Archives par mot-clé : danse latine

La rueda de casino

Partagez cet article :

La rueda de casino (aussi connue sous son diminutif de « rueda ») est une manière de danser la salsa cubaine (aussi appelée « casino ») en groupe et en cercle dont la popularité va de pair avec la pratique de la salsa cubaine. Pour ce qui est de la salsa en tant que telle, il y a déjà une fiche sur Ultradanse.com. Il ne reste plus qu’à détailler ce qui se cache sous le terme de « rueda de casino » ci-après. Si vous voulez en savoir davantage du côté de la technique, je vous invite à consulter mon prochain livre (oui, je sais ça fait des mois que j’en parle, mais c’est pour bientôt : fin novembre !) qui détaille les bases de la salsa cubaine, la rueda de casino et le merengue.

Cette manière de danser est apparue dans la seconde moitié des années 50 à La Havane, sur l’île de Cuba (difficile d’être plus précis, même si certains donnent arbitrairement l’année 1957). C’est une période de temps où plusieurs danses sont pratiquées à Cuba : son, mambo, cha-cha, rock, etc. À cette époque, les clubs privés et les casinos de La Havane proposaient des activités de loisir à côté des jeux de table. En particulier, le Casino Deportivo semble avoir donné son nom de « casino » à cette danse que l’on pratiquait dans les casinos et que l’on connaît aujourd’hui beaucoup sous le nom de salsa cubaine (ou parfois salsa de casino). Les jeunes danseurs de La Havane se réunissaient et certains, juste pour s’amuser, eurent l’idée de changer de partenaire sans s’arrêter de danser. Ce petit jeu improvisé connut un succès tel parmi les autres danseurs que ce petit jeu se transforma en une danse de groupe ludique où l’on changeait de partenaire de temps en temps. Cela commença à deux couples (côte à côte), puis trois (en triangle) , puis quatre (en carré), etc., et on en vint pour des raisons pratiques à disposer les couples sur un cercle. Comme tout cela se déroulait dans les murs d’un casino, on pensa naturellement à la roulette (la « rueda » pour nommer le cercle formé par les danseurs). La danse de l’époque empruntait un peu partout : cha-cha cubain, rumba cubaine, danzon, mambo, son et même rock’n’roll dont la déferlante mondiale avait également touché Cuba (mais cela n’a pas perduré longtemps après la révolution cubaine de 1959). Afin que tout un groupe puisse danser simultanément la même chose, il fallait un meneur (le « cantor », aussi appelé « annonceur ») qui annonçait les mouvements (les « pasitos ») auxquels on avait donné des noms de code, selon l’inspiration du moment de leur création, pour pouvoir s’y retrouver. La rueda de casino était née.

Partie d’un ou deux établissements de La Havane, la rueda de casino se propagea par la suite dans d’autres lieux à l’origine à l’accès réservé, mais qui ouvrirent plus largement leurs portes au public dans les années 60. La révolution cubaine changea beaucoup de choses dans le quotidien des habitants de l’île et cette redistribution de l’accès aux établissements de loisirs en fait partie puisque de nombreux clubs furent nationalisés. Ainsi, les groupes d’aficionados de la rueda se déplaçaient-ils de salle en salle à la recherche des meilleurs orchestres. Le point culminant de la popularité de la rueda se situe au milieu des années 60. À l’époque, il y a même eu des émissions de télévision cubaine consacrées à la rueda qui devient une composante des grands événements et de la vie quotidienne des Cubains.

La popularité de la rueda décline à la fin des années 60 avec la disparition de certains lieux de loisirs. Comme partout dans le monde, les danses individuelles prennent le pas sur les danses en couples ainsi que les danses de groupe. De plus, des rythmes nouveaux arrivent aussi à Cuba, détournant ainsi la jeunesse des goûts de leurs parents. Malgré tout, la rueda, ensommeillée, survit dans des petits groupes et dans les fêtes traditionnelles de famille. Le renouveau de la salsa au niveau international ravive en même temps la rueda dans les années 2000 où musiciens (jouant de la musique « timba » aussi appelée « salsa cubaine » par abus de langage) et danseurs (dansant la salsa) se retrouvent pour le plaisir de tous. À la demande du public étranger, des stages de salsa sont organisés à Cuba et génèrent des revenus non négligeables aux Cubains, heureux de partager leur culture avec les « touristes de la danse ».

