Pour cette fois, j’ai choisi d’aborder un sujet technique, peut-être un peu pointu pour certains, qui touche aux danses à deux. J’ai fait l’expérience de me livrer à une petite analyse comparative des impressions que l’on ressent lorsque l’on danse en me focalisant sur les élévations et les « descentes » (je n’ai pas trouvé de terme plus approprié) associées à un pas de base. C’est difficile à résumer, aussi entrons directement dans le vif du sujet.
Nous le savons bien, chaque danse, associée à un certain type de musique, nous donne une impression spécifique. Selon que l’on danse un tango, un rock ou une samba en couple, on se met naturellement dans une gestuelle spécifique et un mode de déplacement adéquat. Imaginez un tango argentin où les danseurs sautillent à chaque pas et vous n’avez plus l’impression de voir un tango argentin.
L’idée m’est donc venue de regrouper sur un même graphique les différentes courbes qui pourraient symboliser l’aspect vertical de quelques danses, ce qui correspond à une partie de leurs signatures respectives. J’ai donc pris un axe des temps où sont représentés huit temps musicaux et un axe pour la hauteur d’élévation (ou de descente) en exagérant suffisamment pour que les choses soient bien visibles.
La position de base (position zéro) et une position debout, le dos et les jambes droites, les pieds à plat sur le sol ou, pour les danseuses en talons, le talon et la plante en contact avec le sol. Lorsqu’on fait une élévation, on monte sur les demi-pointes en utilisant les articulations du pied et les chevilles. Lorsqu’on descend vers le sol, on fléchit les genoux, les chevilles et éventuellement même on se plie au niveau du bassin. Voilà pour le contexte.
Quant au schéma, le voici, avec une couleur par ligne :

La ligne la plus facile à repérer est la ligne noire du milieu (en pointillés). C’est une ligne qui correspond au fait que les danseurs conservent une hauteur constante durant tout le pas de base. J’y ai associé des danses comme le tango, la salsa et le west coast swing et j’aurais pu y ajouter le paso doble, la rumba et bien d’autres danses. Cela montre bien que cet aspect ne constitue qu’une partie de la signature de chaque danse. Par souci de simplification, je n’ai pas essayé de dissocier les subtilités de chacune de ces danses au niveau rythmique. Ce qui m’intéresse ici, c’est l’élévation ou l’abaissement du corps sur un pas de base (et non sur une figure en particulier).
Prenons ensuite les courbes de haut en bas. La première est celle de la valse (valse lente ou anglaise uniquement). C’est la seule danse se pratiquant sur de la musique en 3/4 dans ce graphique et l’allure de la courbe se différencie donc bien des autres. Sur le temps 1, on glisse sur le sol après avoir fait une légère flexion des genoux (c’est pour cela qu’on descend brièvement en dessous de la ligne du zéro) et une remise à plat des pieds qui étaient en élévation. Ensuite, sur le second temps, on se lance vers le haut puisque c’est le moment où l’on pivote sur les demi-pointes. Enfin, on maintient l’élévation sur le temps 3 avant de redescendre et de recommencer le second demi-pas de base. L’amplitude de la courbe étant importante et l’élévation durant 2 temps donne une sensation de grosses vagues déferlant sur le rivage ou encore de montagnes russes où la pente descendante est plus raide que la pente montante.
La courbe suivante représente la samba. On voit que l’on est à plat sur le temps et que l’on est en élévation sur le demi-temps. Cela donnt un peu une image de kangourou qui sautille. Cette courbe correspond à ce que font les personnes débutant leur apprentissage de la samba. Bien sûr, l’ajout de la rétroversion du bassin que l’on acquiert par la suite atténue, voire annule, ces sautillements, mais ce que je veux montrer ici est l’impression que le danseur peut avoir. Cette impression est donc orientée en permanence vers le haut, comme si l’on rebondissait sans cesse. Les rebonds sont alors réguliers, malgré une rythmique de pas qui dure successivement 3/4 de temps, 1/4 de temps, puis 1 temps et qui, donc, ne se constate pas dans la rythmique des élévations. C’est une partie de la difficulté de la samba.
La courbe suivante montre le pas de base du rock à 6 temps. J’ai ajouté la mention « rapide », car cet effet est plus visible (et davantage ressenti) sur les tempos les plus rapides. On reconnaît la rythmique lent, lent, vite, vite, lent, vite, vite, lent (1, 2, 3 et 4, 5 et 6) du rock à 6 temps. Sur chaque pas, le danseur revient à plat (ou presque), mais comme il doit repartir très vite, il ne pose quasiment jamais le talon au sol, il reste donc en légère suspension sur les demi-pointes. C’est la raison pour laquelle la courbe bleue ne revient jamais au point zéro. Ce n’est pas pour autant que le mouvement monte aussi haut que la samba ou la valse (là on est au maximum), car on ne recherche qu’un effet ressort qui permet de se déplacer rapidement et de pivoter aisément sur l’avant du pied.
La dernière courbe est celle du lindy hop. C’est la seule courbe qui se trouve sous le niveau zéro (jambes droites et pieds à plat) puisque le style le plus souvent rencontré impose une légère flexion des genoux et un amortissement des pas effectués sur chaque temps. On voit une courbe régulière, comme pour la samba, où chaque temps est marqué. Mais, contrairement à cette dernière, le mouvement est orienté vers le sol. Il s’agit des « bounces », des amortis de pas qui sont effectués à chaque temps, même lorsqu’il y a un pas triple syncopé (pas chassé, par exemple, soit 3 pas sur 2 temps). Cela permet donc de mettre le doigt sur l’une des difficultés de lindy hop au niveau du style. Ainsi, le danseur peut-il avoir l’impression de s’enfoncer dans le sol à chaque pas, sans jamais décoller. C’est donc exactement l’opposé de la samba.
