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Le bal populaire en France

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Bal 14 juillet dans les rues
Bal 14 juillet dans les rues

La danse et la musique ont évolué au fil du temps pour devenir des éléments essentiels de la vie sociale française tant du point de vue social que du point de vue culturel. Avant même de disposer de la radio pour écouter les chansons en vogue, chacun pouvait danser au son des instruments que les musiciens s’enorgueillissaient de faire sonner de belle manière pour leur audience.  Même si de nos jours les  soirées se passent souvent à la maison devant un écran, il ne faut pas oublier que le bal a été pendant longtemps une partie du lien social local dans chaque région et que bien des familles ont été créées suite à un rencontre dansante à cette occasion. Grand-parents, parents et enfants trouvaient eu sein du bal populaire, organisé à l’origine à l’occasion d’événements comme les moissons ou les mariages, un espace de liberté différent du cercle familial où l’on croisait des personnes de tous âges et de toutes origines.

Affiche 14 juillet 1880
Affiche 14 juillet 1880

Le 14 juillet symbolise le bal populaire par excellence, mêlant diversité sociale et citoyenneté. Mais les bals populaires ce sont aussi les festivités des moissons dans les campagnes, les fêtes familiales, les soirées dans les dancings, les bals des pompiers, etc. Pourtant ces manifestations de joie a priori anodines ont souvent été encadrées de manière stricte par les autorités.  Le premier bal du 14 juillet a été organisé en 1880 accompagné de fanions tricolores et de musique populaire jouée par un orchestre du haut d’une estrade. Cette fête a été créée par les autorités pour fédérer les citoyens français autour de le toute nouvelle Troisième république pas forcément acceptée de tous.

Estrade bal 14 juillet
Estrade bal 14 juillet

Les bals populaires ont lieu dans des endroits tels que les salles des fêtes, les places publiques et les terrains de sport, etc. Ils sont souvent organisés par des associations locales. Les danses traditionnelles y régnaient aux débuts, comme la bourrée auvergnate au son de la cabrette ou la gavotte bretonne au son du biniou, voire même diverses danses sur des mélodies a capella des chanteurs de villages. Les occasions de faire la fête et de danser offraient une soupape aux travailleurs harassés par le travail quotidien dans les champs, dans les mines ou à l’usine. Ils pouvaient ainsi se retrouver entre amis, faire des connaissance et danser dans une ambiance détendue, vêtus de leurs plus beaux habits. Et cela pouvait durer jusqu’au bout de la nuit. Ainsi, des couples de tous âges dansent sur une variété de musiques, des plus traditionnelles aux plus modernes. Les bals populaires sont aussi un moyen de rassembler les communautés locales et de renforcer les liens sociaux. C’est au bal populaire que se sont faites de nombreuses rencontres alors que dans la « vie de tous les jours » les gens se voyaient de loin. Mais cela ne se faisait pas toujours sans mal. Si les hommes étaient libres d’y participer sans restriction, les femmes de la fin du XIXe siècle avaient systématiquement un chaperon plus âgé, sans compter que certaines manifestations étaient organisées sous la houlette du clergé bien-pensant qui n’a pas apprécié l’arrivée des danses dites « modernes » comme la valse ou la polka avec leur position de couple rapprochée.

Bal parisien
Bal parisien

Revenons à ces fameux bals du 14 juillet du début du XXe siècle… Malgré les réticences du clergé, ce jour devient un jour férié dans tout le pays. Ce début de  XXe siècle est appelé « La belle époque »,
les lieux se créent autour de la fête à Paris et portent l’appellation de « bal » : bal du Moulin Rouge, bal du Moulin de la Galette, Bal Tabarin… L’entrée coûtait un franc à l’époque ! Les jambes se dévoilent petit à petit et offusquent les « Père Lapudeur » de l’époque à l’instar du clergé des années auparavant. À l’opposé, certains bals comme celui des Barrières est fréquenté par les Apaches avec leur foulard, leur casquette et leur manières pour le moins directes. On y danse la valse, la scottiche, la mazurka et, bien sûr, la danse des Apaches (voir l’article à ce sujet sur ce blog).