En rueda, il est nécessaire de ne pas avoir de doute sur les figures qui sont annoncées. C’est pour cela qu’il est souhaitable que celles-ci portent des noms suffisamment distincts à l’oreille. Cependant, les figures de rueda sont tellement nombreuses que les noms se résument parfois à de simples numéros (setenta/70, ochenta y cuatro/84, etc.) ! Par ailleurs, comme la salsa et la rueda se sont propagées dans le monde par différents intermédiaires, il était inévitable que différents noms existent pour une même figure, voire qu’un même nom fasse référence à plusieurs figures… Pas facile de s’y retrouver. D’autant plus que certains enseignants, ne manquant pas d’imagination et ne sachant comment nommer une de leurs trouvailles, ont tout simplement imaginé des noms comme « Tralala », « Schtroumpf », etc. (leur utilisation est souvent circonscrite à une ville donnée, voire à une école en particulier). De nos jours, les figures inventées durent parfois 4 x 8 temps, voire davantage. C’est bien souvent trop long. Les créateurs des années 60 faisaient des figures simples et assez courtes, sur 8 ou 16 temps bien souvent. Pas la peine de faire compliqué pour s’amuser, au contraire !

Je ne pouvais achever cet article sans aborder les ruedas géantes qui ont été faites dans le monde. Certaines ont été classées au Guinness Book des records. Le premier record date de 2007 en Colombie avec 540 danseurs (soit 270 couples) qui dansaient sous la pluie (on ne peut pas choisir facilement la météo quand on organise un tel événement…). Les Italiens ont dès l’année suivante battu ce record et ils conservent la première marche du podium depuis. Le dernier record que je connaisse date de juillet 2010 et est aussi italien avec plus de 700 participants à Milan. Pour vous donner une idée de ce que cela donne, voici le film du record de 2007 à Santiago de Cali.

En dehors du fait que tous les danseurs doivent connaître les mêmes figures associées aux mêmes noms, la grande difficulté des ruedas géantes est la diffusion du son sur un grand espace. Il faut non seulement que la musique soit entendue simultanément par tous les danseurs (nécessité de synchroniser les pas), mais il faut aussi que l’annonceur (le cantor) soit entendu par tous immédiatement. C’est donc des techniques de sonorisation dignes des méga-concerts de musique dans les stades qu’il faut mettre en place pour parvenir à établir de tels records dans de bonnes conditions. Une sorte de flash mob très organisé, quoi…

Partagez cet article :

Qu’est-ce que le Suzie Q ?

Partagez cet article :

Aujourd’hui, j’ai eu envie de parler d’un pas de danse dont le nom comporte un nom propre : le Suzie Q (encore écrit Suzy Q et à prononcer « Souzi kiou »). Commençons par l’origine de ce nom. Qui pouvait bien être cette fameuse Suzie ? Il semblerait qu’il s’agissait de Suzie Quealy (son nom de jeune fille), une jeune fille (dans les années 30…) de San Francisco. En réalité, elle serait l’inspiratrice de la chanson « Doin’ the Suzie-Q » chantée par Lil Hardin Armstrong (la femme de Louis Armstrong jusqu’en 1938) datant de 1936 alors que le nom Suzie Q est associé à une petite danse à la mode (comme il y en avait beaucoup dans les années 30) qui existait déjà au préalable.

Voici, ci-après, les paroles de la chanson en question en anglais, avec leur traduction française (vite faite, j’espère que vous excuserez les approximations…) en face. On y trouve bien la confirmation du Suzie-Q en tant que danse aux côtés du truckin’ et du shim-sham.