Encore un mot à propos des musiques. Chaque style de danse est généralement associé à un ensemble de styles musicaux qui vont bien avec. Pour être compatible avec une danse (samba, valse, etc.), l’orchestration des musiques en question doit donc permettre de calquer les courbes que j’ai décrites ci-avant. Si l’on veut danser une valse lente, il faut (outre l’écriture en 3/4) que la musique propose un temps fort (la courbe descend), suivi de deux temps faibles (la courbe remonte et reste un peu en haut). Même chose pour le lindy hop pour lequel la musique swing idéale comporte des bounces (terme aussi utilisé par les musiciens) réguliers qui donnent la pulsation vers le bas à la danse. Le petit bémol concerne le rock, pour lequel un rythme binaire alternant temps fort et temps faible (malgré tout bien marqué) fait l’affaire. Je viens de regarder la saison 16 de « Dancing with the stars », la version américaine de « Danse avec les stars », et je dois avouer que sur ce point les Américains s’en sortent mieux que les Français, malgré quelques exceptions à noter. Malheureusement, chaque saison de la version française ne déroge pas à la règle qui propose trop de morceaux de musique ne correspondant pas à la danse qui est pratiquée dessus… Voir mon article sur le sujet, il y a plusieurs mois dans ce blog.
Voici donc qui conclut ce petit essai que l’on pourrait sûrement compléter de bien d’autres pistes de réflexion, n’hésitez pas à me faire parvenir vos idées ou commentaires en fin d’article, par le formulaire de contact du site ou sur Facebook. Pour finir à propos de graphiques sur la danse, je vous conseille de lire un article intéressant mettant sous la forme de courbes la progression des personnes apprenant à danser en couple, filles et garçons. Il s’agit d’un article écrit par une amie au pseudo Internet de Sundrine Nereide auquel vous pourrez accéder en cliquant sur la présente phrase.
S’il y a une routine swing (aussi appelée enchaînement de jazz roots ou authentic jazz) que tout danseur de swing doit connaître, c’est bien le shim sham, où plutôt le « Shim Sham Shimmy » qui est son nom complet d’origine. C’est un enchaînement amusant et qui s’apprend assez vite que l’on retrouve traditionnellement dans nos soirées swing contemporaines, particulièrement lorsqu’il y a un orchestre en direct.
Le shim sham shimmy est à l’origine un enchaînement de danse à claquettes. Leonard Reed et Willie Bryant sont souvent crédités de la création de cet enchaînement, évolution d’un autre enchaînement appelé « Goofus ». J’aimerais partager avec vous ce qu’écrit Constance Vallis Hill, dans son très complet livre « Tap Dancing America » à ce propos (je vous le traduis, car le livre est en anglais).
Sur le titre « Turkey in the Straw », l’enchaînement sur la durée d’un thème était dansé sur 32 mesures. […] Reed se souvient que les chorus girls aimaient tant « Goofus » qu’elles y ajoutèrent leur propre touche féminine sur le pas de sortie par un shimmy. Quand Reed et Bryant parvinrent à New York en 1931 pour se produire au Lafayette Theatre de Harlem, ils découvrirent que la danse avait déjà pris et qu’elle constituait un enchaînement de prédilection dans un club nommé le Shim Sham. En ce lieu, il était régulièrement dansé par une troupe de filles sous le nouveau nom de shim sham shimmy. […] Depuis cette époque, littéralement des centaines de personnes, ne connaissant pas les origines de la danse parmi les chorus girls, créèrent leurs propres versions du shim sham. Dansé durant tout le XXe siècle au point fort des spectacles, le shim sham est considéré comme l’hymne national de la danse à claquettes. 
Voici ce que dit Frankie Manning (dans son autobiographie, « Frankie Manning, l’ambassadeur du lindy hop« ) sur le renouveau du shim sham dans les années 80.
Le shim sham peut être dansé sur diverses musiques swing, mais il est d’usage de le faire sur « T’Ain’t What You Do » (la version de l’orchestre de Billy May ou celle de l’orchestre de Jimmy Lunceford sont souvent préférées) car ce titre contient les breaks adéquats. On peut aussi utiliser le « Shim Sham Song » du Bill Elliot Swing Orchestra (album « Swingin’ the Century », « Tuxedo Junction » d’Erskine Hawkins ou « Stompin’ at the Savoy » de l’orchestre de George Gee (avec les annonces faites par Frankie Manning en personne).
Le shim sham est aujourd’hui traditionnellement dansé à la fin d’une soirée swing. Les danseurs se mettent face à l’orchestre pour faire ce shim sham en guise de remerciement pour la musique sur laquelle ils ont dansé toute la soirée. Cela n’empêche pas que cet enchaînement puisse être dansé n’importe quand dans la soirée. Bien des danseurs de swing ont acquis le réflexe de danser un shim sham dès qu’il entendent les premières notes de « T’Ain’t What You Do ».
Pour finir cet article, voici la chorégraphie du shim sham la plus dansée, celle de Frankie Manning. Chaque ligne numérotée se danse sur 8 temps. Pour savoir ce que signifient les noms indiqués, je vous conseille soit de prendre des cours, soit de consulter mon livre « Le lindy hop et le balboa » qui comporte tous les détails pas à pas.