Bal Breton
Bal Breton

Dans certains quartiers parisiens, on retrouve différentes communautés venues chercher du travail à la Capitale : en premier lieu les Auvergnats avec leur cabrette, mais aussi les Italiens avec leur accordéon… Et voilà que naît le style de musique dit « musette » et la danse qui va avec, à l’opposé du tango fustigé par l’Église et réservé aux quartiers bourgeois. À l’orée de la 1ère Guerre mondiale, tout le monde danse à l’unisson dans les rues à l’occasion des bals organisés dans un état d’esprit insouciant.

Accordéoniste piano accordéon
Accordéoniste piano accordéon

Si la guerre désorganise les festivités dansantes, il n’en demeure pas moins que l’on danse toujours et parfois entre personnes du même sexe sans ambiguïté. Le Américains débarquent et apportent avec eux le jazz . Le 14 juillet 1919 est marqué par un défilé fêtant la fin de la guerre et accompagné par un bal populaire ouvert à tous. Il y a fort à parier que les personnes venues danser sont plutôt là pour décompresser que pour célébrer le pays. Dans la rue se côtoient la valse musette et le tango mondain au son de l’accordéon chromatique, instrument roi des bals populaires à partir de ce moment-là. À lui seul un accordéoniste est en mesure de transformer n’importe que lieu en bal musette et, par conséquent, les lieux à danser se multiplient.  Les Français se libèrent de toutes ces années noires grâce au bal afin de pouvoir renaître… d’autant plus que la journée de travail passe de 60 à 48 heures sur 6 jours cette année-là. La java s’ajoute peu à peu à la liste des danses avec le boléro et le paso doble, permettant à certains de s’encanailler au bal musette.  Pendant ce temps, pendant l’entre-deux-guerres, les classes mondaines préfèrent le jazz et dansent le foxtrot, le charleston, le black bottom ou le shimmy et investissent de nouveaux lieux appelés « dancings ». Les tenues féminines se raccourcissent encore pour permettre de mieux effectuer ces mouvements dynamiques venus d’Amérique. Dans ces années-là, la norme était qu’une jeune homme ou une jeune femme de 18 ou 19 ans sache danser pour pouvoir aller au bal.

Au début des années 1930, près d’un Français sur deux dispose d’une radio TSF. La musique pour danser devient donc accessible à toutes les classes sociales à domicile sans attendre une quelconque occasion. Cela n’empêche pas les Français de se rassembler dans les guinguettes des bords de Marne par exemple (Le Grand Cavana, chez Gégène, etc.), des lieux où se retrouvent des gens de toutes les origines. À Montmartre, le premier bal des pompiers est créé dans la caserne. Puis, les grèves ouvrières de 1936 servent de prétexte à l’organisation de bals quotidiens lors de l’occupation des usines qui conduira à la semaine de 40 heures et aux congés payés, avec par conséquent toujours plus de temps libre pour danser.

En 1939, la Seconde guerre mondiale éclate. Le Maréchal Pétain prône la « France d’avant » et ferme tous les bals et dancing par décret en mai 1940. Bien sûr, l’interdiction n’est pas suivie à la lettre dans les campagnes où des bals sont organisés dans les fermes isolées ou l’arrière salle des bistrots aux fenêtres calfeutrées. Le peuple a besoin de se changer les idées et de danser dans ces bals clandestins où l’accordéon fournit l’ambiance musicale. Dans les villes, occupées par l’armée allemande, c’est plus compliqué mais quelques irréductibles appelés les Zazous (voir l’article sur le sujet dans ce blog) continuent de danser en secret sur les musiques américaines en signe de rébellion.

Caves de Saint Germain
Caves de Saint Germain

Après le débarquement américain de juin 44 qui marque le retour de la paix en France, le général De Gaulle réinstaure le bal républicain du 14 juillet et les autres bals renaissent comme les bals des pompiers dans diverses villes ou le Balajo à Paris. En parallèle, certains suivent les traces des Zazous et vont danser le be-bop et le swing dans les caves de Saint-Germain-des-Prés. L’après-guerre marque la nouvelle tendance des bals « où l’on veut, quand on veut », sans avoir à attendre un événement particulier (moissons ou 14 juillet par exemple). Les danses latines s’y intègrent progressivement : mambo, cha-cha, etc. Le bal populaire devient mobile, parfois en intérieur, parfois en extérieur, parfois sous tente, organisé par des professionnels. Il restera la première occasion de rencontre jusque dans les années 1970 puisque les jeunes utilisaient le bal comme lieu de rendez-vous. À la fin des années 1950, le rock’n’roll et les danses des yéyés venues des USA (madison, twist, etc.) reportent un franc succès chez les jeunes, boostés par les jukeboxes et les 45 tours, alors que les plus anciens restent attachés aux danses pratiquées jusque là dans les bals. Les discothèques se créent peu à peu pour donner à la jeunesse amatrice de rock’n’roll, de slow et des nouvelles danses un lieu pour danser avec des lumières tamisées et propice aux rencontres.

