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Le « vrai » swing

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L’idée de cet article m’est venue il y a quelques mois en lisant une vieille méthode de danse de 1946 qui porte le même nom que cet article « Le vrai Swing » de A. de Vyver. Dans ce fascicule de 24 pages, l’auteur décrit ce qu’il considère comme étant le « vrai swing ». Cela amène un peu plus loin ma réflexion à ce que peut être une « vraie » danse… Je commence donc par recopier ci-dessous la préface du fascicule en question qui est édifiante.

Extrait de « Le vrai Swing » de A. de Vyver (1946)
Cette méthode a été étudiée spécialement pour permettre à tous d’acquérir rapidement et facilement le « Swing » tel qu’il doit être, c’est-à-dire correct, dansant et spectaculaire. Avant de passer à l’étude des bases fondamentales du « Swing », il est bon, pour la clarté même de l’enseignement, d’établir une classification des différents « Swing » qui firent fureur ces dernières années.
Premièrement : Le « Swing » pratiqué en dancing.
Deuxièmement : Le « Swing » réel.
Le « Swing » pratiqué dans les dancings, appelé aussi « Swing » populaire, ne fut en réalité qu’un « Swing » déformé, dans sa tenue, dans ses figures, dans ses bases, et ceci, afin de simplifier. Ainsi on vit naître un peu partout des « Swing » de toutes sortes et baptisés « Swing » américain, nègre, double-temps, slow-swing, etc… Chaque danseur avait le sien. L’un dansait un « Swing » à quatre temps, un autre dansait en six temps, un autre dansait en huit temps, etc… Et l’on vit dans les bals des excentricités de toutes sortes : tiraillements, sauts séparés, rattrapés, course à cloche-pied (exact). Naturellement, rien de tout ceci ne ressortait du « Swing » et encore moins de la danse.
Et l’accueil que ces curieuses figures trouvèrent auprès de la jeunesse ne peut s’expliquer que par l’absence de distractions à laquelle cette jeunesse fut contrainte pendant les années 1940 à 1945. Nous n’enseignerons donc pas ce genre de « Swing », puisqu’il est la déformation même du vrai, et puisque, pour l’apprendre, il n’est pas besoin de leçons.
Le « Swing » réel, dit aussi « Swing » de Club, a toujours été le préféré des amateurs de danse. La correction de sa tenue (rapprochée), ses figures spectaculaires, élégantes, ne nécessitant, par ailleurs, que peu de place, en font le « Swing » de prédilection pour les amateurs de vraies danses récréatives. Notons que ses figures ne sont pas toutes composées du même nombre de temps ; on y trouve des 4, 6, 8, 10 et même 12 temps, comme d’ailleurs dans la plupart des danses. C’est à l’étude de ce « Swing » qu’est consacrée cette méthode. Nous étudierons seulement les figures les plus usitées, accessibles à tous, en laissant de côté les fantaisies compliquées nécessitant la présence d’un professeur.

Dans sa méthode, le « professeur A. De Vyver », décrit une danse semblable au foxtrot (position fermée, suivant la ligne de danse autour de la piste de danse) et qui fait alterner genoux fléchis (temps pairs) et genoux tendus (temps impairs) dans un pas de marche. Il y présente le pas chassé, le break sur 6 temps (rien à voir avec un break musical), le croisé tourné sur 8 temps, ainsi que le snap sur 10 temps. Je ne vais pas m’étendre plus loin sur le contenu de cette méthode, puisque ce n’est pas réellement l’objet de l’article.

Ce qui me semble intéressant de remarquer, c’est cette notion de « vrai swing ». Une danse peut-elle être vraie ? Peut-être est-ce oui si l’on veut faire référence à une pratique à un moment donné en un lieu donné par une personne donnée (ou à un standard diffusé), mais peut-être est-ce non dans d’autres cas. Je ne vois pas pourquoi une manière de danser serait plus vraie qu’une autre du moment qu’elles sont toutes les deux pratiquées sur une piste de danse ou une scène. On devine bien que l’auteur se base sur ses connaissances de l’époque (1946, rappelons-le) et qu’il veut tordre le cou à une nouvelle vague de mouvements qui apparaît sous le nom de « swing » alors qu’il pratique lui-même une danse du même nom, mais qui a des mouvements différents. Il faut aussi garder en tête que cette personne est professeur de danse (et, à l’époque, c’est un statut d’importance semble-t-il) et qu’il voit d’un mauvais oeil cette concurrence qui ne nécessite pas de leçons, selon ses mots. Il est évident que l’auteur de ce texte n’a pas le recul que nous avons aujourd’hui pour pouvoir trancher ce débat sur le « vrai swing » qui naît déjà en 1946.