Ces dernières années, de nombreuses personnes se sont mises à la danse country en ligne (désormais appelée « line dance »). Si certains n’ont découvert que récemment cette manière de danser, les amateurs de swing savent depuis longtemps que l’on mêle facilement des séquences de danse en solo au lindy hop. Au début du renouveau du lindy hop, dans la fin des années 80 et au début des années 1990, on appelait ces enchaînements de swing en solo et en ligne des « routines swing », par anglicisme. L’appellation a par la suite évolué. On a appelé ces « jazz steps » des « pas de jazz », puis l’on a vu apparaître la dénomination « authentic jazz » pour faire la différence avec les mouvements du modern jazz (introduit dans les années 50 dans les spectacles de Broadway). Enfin, plus récemment, on a commencé à parler de « jazz roots » pour faire référence littéralement à ces mouvements des années 30 et 40 typiques des racines du jazz. Avec le temps, de nombreux enchaînements (les « routines »…) de jazz/swing ont été créés et un certain nombre d’entre eux sont devenus des succès comme le shim sham (Frankie Manning), le jitterbug stroll (Ryan Francois), le Tranky Doo, le petit blues, etc. Ceci étant, la plupart des mouvements dansés dans ces enchaînements peuvent être intégrés dans un lindy hop en couple (les partenaires se lâchent alors souvent les mains) en toute improvisation. Parfois, c’est l’inverse, comme dans le shim sham, où les danseurs commencent la chorégraphie imposée en danse en ligne et finissent le morceau de musique en couple et en improvisation.
Afin de pratiquer quelques-uns parmi les principaux mouvements de swing en solo qui font partie des grands classiques, j’ai eu l’idée de les rassembler au sein d’un enchaînement dynamique s’accordant à une chanson que j’aime bien « Rip Van Winkle », interprétée par Lily Wilde et son orchestre (présent sur son album « Insect Ball ». Du reste, je vous conseille l’album tout entier qui est très dansant. Je dirais qu’il cadre bien dans un style proche de Count Basie ou Billy May qu’affectionnent tout particulièrement les danseurs de lindy hop. « Rip Van Winkle » est une chanson teintée d’humour faisant référence à un récit de Washington Irving, publié en 1819. L’histoire est celle d’un homme qui rencontre des personnages étranges dans la forêt et qui n’hésite pas à trinquer avec eux. Ivre, il s’endort et se réveille 20 ans plus tard alors que sa femme est décédée et la plupart de ses amis ont disparu.
L’authentic jazz (ou jazz roots) comporte de nombreux mouvements souvent utilisés dans les enchaînements en ligne. L’enchaînement que je vous propose plus bas en utilise un bon nombre. Je les décris d’ailleurs presque tous dans mon livre « Le lindy hop et le balboa », sorti en 2010. Parmi les mouvements de l’enchaînement, il y en a un que j’aime bien, car il donne vraiment l’impression de s’exprimer ; il s’agit du fall off the log.
Lorsque je débutais et que j’apprenais le lindy hop par stages successifs, suivant les professeurs connus de ville en ville, il n’y avait pas de support écrit et diverses prononciations qualifiaient cette figure de « Follow the logs » ou, dans le meilleur des cas, de « Fall of the log ». Si l’on cherchait à traduire, le premier terme correspondait à « Cherchez les journaux » et le second par « Chute du journal ». Certains enseignants justifiaient d’ailleurs cela en disant qu’il s’agissait d’imiter le paperboy (livreur de journaux aux USA) qui lançait les journaux enroulés sur eux-mêmes dans les jardins des quartiers résidentiels. Ce n’est que plus tard que j’appris que le vrai nom s’écrivait « fall off the log » et que cela faisait référence aux bûcherons américains qui faisaient descendre les billots de bois (les « logs ») dans la vallée en utilisant le cours d’une rivière. Pour cela, ils devaient parfois se tenir debout sur un billot à qui il arrivait de commencer à rouler dans l’eau. Dans certains cas, le malheureux bûcheron tombait à l’eau après avoir fait un mouvement de déséquilibre ressemblant à cette figure de jazz qu’on peut traduire par « chute d’un billot ». Après cette petite page culturelle, voici donc l’enchaînement promis. Dans la description, la première colonne indique le temps sur lequel le mouvement correspondant débute.
Extrait de « Le vrai Swing » de A. de Vyver (1946)
Dans sa méthode, le « professeur A. De Vyver », décrit une danse semblable au foxtrot (position fermée, suivant la ligne de danse autour de la piste de danse) et qui fait alterner genoux fléchis (temps pairs) et genoux tendus (temps impairs) dans un pas de marche. Il y présente le pas chassé, le break sur 6 temps (rien à voir avec un break musical), le croisé tourné sur 8 temps, ainsi que le snap sur 10 temps. Je ne vais pas m’étendre plus loin sur le contenu de cette méthode, puisque ce n’est pas réellement l’objet de l’article.