Bal traditionnel
Bal traditionnel

Les années 1970 marquent l’envie d’un retour à la nature et le renouveau de la musique folklorique et traditionnelle avec les danses associées. Les bals trads fleurissent en parallèle des soirées pop rock psychédéliques en discothèque où l’on se laisse aller. Puis les soirées en discothèque connaissent l’essor de la musique disco et l’âge d’or de ces établissements (plus de 4000 en France à la fin des années 1970). Face à ce raz-de-marée les bals populaires déclinent malgré les efforts et les subventions du gouvernement pour construire des salles des fêtes dans tout le pays. Ceux qui sortent en boîte de nuit se préparent longuement au préalable et on y va de plus en plus pour être vu et éventuellement y faire des rencontres. Même s’il y a beaucoup moins de discothèques de nos jours qu’à l’époque, la tendance continue dans ce sens sachant que les Français sortent moins, au profit d’une soirée Netflix en famille ou entre amis .

Danseurs de rock'n'roll
Danseurs de rock’n’roll

On peut à ce point se poser la question suivante : « le bal populaire  ne se cantonne-t-il de nos jours qu’au bal du 14 juillet ? ». Il me semble que la réponse est non. On retrouve les marqueurs du bal populaire dans de nombreuses occasions allant des soirées en boîte de nuit aux bals trad en passant par les soirées et festivals rock’n’roll, latino, swing ou encore country. Les gens sont là, venant de tous horizons, pour partager un bon moment, décompresser, danser, se retrouver entre amis et éventuellement faire de nouvelles connaissances. Ainsi s’il ne s’appelle plus « bal populaire » l’événement dansant contemporain en a encore tous les atours.

Malgré les différents points d’arrêt et interdictions dus aux crises traversées par les Français (le choléra en 1883, la 1ère guerre mondiale, la grippe espagnole en 1918, le 2e guerre mondiale et même récemment le Covid en 2020), la danse et les bals populaires ont conservé leur rôle essentiel dans la vie sociale des Français. Le bal populaire contribue indéniablement à la préservation et au développement de la culture française avec un impact positif sur la cohésion sociale. La danse et les bals populaires sous toutes leurs formes sont bien plus qu’un simple divertissement, mais ils sont également un élément vital de la culture et de la vie sociale française.

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Le tango argentin

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Les Français fréquentant les bals populaires connaissent bien le tango depuis des années. Ils le dansent en tournant tranquillement autour de la piste au son de l’accordéon, c’est le tango de bal. D’autres, adeptes de la danse sportive, connaissent aussi le tango. Une variante plus dynamique où alternent accélérations, mouvements de tête et changements de direction. Mais le tango qui remporte de plus en plus l’assentiment du grand public est le tango argentin d’où ressort un mélange de passion, de sensualité et d’une certaine élégance. C’est le tango des origines, celui d’où tout est parti. Cela se passait en Amérique du Sud il y a plus d’un siècle. Je vous raconte cette histoire ci-après.

Le tango est né dans le Rio de La Plata, une zone d’Amérique latine à la frontière entre l’Argentine et l’Uruguay qui est devenue le cœur de flux migratoires et d’un peuplement intensif au XIXe siècle. C’est là que l’on trouve les villes de Buenos Aires et de Montevideo. On parle d’ailleurs de tango rioplatense (remplacé par la suite par le terme de tango argentin, même si les Uruguayens le dansent tout autant) pour faire référence au tango issu de cette région du Rio de La Pata. Les origines du mot « tango », quant à elles, sont teintées de références aux Africains immigrés (généralement contre leur volonté) en Amérique du Sud. Certaines sources citent, dans les années 1800, le tango comme des rassemblements festifs de Noirs à Buenos Aires. Par extension, on parlera du « rythme de tango » comme équivalent au rythme de habanera en référence à la musique qui y est jouée par des tambours.

