy » conserve donc de nombreux liens avec la culture afro-américaine. Le lindy hop « Hollywood » (ou « Smooth ») se danse plutôt sur une ligne (même si ce n’était pas le cas aux origines de ce style), la connexion est très présente (effet de contrepoids dans le couple) et permet des figures très précises ; de plus, l’ensemble de la danse semble fluide dans tous les axes de l’espace et le triple step n’est pas systématique. Enfin, la position « horizontale » des danseurs est plutôt vers l’arrière, créant une tension entre les partenaires et donc une connexion plus forte. Le style « Hollywood » ou « smooth » s’est éloigné des racines afro-américaines et a donné naissance à encore d’autres variantes à base de lindy hop (où j’avoue parfois ne pas retrouver les bases). Il est à noter que l’on crédite aussi Dean Collins comme étant à l’origine du West-Coast swing qui partage un certain nombre de points communs avec le style « Hollywood ». Notez, par exemple, que le lindy turn s’appelle le whip en West-Coast swing.
Ainsi lorsque la danse swing a commencé à revenir dans les soirées dansantes à partir des années 80, on a naturellement cherché ceux qui étaient là lorsque la danse est née. C’est comme cela que l’on a redécouvert cette danse à New York (mais aussi en Californie) par le biais d’Al Minns, Frankie Manning ou Norma Miller qui ne sont devenus professeurs de danse qu’à cette époque récente. C’est à partir de ce style « Savoy » que le lindy hop s’est donc diffusé de nouveau dans le monde dans les années 80 et 90. Suite à ce renouveau, certains danseurs ont souhaité redonner vie au style originel de Dean Collins dans les années 90. Et c’est là où la dénomination de « Hollywood » est née, pour faire référence à ce style dansé dans les films d’Hollywood. Il faut noter que Dean Collins enseignait la danse en Californie. Ce style a été adopté par les amateurs de swing en recherche de nouveauté et deux « tribus » ont vu le jour en France : les Savoy et les Hollywood (on se croirait dans Koh Lanta…). En général, là où dans une grande ville il y avait des cours de Savoy, on trouvait aussi des cours de Hollywood chez le concurrent. C’est d’ailleurs toujours un peu le cas, un peu comme on a la salsa cubaine opposée à la salsa portoricaine (mais c’est une autre histoire). Cela dit, les danseurs de swing se mélangent au sein des mêmes soirées, car la musique swing reste la base du lindy hop qu’il soit Savoy, Hollywood, Smooth ou que sais-je encore. Ainsi, des figures passent d’un style à l’autre et inversement là où la technique de base ne fait pas obstacle. Car un danseur de Savoy peut avoir du mal à danser avec une danseuse d’Hollywood. En effet, cette dernière attend une connexion forte que le premier n’a pas l’habitude de donner. Apprendre les deux styles peut résoudre l’affaire, mais peut-être est-ce au détriment d’un style visuel marqué ? À chacun de voir. En tout cas, tout cela c’est du lindy hop et cette danse très riche n’a pas fini d’évoluer. À une époque, les danseurs américains de style Savoy venant en France parlaient de « that French lindy hop », ce qui montre bien que les Français ont, eux aussi, apporté leur pierre à l’édifice et ont fait évoluer le lindy hop des origines dans une nouvelle direction.
Avant de clore cet article, j’ai une pensée pour Frankie Manning, décédé il y a presque un an. Il y a un an, j’achevais aussi la traduction et l’édition française de l’autobiographie de ce personnage du lindy hop (« Frankie Manning, l’ambassadeur du lindy hop » ). Coïncidence malheureuse. Frankie n’aura pas eu l’occasion de tenir entre ses mains cette édition française à laquelle il a contribué en personne en écrivant une introduction spéciale pour les Français et en me donnant gentiment des photographies personnelles qui n’ont pas été publiées dans l’édition originale américaine. En revanche, sa co-auteur Cynthia Millman l’a vu et m’en a dit le plus grand bien. En tout cas, je suis heureux que ce livre puisse permettre aux francophones de connaître les origines du lindy hop racontées par l’un de ses créateurs ainsi que le message de paix et de tolérance que Frankie Manning ne cessait de diffuser de son vivant. Ce livre a été primé par la communauté des amateurs de musique jazz en recevant le prix du livre jazz 2009 du « Hot Club de France » et je ne cesse de recevoir des retours positifs sur cet ouvrage depuis qu’il est disponible. Cela m’encourage aussi à poursuivre un travail sur un livre présentant les figures de base du lindy hop d’un point de vue technique et qui sera disponible à la vente cet été.