Ce qui me semble intéressant de remarquer, c’est cette notion de « vrai swing ». Une danse peut-elle être vraie ? Peut-être est-ce oui si l’on veut faire référence à une pratique à un moment donné en un lieu donné par une personne donnée (ou à un standard diffusé), mais peut-être est-ce non dans d’autres cas. Je ne vois pas pourquoi une manière de danser serait plus vraie qu’une autre du moment qu’elles sont toutes les deux pratiquées sur une piste de danse ou une scène. On devine bien que l’auteur se base sur ses connaissances de l’époque (1946, rappelons-le) et qu’il veut tordre le cou à une nouvelle vague de mouvements qui apparaît sous le nom de « swing » alors qu’il pratique lui-même une danse du même nom, mais qui a des mouvements différents. Il faut aussi garder en tête que cette personne est professeur de danse (et, à l’époque, c’est un statut d’importance semble-t-il) et qu’il voit d’un mauvais oeil cette concurrence qui ne nécessite pas de leçons, selon ses mots. Il est évident que l’auteur de ce texte n’a pas le recul que nous avons aujourd’hui pour pouvoir trancher ce débat sur le « vrai swing » qui naît déjà en 1946.
Cela me rappelle un peu une fiche d’UltraDanse.com que je viens de modifier (celle qui présente le rock) et le début de mon travail sur le site il y a 10 ans. J’avais écrit à l’époque que le « vrai rock se danse sur 6 temps ». Je souhaitais diffuser la bonne parole (en tout cas celle dont j’étais partisan à mon stade de maturité). Oui, mais voilà : on évolue au fil de nos nouvelles connaissances et aptitudes. Aujourd’hui, j’ai compris qu’il n’y a pas de « vrai rock », mais plusieurs manières de danser le rock. Le seul problème ensuite est d’être en mesure de danser avec quelqu’un d’autre qui dit aussi danser le rock. Quoi qu’il en soit les différents styles cohabitent sur les pistes de danse lors des soirées. C’est la même chose pour le lindy hop, dont la guéguerre entre « Savoy » et « Hollywood » n’a plus réellement cours, puisque la nouvelle génération de lindy hoppers ne fait plus vraiment la distinction et utilise des techniques issues des deux styles concurrents dans les années 90.
Y a-t-il un « vrai swing » en tant que danse ? La réponse est non, de toute évidence. Et nous ne le savons que depuis quelques années. Le swing, c’est une famille musicale qui a donné naissance à tout un ensemble de danses. Cela part du foxtrot au West-Coast swing en passant par le lindy hop, le balboa, le shag et même le rock. La meilleure preuve en est que ces différentes danses cohabitent souvent sur les pistes de danse au son d’un même titre. Bien sûr, l’évolution de la musique a élargi l’application de ces danses à d’autres styles musicaux. On danse ainsi le balboa sur du swing manouche, le rock sur de la pop des années 80, le West-Coast swing sur du R’n’B, etc. De plus, ces danses ont subi l’influence d’autres danses qui n’ont rien à voir au niveau musical, comme la salsa ou le tango, ainsi que l’influence d’autres cultures issues de la diffusion mondiale des danses. Ainsi, à chaque époque correspond une certaine pratique de telle ou telle danse. Nous ne dansons plus le lindy hop comme dans les années 40, pas plus que nous le dansons comme dans les années 80 et il y a de fortes chances que nous ne le danserons plus comme aujourd’hui dans 20 ou 30 ans. Tout est un subtil mélange entre influences, maturité, standardisation et contexte musical. Entre les amateurs de la tradition et ceux de la modernité s’établit un équilibre qui évolue selon les époques et les lieux.
« Mon premier voyage » a été écrit en 1936 par Jean Cocteau, que personnellement je ne connaissais que de réputation et par l’intermédiaire du film « La Belle et la Bête » qu’il réalisa en 1946 avec Jean Marais et Josette Day. Le concept de départ est simple : il s’agissait, pour Jean Cocteau, de refaire le voyage décrit par Jules Verne dans son « Tour du monde en 80 jours » en 1872, mais 64 ans plus tard (et pour fêter le centenaire de la mort de l’écrivain) afin de constater l’évolution du monde. Jean Cocteau (qui se met dans la peau de Philéas Fogg) est accompagné de Marcel Khill (qu’il surnomme « Passepartout ») et il envoie son carnet de voyage au journal Paris-Soir qui fait ainsi, à l’époque, partager à ses lecteurs les péripéties de ces successeurs des personnages de Jules Verne autour du monde. C’est ainsi que nous suivons pas à pas ce voyage haletant de bateau en train et de voiture en avion (sur la fin seulement) afin de tenir le défi contre la montre. Jean Cocteau essaye de redécouvrir les pays qu’il traverse en évitant les grandes fêtes préparées par les consuls et ambassadeurs, au courant de son projet, et en fréquentant des quartiers parfois peu recommandés, coupe gorges, salons où l’on fume l’opium et autres boui-boui où la nourriture fait peur. Il passe ainsi par l’Italie, l’Égypte, l’Inde, la Chine, les États-Unis avant de revenir en France. Il a aussi la bonne surprise de passer du temps sur un bateau avec Charlie Chaplin (dont j’ai appris qu’il fallait prononcer le nom à la française, car il est le fils du peintre français Charles Chaplin) avec qui il devient ami.
C’est vers la fin du livre (je finissais mon voyage en même temps que le livre, situation sympathique) que j’ai découvert le passage où Jean Cocteau arrive à New York et à Harlem en particulier. Nous sommes en 1936, vous devinez un peu ce qui va suivre, non ? Eh bien oui, son voyage le mène au Savoy Ballroom à la découverte du swing et du lindy hop ! Pour la peine, je vais vous recopier ci-après l’extrait correspondant. Il faut juste noter avant d’aller plus loin que le vocabulaire utilisé à l’époque n’avait pas la même portée que les mêmes mots utilisés de nos jours. Il n’y a, je pense, pas de notion péjorative dans les propos de Cocteau qui s’emballe facilement dans un lyrisme exacerbé ici et dans d’autres pages de son récit.