Au commencement, le tango est la musique de la ville avec la milonga urbana qui s’oppose à la musica folklorica des campagnes. Le commerce du Rio de La Plata favorise les influences musicales variées et les différentes formes de musique interagissent. Au XVIIIe siècle, les danses noires étaient interdites, puis elles ont été autorisées certains jours (défilés). Les Blancs rejoignirent peu à peu les Noirs dans ces manifestations (comparsas) et apprirent leurs « tangos » au point de les dépasser en nombre et d’ainsi créer leur propre musique afro-argentine blanche. Vers 1880, trois types de danses cohabitent dans le Rio de La Plata : les criollas (chorégraphiques, musique issues d’Espagne), les danses de salon anciennes (contredanse, menuet, quadrille, etc.) et les danses populaires urbaines (polka, mazurka, milonga, etc.). C’est dans ce contexte que se forme peu à peu le tango porteño/rioplatense (encore appelé criollo à ses débuts) qui devient une danse parmi d’autres comme le shimmy, le foxtrot et le paso doble à l’époque. La danse s’inspire, entre autres, des figures de candombe (dansées dans les défilés de rues), de la habanera quebrada et du style de danse des gauchos. Vers 1910, le tango arrive à un stade où on l’associe à la danse pratiquée dans les carnavals et où il bénéficie de la reconnaissance des masses populaires. Il continue son ascension sociale, sort des rues et des lupanars, et pénètre les classes moyennes et les grands cabarets. Le tango argentin est une danse d’improvisation par excellence qui débute par une invitation à la danse par le regard : le cabeceo. Les partenaires se choisissent ainsi sans mot, par le simple appel des yeux.

À cette époque, on met sur papier les partitions de tangos populaires qui se transmettaient oralement et l’industrie du disque permet de diffuser la musique au-delà des frontières de l’Argentine et de l’Uruguyay. Il semble que la diffusion de la musique « tango argentino » en France soit passée par le port de Marseille aussi bien que par des artistes venus à Paris. Une folie du tango envahit alors la capitale française. Les autorités religieuses n’approuvent pas ces « danses de nègres », mais ne s’y opposent pas formellement. On assiste alors, à Paris, à une simplification du tango argentin : on enlève par exemple les mouvements qualifiés de trop vulgaires, ce qui entraîna l’approbation tacite du pape. Il semble que la manière stylisée de danser de Rudolph Valentino en 1921 dans le film « Les Quatre Cavaliers de l’Apocalypse » soit à l’origine de cette simplification. La popularité de cette danse à la mode fut telle que de nombreux Argentins traversèrent l’Atlantique pour s’improviser professeurs de tango en France. Des musiciens les accompagnèrent et les mélodies du tango furent bientôt reprises par les accordéonistes français des bals populaires et guinguets. Avec son arrivée en Europe, le tango connaît donc un certain nombre de déformations (en particulier aussi une standardisation par les Anglais pour la compétition) qui aboutiront aux autres formes de tango que nous connaissons aujourd’hui et qui n’entrent pas dans le cadre de cet article. Je n’en dirai donc pas plus ici sur ces formes.

Les années 40 marquent l’âge d’or du tango en Argentine et en Uruguay : de nouvelles salles de danse s’ouvrent, les cours de danse se multiplient. La fin d’une période de prospérité économique et de stabilité politique est accompagnée par la fin des symboles associés, dont le tango. Les années 60 sont marquées par l’ouverture de tanguerias, des lieux dédiés assimilables à des cabarets où les aficionados du tango peuvent se retrouver, écouter de la musique et danser. C’est cela, en plus des spectacles chorégraphiés, qui a permis au tango de survivre à l’oubli. Après avoir été délaissé par la jeunesse rebelle des années 60, comme bon nombre de danses en couple, le tango argentin fait son retour en France à compter des années 1980 du fait de concerts (dont celui d’Astor Piazzolla en 1977 à l’Olympia) et tournées mondiales de troupes de danseurs Argentins. Citons ici la tournée « Tango Argentino », ses musiciens et ses dix danseurs qui fait le tour du monde et qui, passant par Paris en 1982, provoque le déclic de la renaissance. Les cours de tango argentin s’ouvrent alors peu à peu dans la capitale. En parallèle, ce renouveau a également lieu en Argentine où des milongas (lieux pour danser le tango) s’ouvrent dans les années 1990. Une certaine codification naît en même temps que ce renouveau du tango argentin qui est à présent enseigné dans des écoles de danse aussi bien en Argentine (académies) qu’en France. Pour illustrer le tango argentin, je voulais vous proposer une vidéo une vidéo produite par le ministère de la culture argentin, mais elle est bloquée sur YouTube pour des raisons de droits d’auteur… Alors je vous propose une prestation spectaculaire de Juan Vargas et Paulina Majia à l’occasion d’une compétition à Buenos Aires en 2019.