Dans le domaine des danses en couple, il est une discipline qui est souvent associée aux traditionnels foxtrot, lindy hop ou autres danses pratiquées sur du jazz. Je fais référence ici à ce que beaucoup appellent « les claquettes » et que d’autres préfèrent voir appeler « la danse à claquettes », traduction directe de son nom en anglais « tap dance ». Car « faire des claquettes », ce n’est pas simplement faire de petits sons avec ses pieds, c’est plutôt mêler danse et percussions. C’est ce que je vous propose de découvrir aujourd’hui…
Les mouvements qui scandaient le travail passèrent de la vie à la scène par le biais des « Minstrel Shows » dont j’ai parlé dans un autre article de ce blog. Les Blancs grimés en Noirs faisaient le spectacle en imitant ces derniers. Jusque dans les années 1920, les frappes sont faites grâce à des semelles en bois en deux parties (sur des chaussures de cuir), mais devant l’usure rapide de celles-ci, on les remplaça définitivement par des plaques de métal, les fers (ou taps en anglais), qui pour autant sont de nos jours en aluminium.
Pour l’anecdote, notez que les moins fortunés fixaient des capsules de bouteille sous leurs chaussures à la place de vrais fers. Les spectacles de danse à claquettes devinrent de plus en plus techniques et étonnants grâce au Vaudeville et à la concurrence entre les diverses salles de spectacle aux USA. Le mélange des styles de numéros (comiques, acrobaties, danseurs de caractère, etc.) contribua à l’enrichissement des numéros de danse à claquettes par l’importation de nouveaux mouvements de plus en plus spectaculaires et innovants. À cette époque, il était courant de se faire chorégraphier un numéro de claquettes par un professionnel et de l’apprendre en cours particuliers avant de le produire en spectacle. De cette période, on connaît de nombreux artistes comme Bill Robinson, Honi Coles, John Bubbles, les Nicholas Brothers, etc.
La danse à claquettes devint de plus en plus populaire avec les comédies musicales hollywoodiennes à partir des années 30 où des vedettes comme Fred Astaire, Ginger Rogers, Gene Kelly, Ann Miller, Eleanor Powell ou Shirley Temple firent de cette discipline une part essentielle du rêve américain. Ils y ajoutèrent des pas de danse classique et la musique jazz était omniprésente dans leurs numéros qui comportaient aussi du chant. De nombreux films cultes de cet âge d’or sont connus de tous comme
Comme d’autres manières de danser de l’époque swing, la danse à claquettes passa de mode avec la déferlante du rock’n’roll après la Seconde Guerre mondiale. Mais le renouveau est là de nos jours grâce au retour de l’attrait du public pour les danses traditionnelles et folkloriques (comme les danses irlandaises) ainsi que pour le jazz et le swing. Je dirais, pour simplifier, qu’on parle aujourd’hui de deux principales catégories dans la pratique de la danse à claquettes :
Il est intéressant de noter des pratiques spécifiques de la danse à claquettes comme le soft shoe, pratique légère, classe et dansée en chaussures sans fers (le sol est alors parsemé de sable pour qu’il y ait tout de même du bruit…) ou encore le hoofing aux frappes très intenses et complexes. Aux danseurs à claquettes, il est aussi possible d’associer, pour être complet, les percussionnistes qui font feu de tout bois… ou plutôt bruit de tout support comme les artistes du spectacle
Les claquettes sont liées aux danses en couple de plusieurs manières. Tout d’abord, nous avons tous en tête l’image de Fred Astaire dansant avec ses partenaires (voir un autre de mes billets sur le sujet dans ce blog) à Hollywood où, entre deux refrains et trois pas de foxtrot, les danseurs s’adonnent à des rythmiques qui semblent sortir naturellement de leurs semelles. On a même pu assister à des claquettes sur patins à roulettes dans
Je l’ai moi-même vérifié dans ma manière de danser les danses à deux au fil de mon apprentissage de la danse à claquettes et je recommande à tout le monde de faire au moins une année (voire deux) de claquettes pour cela. Et (qui sait ?) peut-être ne pourrez-vous plus vous en passer, tout comme le petit manchot empereur du film d’animation