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Sur quelle herbe ont-ils marché ? Sur la marihuana, l’herbe qui se fume et qui grise. Ces grosses négresses en cheveux et ces petites filles dont la poitrine se cabre et dont pointe la croupe, le chapeau placé comme une gifle, deviennent un lasso que les noirs déroulent et enroulent à bout de bras, un boomerang qu’ils lancent et qui les frappe au coeur après avoir tournoyé dans le vide. Parfois, le visage sévère, extatique, la négresse passe sous le bras du danseur, se détache, s’éloigne, exécute un cavalier seul, parfois elle s’élance et le prend d’assaut comme une vague. Il arrive que les couples s’isolent et combinent les figures d’un quadrille plus grave qu’une partie d’échecs. Des blanches se mêlent aux couples noirs. Le vertige, la fatigue ne ralentissent jamais les jambes dont le « dope », les reefers (cigarettes de marihuana) soutiennent le rythme ininterrompu. Rythme d’une foule qui finit par n’être que son propre reflet dans de l’eau qui bouge.
[…] au bar Onyx, une cave où vous allez entendre les meilleurs swing de New York, […] le Swing a remplacé le Jazz. C’est le terme nouveau qui désigne un band noir dont la musique tourne et vous boxe l’âme. Au bout de cette petite cave étroite se démènent, sur une estrade, les cinq nègres de l’orchestre le plus pur. C’est l’oeuf cru qui deviendra l’oeuf cuit et les oeuf sur le plat et l’omelette aux fines herbes. Car ces ensembles s’abîment. Même un Armstrong qu’on croyait de diamant s’est laissé corrompre. Le rêve de ces Ford construites avec des ficelles et des boîtes de conserve est de devenir Rolls Royce et l’orchestre symphonique qui monte des profondeurs, les smokings blancs, les saxophones de nickel éclaboussés de lumière, seront la perte de ces vieux tambours, de ces vieilles trompettes et de ces vieux chapeaux. Le drummer est un nègre d’origine indienne. Il roule son tonnerre et jette ses foudres, l’oeil au ciel. Un couteau d’ivoire miroite entre ses lèvres. Près de lui les jeunes loustics d’une noce de campagne se disputent le microphone, s’arrachent de la bouche des lambeaux de musique saignante et s’excitent jusqu’à devenir fous et à rendre folle la clientèle qui encombre les tables. Lorsque le swing s’arrête, un roulement de caisse accompagne les acclamations et les saluts des choristes Halte ! Les tables s’écrasent contre un mur brutal de silence, et après une stupeur de catastrophe, le Swing empoigne le Boléro de Ravel, le déchire, le malaxe, le scalpe, l’écorche vif, entortille autour de son bâton monotone les pampres écarlates d’un tyrse vaudou. »
Si l’on danse le lindy hop un peu partout (et de plus en plus), ce n’est pas pour autant que tout le monde danse de la même manière. C’est un peu comme pour le rock. On ne le danse pas tout à fait de la même façon dans toute la France, sans parler des variantes à 6 temps et à 4 temps. Bref, la différence par rapport au rock, c’est qu’on entend ça et là qu’il y aurait une rivalité entre le lindy « Savoy style », le lindy « Hollywood style » ou le lindy « Smooth style ». Certaines personnes considèrent les deux dernières appellations comme synonymes, alors que d’autres considèrent que ces styles sont différents même s’ils sont tous les deux issus de la côte Ouest des États-Unis). Essayons de voir ce qu’il en est.
Comme je l’ai dit, le lindy hop est né au Savoy Ballroom de Harlem à la fin des années 20. En réalité, il n’est pas apparu un beau jour comme ça. Il a été développé progressivement à partir du breakaway, du collegiate, du charleston et d’autres influences (dont des acrobates, des comiques et autres spectacles de vaudeville). Les principaux contributeurs à l’évolution de cette danse sont issus des habitués du Savoy qui fait office de plaque tournante, mais d’autres salles de danse de Harlem ont également été impliquées comme le Renaissance Ballroom ou le Cotton Club. C’est à cette époque où, chacun cherchant à épater les autres, les danseuses et danseurs faisaient preuve d’une inventivité telle que la danse pratiquée sur le swing a évolué vers ce que l’on a appelé le lindy hop, mais on peut dire qu’à l’époque, avant qu’une grande tendance ne se dégage, tout le monde avait un peu sa manière de danser le lindy hop. C’est à cette époque que des grands noms de l’histoire du lindy hop ont vécu : Shorty George, Frankie Manning, Norma Miller, Al Minns, Leon James et la troupe des Whitey’s Lindy Hoppers d’une manière générale (elle aussi basée au Savoy dans les années 30). Frankie Manning a énormément contribué à la danse et, avec la troupe que je viens de citer, il a diffusé en soirée, en spectacle ou au cinéma une certaine manière de danser de lindy hop qui est restée sous l’appellation de « Savoy style » (le style du Savoy Ballroom).