Un dernier mot pour rappeler que le tango argentin fait partie depuis 2009 de la liste de « patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente ». Cette liste est gérée par l’Unesco qui y a ajouté en 2010 de nouvelles danses dont le flamenco (Espagne), la danse Chhau (Inde), la danse des ciseaux (Pérou) et la Huaconada (Pérou). Si vous souhaitez avoir la liste complète (il n’y a pas que de la danse), c’est sur le site de l’Unesco.

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Descente et élévation du corps

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Pour cette fois, j’ai choisi d’aborder un sujet technique, peut-être un peu pointu pour certains, qui touche aux danses à deux. J’ai fait l’expérience de me livrer à une petite analyse comparative des impressions que l’on ressent lorsque l’on danse en me focalisant sur les élévations et les « descentes » (je n’ai pas trouvé de terme plus approprié) associées à un pas de base. C’est difficile à résumer, aussi entrons directement dans le vif du sujet.

Nous le savons bien, chaque danse, associée à un certain type de musique, nous donne une impression spécifique. Selon que l’on danse un tango, un rock ou une samba en couple, on se met naturellement dans une gestuelle spécifique et un mode de déplacement adéquat. Imaginez un tango argentin où les danseurs sautillent à chaque pas et vous n’avez plus l’impression de voir un tango argentin. L’idée m’est donc venue de regrouper sur un même graphique les différentes courbes qui pourraient symboliser l’aspect vertical de quelques danses, ce qui correspond à une partie de leurs signatures respectives. J’ai donc pris un axe des temps où sont représentés huit temps musicaux et un axe pour la hauteur d’élévation (ou de descente) en exagérant suffisamment pour que les choses soient bien visibles.

La position de base (position zéro) et une position debout, le dos et les jambes droites, les pieds à plat sur le sol ou, pour les danseuses en talons, le talon et la plante en contact avec le sol. Lorsqu’on fait une élévation, on monte sur les demi-pointes en utilisant les articulations du pied et les chevilles. Lorsqu’on descend vers le sol, on fléchit les genoux, les chevilles et éventuellement même on se plie au niveau du bassin. Voilà pour le contexte.

Quant au schéma, le voici, avec une couleur par ligne :

La ligne la plus facile à repérer est la ligne noire du milieu (en pointillés). C’est une ligne qui correspond au fait que les danseurs conservent une hauteur constante durant tout le pas de base. J’y ai associé des danses comme le tango, la salsa et le west coast swing et j’aurais pu y ajouter le paso doble, la rumba et bien d’autres danses. Cela montre bien que cet aspect ne constitue qu’une partie de la signature de chaque danse. Par souci de simplification, je n’ai pas essayé de dissocier les subtilités de chacune de ces danses au niveau rythmique. Ce qui m’intéresse ici, c’est l’élévation ou l’abaissement du corps sur un pas de base (et non sur une figure en particulier).

Prenons ensuite les courbes de haut en bas. La première est celle de la valse (valse lente ou anglaise uniquement). C’est la seule danse se pratiquant sur de la musique en 3/4 dans ce graphique et l’allure de la courbe se différencie donc bien des autres. Sur le temps 1, on glisse sur le sol après avoir fait une légère flexion des genoux (c’est pour cela qu’on descend brièvement en dessous de la ligne du zéro) et une remise à plat des pieds qui étaient en élévation. Ensuite, sur le second temps, on se lance vers le haut puisque c’est le moment où l’on pivote sur les demi-pointes. Enfin, on maintient l’élévation sur le temps 3 avant de redescendre et de recommencer le second demi-pas de base. L’amplitude de la courbe étant importante et l’élévation durant 2 temps donne une sensation de grosses vagues déferlant sur le rivage ou encore de montagnes russes où la pente descendante est plus raide que la pente montante.