Cela me rappelle un peu une fiche d’UltraDanse.com que je viens de modifier (celle qui présente le rock) et le début de mon travail sur le site il y a 10 ans. J’avais écrit à l’époque que le « vrai rock se danse sur 6 temps ». Je souhaitais diffuser la bonne parole (en tout cas celle dont j’étais partisan à mon stade de maturité). Oui, mais voilà : on évolue au fil de nos nouvelles connaissances et aptitudes. Aujourd’hui, j’ai compris qu’il n’y a pas de « vrai rock », mais plusieurs manières de danser le rock. Le seul problème ensuite est d’être en mesure de danser avec quelqu’un d’autre qui dit aussi danser le rock. Quoi qu’il en soit les différents styles cohabitent sur les pistes de danse lors des soirées. C’est la même chose pour le lindy hop, dont la guéguerre entre « Savoy » et « Hollywood » n’a plus réellement cours, puisque la nouvelle génération de lindy hoppers ne fait plus vraiment la distinction et utilise des techniques issues des deux styles concurrents dans les années 90.

Mais je reviens un peu sur cette histoire de foxtrot/swing du professeur De Vyver. Si ce qu’il appelle swing ressemble beaucoup au foxtrot, c’est qu’il y a une raison. J’ai déjà eu l’occasion de dire ici que le foxtrot, le lindy et le rock peuvent très bien cohabiter sur une piste de danse. En réalité, ce type de cohabitation se faisait déjà dans les années swing au fameux Savoy Ballroom de New York où s’est développé le lindy hop des origines. Voici un extrait issu du documentaire « Frankie Manning: Never Stop Swinging » (PBS, 2009) qui reprend lui-même un film des années 1950 à l’on voit comment l’on dansait au Savoy Ballroom de Harlem. Ce montage vidéo met en évidence les danseurs de « Swing Walk » (autre nom donné au foxtrot) qui dansent autour de la salle alors que les danseurs de lindy hop en occupent le centre.

Y a-t-il un « vrai swing » en tant que danse ? La réponse est non, de toute évidence. Et nous ne le savons que depuis quelques années. Le swing, c’est une famille musicale qui a donné naissance à tout un ensemble de danses. Cela part du foxtrot au West-Coast swing en passant par le lindy hop, le balboa, le shag et même le rock. La meilleure preuve en est que ces différentes danses cohabitent souvent sur les pistes de danse au son d’un même titre. Bien sûr, l’évolution de la musique a élargi l’application de ces danses à d’autres styles musicaux. On danse ainsi le balboa sur du swing manouche, le rock sur de la pop des années 80, le West-Coast swing sur du R’n’B, etc. De plus, ces danses ont subi l’influence d’autres danses qui n’ont rien à voir au niveau musical, comme la salsa ou le tango, ainsi que l’influence d’autres cultures issues de la diffusion mondiale des danses. Ainsi, à chaque époque correspond une certaine pratique de telle ou telle danse. Nous ne dansons plus le lindy hop comme dans les années 40, pas plus que nous le dansons comme dans les années 80 et il y a de fortes chances que nous ne le danserons plus comme aujourd’hui dans 20 ou 30 ans. Tout est un subtil mélange entre influences, maturité, standardisation et contexte musical. Entre les amateurs de la tradition et ceux de la modernité s’établit un équilibre qui évolue selon les époques et les lieux.

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Expérimentation de musiques en soirée

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Lors d’une discussion récente avec le participant à une soirée dansante, le sujet de l’expérimentation de titres récemment acquis est sorti sur le tapis. Je m’explique un peu là-dessus car cela peut vous paraître un peu abscons et je le comprends. Je vous resitue donc le contexte du thème de cet article.