Dans cette période riche en nouveautés des années 30 et 40, un certain nombre de personnes sont passées par le Savoy et y ont découvert le lindy hop. En particulier on remarquera un certain Dean Collins qui emmena avec lui les bases du lindy hop du Savoy vers la Californie en 1936 et en particulier Los Angeles dont un quartier, Hollywood, connu pour ses studios de cinéma. Bien sûr, Dean Collins a intégré les bases du lindy et sa pratique les a transformées vers un style qui lui est propre, éliminant par exemple les bounces du style d’origine. On parle souvent du film « Hellzapoppin' » pour la scène de lindy hop dynamique et pleine d’acrobaties effectuée par la troupe des Whitey’s Lindy Hoppers. Mais ce que l’on sait moins (probablement parce que peu d’amateurs de danse ont réellement vu le film en entier…), c’est que Dean Collins danse aussi dans une autre scène de ce film, celle de « Watch the Birdie » au bord de la piscine. On peut voir Dean Collins dans presque 40 films tournés dans les années 40 avec diverses partenaires, mais essentiellement avec Jewel McGowan dont je trouve le style très élégant.
Si l’on devait définir les styles de lindy hop, on pourrait dire ceci. Le lindy hop « Savoy » est très circulaire, la connexion entre les partenaires varie au sein d’une figure afin de laisser une grande liberté à la danseuse, la pulsation rythmique (« bounces ») est très présente, et un certain nombre de figures caractéristiques sont souvent dansées (hand-to-hand charleston, mini dip,… ainsi que de nombreux pas de jazz spécifiques comme le Shorty George, Suzie Q, etc.). Le style Savoy dispose d’une manière de danser « sociale » pour les soirées et les tempos lents à mediums ainsi que d’une manière « spectacle » avec de nombreux kicks pour les démonstrations et les tempos rapides. Enfin, la position « horizontale » des danseurs est orientée vers le/la partenaire, chacun portant son propre poids sans interférer avec l’autre à l’arrêt. Le style « Savoy » conserve donc de nombreux liens avec la culture afro-américaine. Le lindy hop « Hollywood » (ou « Smooth ») se danse plutôt sur une ligne (même si ce n’était pas le cas aux origines de ce style), la connexion est très présente (effet de contrepoids dans le couple) et permet des figures très précises ; de plus, l’ensemble de la danse semble fluide dans tous les axes de l’espace et le triple step n’est pas systématique. Enfin, la position « horizontale » des danseurs est plutôt vers l’arrière, créant une tension entre les partenaires et donc une connexion plus forte. Le style « Hollywood » ou « smooth » s’est éloigné des racines afro-américaines et a donné naissance à encore d’autres variantes à base de lindy hop (où j’avoue parfois ne pas retrouver les bases). Il est à noter que l’on crédite aussi Dean Collins comme étant à l’origine du West-Coast swing qui partage un certain nombre de points communs avec le style « Hollywood ». Notez, par exemple, que le lindy turn s’appelle le whip en West-Coast swing.
Ainsi lorsque la danse swing a commencé à revenir dans les soirées dansantes à partir des années 80, on a naturellement cherché ceux qui étaient là lorsque la danse est née. C’est comme cela que l’on a redécouvert cette danse à New York (mais aussi en Californie) par le biais d’Al Minns, Frankie Manning ou Norma Miller qui ne sont devenus professeurs de danse qu’à cette époque récente. C’est à partir de ce style « Savoy » que le lindy hop s’est donc diffusé de nouveau dans le monde dans les années 80 et 90. Suite à ce renouveau, certains danseurs ont souhaité redonner vie au style originel de Dean Collins dans les années 90. Et c’est là où la dénomination de « Hollywood » est née, pour faire référence à ce style dansé dans les films d’Hollywood. Il faut noter que Dean Collins enseignait la danse en Californie. Ce style a été adopté par les amateurs de swing en recherche de nouveauté et deux « tribus » ont vu le jour en France : les Savoy et les Hollywood (on se croirait dans Koh Lanta…). En général, là où dans une grande ville il y avait des cours de Savoy, on trouvait aussi des cours de Hollywood chez le concurrent. C’est d’ailleurs toujours un peu le cas, un peu comme on a la salsa cubaine opposée à la salsa portoricaine (mais c’est une autre histoire). Cela dit, les danseurs de swing se mélangent au sein des mêmes soirées, car la musique swing reste la base du lindy hop qu’il soit Savoy, Hollywood, Smooth ou que sais-je encore. Ainsi, des figures passent d’un style à l’autre et inversement là où la technique de base ne fait pas obstacle. Car un danseur de Savoy peut avoir du mal à danser avec une danseuse d’Hollywood. En effet, cette dernière attend une connexion forte que le premier n’a pas l’habitude de donner. Apprendre les deux styles peut résoudre l’affaire, mais peut-être est-ce au détriment d’un style visuel marqué ? À chacun de voir. En tout cas, tout cela c’est du lindy hop et cette danse très riche n’a pas fini d’évoluer. À une époque, les danseurs américains de style Savoy venant en France parlaient de « that French lindy hop », ce qui montre bien que les Français ont, eux aussi, apporté leur pierre à l’édifice et ont fait évoluer le lindy hop des origines dans une nouvelle direction.