La courbe suivante représente la samba. On voit que l’on est à plat sur le temps et que l’on est en élévation sur le demi-temps. Cela donnt un peu une image de kangourou qui sautille. Cette courbe correspond à ce que font les personnes débutant leur apprentissage de la samba. Bien sûr, l’ajout de la rétroversion du bassin que l’on acquiert par la suite atténue, voire annule, ces sautillements, mais ce que je veux montrer ici est l’impression que le danseur peut avoir. Cette impression est donc orientée en permanence vers le haut, comme si l’on rebondissait sans cesse. Les rebonds sont alors réguliers, malgré une rythmique de pas qui dure successivement 3/4 de temps, 1/4 de temps, puis 1 temps et qui, donc, ne se constate pas dans la rythmique des élévations. C’est une partie de la difficulté de la samba.

La courbe suivante montre le pas de base du rock à 6 temps. J’ai ajouté la mention « rapide », car cet effet est plus visible (et davantage ressenti) sur les tempos les plus rapides. On reconnaît la rythmique lent, lent, vite, vite, lent, vite, vite, lent (1, 2, 3 et 4, 5 et 6) du rock à 6 temps. Sur chaque pas, le danseur revient à plat (ou presque), mais comme il doit repartir très vite, il ne pose quasiment jamais le talon au sol, il reste donc en légère suspension sur les demi-pointes. C’est la raison pour laquelle la courbe bleue ne revient jamais au point zéro. Ce n’est pas pour autant que le mouvement monte aussi haut que la samba ou la valse (là on est au maximum), car on ne recherche qu’un effet ressort qui permet de se déplacer rapidement et de pivoter aisément sur l’avant du pied.

La dernière courbe est celle du lindy hop. C’est la seule courbe qui se trouve sous le niveau zéro (jambes droites et pieds à plat) puisque le style le plus souvent rencontré impose une légère flexion des genoux et un amortissement des pas effectués sur chaque temps. On voit une courbe régulière, comme pour la samba, où chaque temps est marqué. Mais, contrairement à cette dernière, le mouvement est orienté vers le sol. Il s’agit des « bounces », des amortis de pas qui sont effectués à chaque temps, même lorsqu’il y a un pas triple syncopé (pas chassé, par exemple, soit 3 pas sur 2 temps). Cela permet donc de mettre le doigt sur l’une des difficultés de lindy hop au niveau du style. Ainsi, le danseur peut-il avoir l’impression de s’enfoncer dans le sol à chaque pas, sans jamais décoller. C’est donc exactement l’opposé de la samba.

Encore un mot à propos des musiques. Chaque style de danse est généralement associé à un ensemble de styles musicaux qui vont bien avec. Pour être compatible avec une danse (samba, valse, etc.), l’orchestration des musiques en question doit donc permettre de calquer les courbes que j’ai décrites ci-avant. Si l’on veut danser une valse lente, il faut (outre l’écriture en 3/4) que la musique propose un temps fort (la courbe descend), suivi de deux temps faibles (la courbe remonte et reste un peu en haut). Même chose pour le lindy hop pour lequel la musique swing idéale comporte des bounces (terme aussi utilisé par les musiciens) réguliers qui donnent la pulsation vers le bas à la danse. Le petit bémol concerne le rock, pour lequel un rythme binaire alternant temps fort et temps faible (malgré tout bien marqué) fait l’affaire. Je viens de regarder la saison 16 de « Dancing with the stars », la version américaine de « Danse avec les stars », et je dois avouer que sur ce point les Américains s’en sortent mieux que les Français, malgré quelques exceptions à noter. Malheureusement, chaque saison de la version française ne déroge pas à la règle qui propose trop de morceaux de musique ne correspondant pas à la danse qui est pratiquée dessus… Voir mon article sur le sujet, il y a plusieurs mois dans ce blog.

Voici donc qui conclut ce petit essai que l’on pourrait sûrement compléter de bien d’autres pistes de réflexion, n’hésitez pas à me faire parvenir vos idées ou commentaires en fin d’article, par le formulaire de contact du site ou sur Facebook. Pour finir à propos de graphiques sur la danse, je vous conseille de lire un article intéressant mettant sous la forme de courbes la progression des personnes apprenant à danser en couple, filles et garçons. Il s’agit d’un article écrit par une amie au pseudo Internet de Sundrine Nereide auquel vous pourrez accéder en cliquant sur la présente phrase.

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