Le 19 mai dernier est sorti un nouveau film sur le thème de la danse : « Street dance 3D ». Vous me direz : un film de plus où s’opposent des idées préconçues et qui se finit en happy end. Peut-être. Mais la particularité de celui-là est qu’il s’agit du premier film en 3D, comme son titre le suggère fortement. C’est aussi pour moi l’occasion de faire une petite mise au point sur cette histoire de 3D.
Tout d’abord, voici le pitch du film. Une jeune Anglaise, Carly, vient de se qualifier avec sa troupe de street dance pour la finale des championnats anglais. Jay, son petit ami et leader du groupe, annonce qu’il arrête la danse et les plante là. Carly doit alors reprendre le groupe en main dans l’objectif de gagner la finale. Elle rencontre des problèmes de salle qui l’amènent à convenir d’un accord avec Helena, une prof de danse classique disposant d’une salle dans son école de danse : si Carly intègre les danseurs de classique de l’école dans sa team de street dance, elle peut disposer de la salle à volonté. De là vont naître tout un tas de péripéties entre les danseurs des rues et les danseurs académiques qui, évidemment, n’arrivent pas à se comprendre… tout du moins au départ.
J’ai trouvé le scénario sans surprise, mais correct. C’est manifestement un film destiné aux ados, mais il pourra tout aussi bien plaire aux plus âgés. En tout cas, durant les 1h38 de film, on ne s’ennuie pas. La bande-son est bien également, car elle correspond évidemment au style de danse, mais elle n’est pas trop agressive pour monsieur Tout-le-Monde. J’ai vu ce film en VF et, si la traduction était à la hauteur, il est resté malheureusement une coquille de doublage au moment où Carly passe en revue les différents styles de danse hip-hop. À côté du popping, elle a cité le « looking » qui est évidemment en réalité le locking. Comme le texte lu par les acteurs doubleurs est généralement manuscrit, il y a probablement eu là une erreur de déchiffrage de l’écriture du traducteur. Encore un bon point linguistique, le titre est le même en français et en anglais : cela évite les fausses traductions (du genre « step up » en anglais qui donne « sexy dance » en français… du n’importe quoi marketing).
Côté danse, j’ai trouvé les chorégraphies plutôt bonnes dans l’ensemble (mais sans plus pour certaines…). Cela est en fait dû à la manière dont cela a été filmé. Dans l’absolu, il y avait de bons moments, mais ils ont parfois été gâchés par un éclairage mal fait ou des déplacements de caméra qui desservent la danse au lieu de la servir… À noter la présence dans ce film des groupes Flawless (qui a participé à « Britain’s Got Talent », la version anglaise de l’émission « Incroyable talent ») et Diversity (qui a remporté le casting de la même émission). Tiens, tant que j’y suis, le leader de la troupe Diversity peut être vu sur le petit écran également en ce moment. Ashley Banjo fait office de jury dans la saison 1 (2009-2010) de l’émission « Got to Dance », émission anglaise de casting de danseurs, initialement diffusée sur Sky 1, mais (oh surprise !) également diffusée doublée en français sur Gulli (chaîne 18 de la TNT) tous les jeudis à 20h30 depuis le jeudi 27 mai 2010. Les deux autres membres du jury sont Kimberly Wyatt (membre des Pussycat Dolls) et Adam Garcia (danseur à claquettes d’origine australienne).