Avant de clore cet article, j’ai une pensée pour Frankie Manning, décédé il y a presque un an. Il y a un an, j’achevais aussi la traduction et l’édition française de l’autobiographie de ce personnage du lindy hop (« Frankie Manning, l’ambassadeur du lindy hop » ). Coïncidence malheureuse. Frankie n’aura pas eu l’occasion de tenir entre ses mains cette édition française à laquelle il a contribué en personne en écrivant une introduction spéciale pour les Français et en me donnant gentiment des photographies personnelles qui n’ont pas été publiées dans l’édition originale américaine. En revanche, sa co-auteur Cynthia Millman l’a vu et m’en a dit le plus grand bien. En tout cas, je suis heureux que ce livre puisse permettre aux francophones de connaître les origines du lindy hop racontées par l’un de ses créateurs ainsi que le message de paix et de tolérance que Frankie Manning ne cessait de diffuser de son vivant. Ce livre a été primé par la communauté des amateurs de musique jazz en recevant le prix du livre jazz 2009 du « Hot Club de France » et je ne cesse de recevoir des retours positifs sur cet ouvrage depuis qu’il est disponible. Cela m’encourage aussi à poursuivre un travail sur un livre présentant les figures de base du lindy hop d’un point de vue technique et qui sera disponible à la vente cet été.
Les débuts du jazz ont été marqués par diverses influences entre les instruments de musique européens et les chants issus du continent africain. Il faut considérer que l’on trouve les origines du jazz dans la culture africaine des esclaves qui étaient « importés » par bateaux entiers sur le continent américain. On confiait aux esclaves noirs africains les tâches les plus difficiles et ces derniers se donnaient du courage en chantant des hymnes de leur patrie d’origine de l’autre côté de l’Océan Atlantique. De leur côté, leurs maîtres blancs avaient aussi des origines transocéaniques puisque leurs ancêtres provenaient pour la plupart de la vieille Europe. La culture des Blancs tournait donc autour de la musique classique et des rythmes des traditions européennes où l’on dansait volontiers la polka, la valse, la scottish, le quadrille ou encore le cotillon.
Les esclaves noirs sont petit à petit entrés dans les maisons des maîtres blancs puisqu’il fallait bien faire les diverses tâches ménagères comme le ménage, la cuisine, le service, etc. Ainsi les Afro-américains ont-ils pu regarder avec curiosité et amusement les loisirs de leurs patrons. En particulier, lorsqu’au son d’un piano, les jeunes gens dansaient à l’européenne, les serviteurs trouvaient cela bien curieux. Lorsque les maîtres avaient tourné le dos, certains des serviteurs se mettaient à les imiter pour s’amuser. Or, ils n’avaient pas cette culture européenne de leurs maîtres et faisaient des gestes peu élégants, sans compter qu’ils exagéraient souvent les mouvements pour faire éclater de rire leurs collègues.
on voit Shorty George (oui, oui, le Shorty George qui a inventé la figure jazz du même nom) qui sort de scène de cette manière (image arrêtée ci-contre). Le cakewalk fait donc partie des lointains ancêtres qui ont évolué ou influencé la danse des Afro-Américains pour donner le lindy hop que nous dansons encore aujourd’hui sur la musique swing. Mais de nos jours, il n’y a plus besoin de motiver les danseurs par une part de gâteau (en dehors de certains pique-assiettes spécialistes des soirées dansantes à buffet gratuit !) et les Noirs dansent aussi très bien avec les Blancs qui, à présent, essayent d’imiter leurs mouvements de danse avec plus ou moins de bonheur en lindy hop, salsa, ragga, danse africaine, etc. Ci-dessous un exemple qui ne me semble pas si mauvais que cela dans le domaine de la danse africaine.
Aujourd’hui, j’ai eu envie de parler d’un pas de danse dont le nom comporte un nom propre : le Suzie Q (encore écrit Suzy Q et à prononcer « Souzi kiou »). Commençons par l’origine de ce nom. Qui pouvait bien être cette fameuse Suzie ? Il semblerait qu’il s’agissait de Suzie Quealy (son nom de jeune fille), une jeune fille (dans les années 30…) de San Francisco. En réalité, elle serait l’inspiratrice de la chanson « Doin’ the Suzie-Q » chantée par Lil Hardin Armstrong (la femme de Louis Armstrong jusqu’en 1938) datant de 1936 alors que le nom Suzie Q est associé à une petite danse à la mode (comme il y en avait beaucoup dans les années 30) qui existait déjà au préalable.
De cette danse, le Suzie-Q, n’est resté qu’un pas, le Suzie Q. Ce pas a été intégré dans leur manière de danser par les danseurs de lindy hop. Ainsi, lorsqu’en 1937 Whitey demanda à Frankie Manning de créer sa propre version du Big Apple, celui-ci y intégra un certain nombre de pas de danse jazz, dont le Suzie Q (source : 

Cela faisait un certain temps que je n’avais pas présenté de morceau de musique dans ce blog. Il s’agit évidemment d’un titre sur lequel on danse. Et pour pouvoir vous raconter quelques anecdotes sur le sujet, j’ai choisi « Portrait of the Lion » de Duke Ellington. C’est un morceau swing (et non une chanson comme les précédents titres que j’ai abordés ici) sur lequel j’ai longtemps répété un enchaînement chorégraphique au sein d’une troupe professionnelle il y a quelques années et cela m’a fait tout drôle de le réécouter récemment.