Now, come gather 'round us, folks, Let us tell you 'bout this swing, Let us tell you 'bout the dance was invented just for you! Now, you swing over here, Now, you swing over there, For you swing on out and you do the Suzie-Q! Oh, you dance in! Yes, you're prancin'! When you hear the music play, that's your cue! Yes, you're truckin'! Doin' the shim-sham, Then you swing on out and you're doin' the Suzie-Q! Now, stop unless you do forget, You ain't seen nothin' yet, Until you see this dance that's new! Now, you truck over here, you swing over there, You tip just like you're walkin' on air, Then you're doin' the Suzie-Q! Now, hot step new that you will give 'em, Good old pep and low-down rhythm! Now, come and give yourself a treat, Watch these babies shake their feet, What they're doin'? They're doin' the Suzie-Q!
À présent, venez vous rassembler autour de nous, les gars, Laissez-nous vous parler de ce swing, Laissez-nous vous parler de cette danse qui fut inventée juste pour vous ! Maintenant, vous dansez le swing par ici, Maintenant, vous dansez le swing par là, Vous, continuez de vous balancer et faites le Suzie-Q ! Oh, vous entrez dans la danse ! Oui, vous vous donnez en spectacle ! Quand vous entendez la musique jouer, c'est votre réplique ! Oui, vous faites le trucking ! Vous faites le shim-sham, Puis vous continuez de vous balancer et faites le Suzie-Q ! À présent, n'arrêtez que si vous oubliez, Vous n'avez encore rien vu, Jusqu'à ce que vous ayez vu cette toute nouvelle danse ! À présent, vous faites le trucking par là, Vous vous penchez juste comme si vous marchiez sur de l'air, Puis vous faites le Suzie-Q ! À présent, le pas génial que vous allez leur faire, quelle bonne vielle dynamique et ce rythme qui a de la pêche ! Maintenant, venez et faites-vous plaisir, Regardez ces poupées gigoter leurs pieds, Que font-elles ? Elles font le Suzie-Q !

De cette danse, le Suzie-Q, n’est resté qu’un pas, le Suzie Q. Ce pas a été intégré dans leur manière de danser par les danseurs de lindy hop. Ainsi, lorsqu’en 1937 Whitey demanda à Frankie Manning de créer sa propre version du Big Apple, celui-ci y intégra un certain nombre de pas de danse jazz, dont le Suzie Q (source : « Frankie Manning, l’ambassaseur du lindy hop »Acheter sur Amazon en français). On peut le voir danser en cercle en 1939 dans le film « Keep Punchin’ » (image arrêtée ci-contre) par la troupe des Whitey’s Lindy Hoppers au sein d’un Big Apple.

Pour ce qui est de l’allure de cette figure, il s’agit d’un déplacement de côté (plus ou moins léger) où un pied passe devant l’autre, puis l’autre décroise en alternance comme si ceux-ci se trouvaient sur des rails parallèles. La danse jazz ayant fortement influencé les danses actuellement pratiquées, on retrouve le Suzie Q en danse à claquettes, en lindy hop, dans les enchaînements swing en groupe, en salsa (dans les shines) ainsi qu’en hip-hop et en ragga dancehall. À chaque style de danse correspond une manière de danser le Suzie Q. Ainsi, le Suzie Q de lindy hop n’est pas tout à fait le même qu’en salsa, ni qu’en ragga, autant au niveau de l’appui des pieds qu’au niveau de la rythmique, même si l’esprit du déplacement est le même.

Afin de mieux mettre en évidence les différences, je vous propose de détailler ci-dessous le Suzie Q sur quatre temps en lindy hop et en salsa. Ces schémas sont issus des livres suivants : « Le mambo et la salsa portoricaine »Acheter sur Amazon (paru en 2008) et « Le lindy hop et le balboaAcheter sur Amazon«  (paru mi-2010), tous les deux dans la collection « Passeport Danse » chez Ch. Rolland Éditions.

Suzie Q

Nous le voyons, ici, les positions du corps sont légèrement différentes, tout comme les appuis et les rythmiques. En salsa, on travaille sur la demi-pointe des pieds alors que le talon est aussi utilisé en danse swing/lindy hop. Ajoutons à cela, que la version « claquettes » du Suzie Q se rapproche très fortement de la version lindy hop, tandis que la version que l’on retrouve en ragga (à la mode en ce moment dans le domaine des styles de danse en solo) utilise plutôt les talons que le plat du pied qui est en avant. Encore une fois, voici un mouvement que l’on risque de pratiquer longtemps sur les pistes de danse puisqu’on le retrouve dans divers styles. C’est ce genre d’aspect qui me passionne dans la danse et les diverses influences des danses les unes envers les autres : là où l’on croit avoir inventé quelque chose d’original, on s’aperçoit que cette chose est déjà connue depuis des lustres.

Tiens, pour finir sur un clin d’oeil, une petite vidéo sur laquelle je suis tombé sur Youtube il y a peu, où l’on voit Louis Armstrong faire de la pub dans les années 50 pour la poupée « Suzy Cute » (sans commentaire…).

Partagez cet article :