Et la 3D dans tout cela ? Si les producteurs ont mis cette mention dans le titre, c’est que ça doit être important… Dans les faits, cette « 3D » se concrétise par une simple sensation de profondeur dans une image qui semble composée de différents plans plats. On ne sent pas le volume (à part dans de rares scènes comme les scènes de transition dans la ville ou la battle dans le bar). En tout cas, grosse déception. Pas d’image surgissant hors de l’écran, ni d’impression de faire partie de la scène de danse. Bref, rien à voir avec des films réellement tournés grâce à des caméras spéciales. Il y a même certaines scènes où la lumière « éblouissante » de certains spots lumineux qui était censée donner un effet spécial en 2D rend l’image impossible à distinguer avec des lunettes 3D. Car je mettrais ma main au feu que nous avons ici affaire à une « 3D relief » créée en post-production à partir d’un film classique en 2D. D’ailleurs, je pense qu’il vaut mieux voir ce film directement dans sa version « normale ». La 3D n’apporte rien ici, et ne sert qu’à distraire le spectateur et à réduire son champ de vision (les bords de mes lunettes aux verres polarisés m’ont plutôt gêné qu’autre chose). Donc cette troisième dimension n’est qu’une illusion et un argument marketing.
Je profite d’aborder ce sujet pour faire un aparté sur cette notion de 3D au cinéma. En réalité, on devrait parler d’un film en relief et non d’un film en 3D. Le relief est ce que l’on perçoit quand on regarde des films comme Street Dance 3D, Avatar, etc. Pour ceux qui ne maîtrisent pas encore bien les techniques de rendu en relief utilisées au cinéma, voici un petit résumé. On rencontre actuellement trois méthodes.
- méthode anaglyphe: c’est la méthode des premiers films 3D-relief avec des lunettes dont un côté est bleu et l’autre rouge. Comme les couleurs du film sont trafiquées de manière à superposer deux images, les filtres de couleur des lunettes rétablissent les bonnes couleurs (autant que possible) et une image différente pour chaque oeil, ce qui met en évidence le relief. Cette technique fonctionne aussi avec des images fixes et donc des photos.
- méthode polarisée: plus récente et économique avec des lunettes qui ressemblent à des lunettes de soleil. La lumière de chaque image est polarisée (l’une verticalement, l’autre horizontalement) et un filtre des lunettes est conçu pour ne laisser passer qu’une seule polarisation. Cela permet donc de séparer les deux images du film projeté.
- méthode alternative: autre méthode contemporaine qui nécessite des lunettes un peu plus lourdes. Le projecteur envoie en alternance les images pour l’oeil droit et celles pour l’oeil gauche et ce sont les lunettes actives qui en obturant chaque verre à la fois et à haute fréquence sélectionnent l’image correspondant à un oeil donné.
Toutes ces méthodes ont un point commun : chaque oeil reçoit une image différente pour donner la sensation de relief. Cela signifie aussi que, peu importe l’endroit où l’on se trouve dans la salle, on reçoit les mêmes images et donc le même angle de vision sur le film. D’où mon propos sur la différence entre la 3D et le relief. Si l’on avait une technologie destinée à projeter de la vraie 3D, un spectateur à gauche de la salle de cinéma ne verrait pas la même chose qu’un autre situé à droite. Pour vous donner une idée de ce que je veux dire, la technologie des hologrammes pourrait s’approcher de cela : selon où l’on se trouve par rapport à l’hologramme, on le voit un angle différent. Lorsque je crée mes danseurs pour mes livres de technique dans mon ordinateur, je les manipule en 3D (eh oui, on peut aussi savoir faire autre chose que danser…) et je choisis l’angle de vue qui le plaît le mieux pour en faire une image intégrée dans le livre. Ce n’est donc évidemment pas là une image en 3D, mais c’est une image conçue par une technique 3D.
Pour conclure, je reviens à ma séance de cinéma avec Street Dance 3D. L’intérêt de voir de la danse en 3D relief est de l’ordre du spectacle : on en prend plein les yeux et on a l’impression d’entrer dans le film (si c’est bien filmé, et j’attends encore ce film…). Sinon, autant regarder le film de manière classique, et on appréciera d’autant mieux les chorégraphies. Bon alors, ce film, faut-il aller le voir ? La réponse est oui, mais si vous pouvez le voir en 2D, vous l’apprécierez probablement mieux. Pour l’instant, on n’a pas encore fait de meilleure 3D que la vie réelle…