Alors qu’est-ce donc que cette histoire de lion qu’on prend en photo ? En réalité, il n’y a ni animal à crinière, ni appareil photographique dans l’histoire. Lorsque Duke Ellington compose « Portrait of the Lion » en 1939, il pense en réalité à un de ses pianistes modèles : Willie Smith, surnommé « le Lion » pour rappeler sa bravoure durant la Première Guerre mondiale. Ce dernier est l’un des maîtres du piano stride (bien souvent identifiable par son inséparable chapeau melon et son inamovible cigare) dont Duke Ellington a beaucoup appris au point de lui dédier non pas un portrait musical, mais deux puisqu’il composa plus tard « Second Portrait of the Lion ». Le Lion lui rendit la politesse en 1957 en composant un « Portrait of the Duke ». Si vous vous rappelez bien, je vous avais déjà parlé de Wille « the Lion » Smith il y a quelques mois, dans ce blog, dans un article à propos d’une fameuse photo représentant quasiment tous les grands jazzmen. Willie Smith ressortait du lot… par son absence. C’est lui qui se reposait à côté du groupe alors qu’était prise la photo qui a ensuite été sélectionnée et publiée. La faute à pas de chance…
Le fait est qu’il était très fréquent que les musiciens de jazz se fassent mutuellement des hommages sous la forme de « portraits » musicaux. On vient de le voir entre Duke Ellington et Willie Smith, mais il en existe de nombreux autres comme « The Count » (portrait de Count Basie par Benny Goodman), « Portrait of Django » (portrait de Django Reinhardt par Lucky Thompson) voire même le comble de l’exercice dans « Portrait », le portrait de Charlie Mingus par lui-même… On a même des portraits musicaux de danseurs par des musiciens comme « Bojangles », le portrait de Bill « Bojangles » Robinson (fameux danseur à claquettes) par Duke Ellington ou encore « Taps Miller », le portrait de Marion Joseph « Taps » Miller (danseur à claquettes et trompettiste) par Count Basie.
Enfin, je vous mets en lumière quelques points qui peuvent permettre de danser des figures appropriées (à chacun de voir ensuite ce qu’il ressent).
Me voici donc à la fin de cet article mêlant diverses choses, entre culture générale swing et technique en rapport avec la danse. Avec ce petit exercice, j’ai essayé de vous montrer comment on part d’un morceau de musique pour arriver à une danse. Je ne vous ai pas donné d’enchaînement chorégraphique et j’aurais pu décortiquer encore plus, mais je voulais juste ouvrir quelques perspectives à ceux qui n’ont pas encore beaucoup mis en relation la musique et la danse. Ici, l’objectif est aussi de pouvoir improviser librement sur cette musique et, à chaque nouvelle écoute, de découvrir de nouvelles manières d’interpréter les subtilités des musiciens de swing en dansant à deux. J’espère, en tout cas, que cela vous aura donné l’envie d’aller plus loin dans l’écoute et la compréhension des musiques sur lesquelles vous dansez habituellement. Elles recèlent sûrement tout un tas de subtilités que vous ne soupçonniez peut-être pas. Et je ne parle pas que du swing, mais d’autres styles musicaux peuvent vous surprendre.
Toujours à l’affût de documents ou d’informations en relation avec la danse (et en particulier la danse en couple), je suis tombé cette semaine sur le numéro 396 de la revue Fluide Glacial. Créé le 1er avril 1975 par Marcel Gotlib et Jacques Diament, il s’agit d’un un mensuel de bandes dessinées humoristiques au ton décalé et spécialement conçu pour les adultes. Divers auteurs de côtoient dans ces pages avec des styles très différents aussi bien dans le graphisme que les sujets traités. Les planches de bande dessinée qui ont attiré mon attention ont été réalisées par le dessinateur Frank Margerin dont on connaît plus particulièrement le personnage nommé « Lucien » (créé il y a déjà 30 ans !). Ce dernier est un rocker à la banane qui, vêtu de son perfecto, adore les motos et le rock’n’roll.
Il y a en réalité peu de BD qui parlent de danse. C’est pour cela que l’initiative de Margerin m’a étonné. J’avais déjà apprécié sa collaboration avec Shirley et Dino (dont je suis plutôt fan) et la BD qu’il a réalisée autour de leurs personnages (plus de détails sur son travail sur
Genèse
Traducteur
Graphiste et informaticien
Encore éditeur
Petit bilan…
La danse en couple a eu beaucoup de mal avec la bienséance par le passé. Particulièrement au sein des hautes autorités religieuses. Je vous propose de parcourir aujourd’hui un article issu du New York Times du 26 octobre 1938, page 20 (article présenté ci-contre en Anglais). Comme vous le savez à présent, la traduction de textes en Anglais est un exercice que je pratique beaucoup dans le moment, je vous en livre ci-dessous une version française (assez rapidement faite je l’avoue, j’espère que vous pardonnerez les quelques imprécisions). 
Le swing, une « orgie rythmique de cannibales »… C’est cela oui… Parfois l’être humain me fait peur. Si l’on regarde dans le passé, ce mode de pensée contre les courants nouveaux n’est pas exceptionnel. Imaginez qu’à une certaine époque l’Église avait classé les danses en trois catégories : les danses honnêtes, les danses franchement mauvaises (par leur indécence et leur obscénité) et les danses douteuses et dangereuses. Et il est amusant de constater que la valse était classée dans la seconde catégorie… Rappelez-vous aussi comment la musique rock a été accueillie dans les années 1950. On parlait alors de musique de délinquants et les déhanchements suggestifs des rock stars comme Elvis Presley dérangeaient à tel point que ce dernier était cadré au-dessus de la taille lorsqu’il était filmé au début de sa carrière… Heureusement, les choses et les mentalités évoluent, sinon nous ne pourrions pas nous détendre dans une soirée dansante de nos jours.