Dans les soirées dansantes actuelles, mettons les soirées rock, il est courant d’entendre toujours les mêmes morceaux. On peut se demander si ce n’est pas dû au fait que les DJ utilisent toujours les mêmes disques. Même si cela est parfois le cas, un DJ digne de ce nom est en recherche permanente de nouveautés à proposer aux danseurs. Mais pourquoi alors sont-ce souvent les mêmes morceaux que l’on entend ? La réponse est simple et en deux volets. Tout d’abord, il y a le fait que certains titres sont incontournables et font la joie des danseurs à chaque fois qu’ils passent dans une soirée. D’ailleurs, certains tubes sont nécessaires à toute bonne soirée. Si l’on reprend le contexte d’une soirée rock, on peut citer en exemple « Rock Around the Clock » de Bill Haley, le « Mambo Number 5 » de Lou Bega ou encore certains titres de Dany Brillant. Bien sûr, cela dépend des DJ, du type de soirée et même de la ville où l’on se trouve comme nous allons le voir plus loin.

Le second volet concerne l’éducation. Lors de notre cursus d’apprentissage de la danse, nous avons tous été habitués à entendre et danser sur certains titres. Naturellement, cela a fait office d’éducation musicale et l’écoute de ces morceaux déclenche chez nous des réflexes. Un peu comme le chien de Pavlov, nous nous habituons donc à danser telle ou telle danse sur tel ou tel morceau. Encore mieux, si nous avons eu du plaisir par le passé à danser sur un morceau, nous allons avoir envie de danser de nouveau sur ce titre afin de retrouver cette sensation de plaisir.

Cette phase d’apprentissage peut s’apparenter à du conditionnement et donc expliquer le fait que certains titres soient plébiscités dans les soirées dansantes. Mais ce serait peut-être simplifier un peu trop car certains d’entre eux dégagent une énergie telle qu’elle donne tout simplement envie de danser (même si l’on ne sait pas). Quoi qu’il en soit, cette éducation musicale est nécessaire dans le cadre de l’apprentissage des danses de couple. Cela s’explique par le fait qu’un débutant ne sait pas toujours quelle danse il doit pratiquer sur telle ou telle musique. Autant sur « Rock around the clock » est-il évident que c’est le rock qui est le plus approprié, autant peut-on se poser la question sur « Mambo number 5 » où le mambo peut être dansé aussi bien que le rock. On trouve donc, selon les villes, des danseurs qui, pour avoir fréquenté les mêmes cours et les mêmes soirées, réagissent similairement à certains morceaux de musique. Dans le même temps, il faut avouer que des gens confondent parfois tango et paso doble tout comme d’autres auront du mal à entendre la rythmique du cha-cha-cha ou à réagir à un break musical. Sans un minimum de sensibilisation lors de cours de danse à la relation entre la musique et la danse, seuls les réflexes acquis après avoir dansé telle danse sur tel morceau peuvent permettre aux danseurs de ne pas se poser la question : « Et là-dessus, on danse quoi ? »

Alors, je reviens à mon idée de départ : l’expérimentation. Là où un DJ est sûr de ne pas se tromper en passant les tubes pour les danseurs en soirée, il peut néanmoins expérimenter un nouveau morceau de temps en temps pour voir s’il remporte l’approbation des participants à la soirée. Si le succès n’est pas là, il a le choix soit d’abandonner le morceau (qui ne correspond pas aux goûts et à l’éducation des danseurs présents), soit de retenter l’expérience en espérant que l’oreille des danseurs se fera (sous réserve que le morceau soit effectivement propice à la danse…). Le risque pris est celui de faire retomber l’ambiance de la soirée par un morceau qui n’est pas approprié. C’est un peu ce type de choix qui peut différencier un bon DJ d’un DJ médiocre. Néanmoins, le meilleur endroit pour essayer un nouveau titre me semble être lors d’un cours de danse en petit comité où l’on peut même, en plus de la constatation des réactions des élèves, glaner quelques avis sur le sujet.

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