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Mia Frye et la macarena

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Je comptais attendre l’été pour aborder ce sujet, mais finalement le voici plus tôt que prévu. En effet, dans ce blog, j’essaye de parler de toutes les danses et de ne pas rester plusieurs semaines d’affilée sur des sujets trop similaires. Alors, cette fois et pour changer un peu des danses en couple, nous allons évoquer la Macarena, un tube planétaire des années 90, ainsi que sa chorégraphe Mia Frye, qui fait partie de ces chorégraphes résidant en France et connues du grand public.

Commençons par quelques mots pour présenter Mia Frye, danseuse et chorégraphe plus connue pour sa prestation dans le jury de l’émission Popstars ou son passage dans la ferme célébrités première du nom. Elle est née à New York en 1965 de parents américains et est arrivée en France à l’âge de 12 ans. Après plusieurs apparitions à la télévision dans les années 70 et 80 (et même une tentative de single en tant que chanteuse), elle travaille avec Luc Besson dans les années 90 (collaboration à « Nikita » et « Le 5ème élément »). Elle est en particulier l’héroïne du film « The Dancer » en 2000 (réalisé par Frederic Garson, mais produit par Luc Besson) où elle joue le rôle d’India, une danseuse muette qui éblouit son public dans des battles DJ contre danseuse. Malheureusement, cette danseuse (dans le film) connaît un refus lors d’une audition à Broadway juste parce qu’elle est muette, mais elle rencontre un scientifique qui travaillera sur un système qui permettra à India de s’exprimer librement. Mia Frye est non seulement la chorégraphe de la Macarena (on la voit danser dans le clip de Los del Rio) mais elle est aussi la chorégraphe de « Alané » de Wes la même année (on la voit aussi danser dans le clip) et de « Yakalelo » des Nomads en 1998. Forte du succès des titres dont elle a chorégraphié la danse, la réputation de Mia Frye l’amène à recevoir des propositions de participation à des projets de plus grande envergure (dont le film produit par Besson en 2000). Comme je l’ai dit, en 2001, elle fait partie du jury de l’émission Popstars (du type Nouvelle Star) et par la suite devient la chorégraphe officielle du groupe de filles L5 ayant remporté cette émission de télécrochet moderne. D’ailleurs, l’expression « Happy Face ! », lancée maintes fois par Mia pour encourager les participants à l’émission est restée dans le langage courant depuis. Elle contribue aussi au film « Podium » de Yann Moix (film ayant pour sujet un sosie de Claude François) où elle se fait apostropher par « toi, avec le calamar sur la tête ! » Si vous souhaitez voir Mia Frye en action, il existe deux DVD dans le commerce. Le premier est le DVD du film « The Dancer » dont Mia est la vedette ; j’en ai parlé un peu plus haut. Le second s’appelle « Danse avec Mia Frye » et correspond à un cours de danse pour apprendre trois chorégraphies sous la direction de Mia Frye (échauffement, progression, etc.) qui ponctue ses explications d’exclamations en anglais. Le public visé est clairement les ados qui veulent apprendre quelques pas devant leur écran sans prendre de cours dans une école.

Parlons à présent de la Macarena, tube de l’été 1996 (classée 7 semaines numéro 1 dans le top 50). La chanson est arrivée en premier dans sa version espagnole et enregistrée par le duo Los del Rio en 1992 comme une rumba. On peut encore acheter ce titre sous la forme de compilations ou d’album single Macarena. « Macarena » est le nom donné à la jeune fille dont parle la chanson. Ce nom aurait dû être Madgalena, mais comme une chanson portait déjà ce titre, une modification a été faite pour éviter la confusion. La partie des paroles en anglais a été ajoutée en 1995 lorsque les Bayside Boys ont décidé de remixer le titre et c’est là que le succès mondial a été atteint. La chanson devient le tube de l’été 1996 en France et dans le monde entier. On voit même la fronde se monter sur Internet par le biais de sites anti-macarena (dont une bonne partie n’existe plus aujourd’hui). À cette époque, un autre groupe, Los del Mar (tiens, c’est proche du nom de l’autre groupe, non ?), s’est glissé dans la vague de succès envers ce titre et a sorti sa propre version de la Macarena (coupant parfois l’herbe sous le pied des Los Del Rio sur certains continents comme l’Australie). Le clip des chanteurs originaux du titre, Los del Rio, est tourné sur un fond blanc, les chanteurs Romero et Ruiz chantent alors que dix filles dansent et font une chorégraphie à répétition. L’une de ces danseuses, particulièrement reconnaissable à son turban orange, n’est nulle autre que Mia Frye, la chorégraphe des mouvements dans ce clip. Cette chorégraphie prend dès lors le nom de la chanson et « Macarena » désigne actuellement donc à la fois une chanson et la danse que l’on effectue au son de cette chanson. Un dernier mot sur la chanson avant de passer à la danse : il en existe à ce jour de nombreux remixes (officiels cautionnés par Los del Rio ou non) et il y a diverses ambiances allant de la version spécial Noël (avec les clochettes et tout et tout…) à une version style Bollywood que j’ai eu l’occasion d’entendre il y a quelques années.

La chorégraphie de la Macarena commence face au DJ. Tous les participants sont debout sur plusieurs lignes, pieds parallèles en léger écart et bras le long du corps. Le premier mouvement se fait sur le temps 1 de la musique.
 
L’enchaînement d’origine de Mia Frye et présenté dans le clip de Los del Rio dure 16 temps (2 x 8) et chaque position issue d’un mouvement simple dure 2 temps. Je vous le décris :

  1. Tendre le bras droit en avant avec une petite vague (un peu comme lorsqu’on nage le crawl), la paume de la main vers le sol
  2. Tendre le bras gauche en avant avec une petite vague de la même manière
  3. Mettre la main droite derrière sa tête (paume vers l’oreille)
  4. Mettre la main gauche derrière sa tête (paume vers l’oreille)
  5. Poser la main droite dans le bas du dos (à droite)
  6. Poser la main gauche dans le bas du dos (à gauche)
  7. Faire onduler le bassin sur 3 temps
  8. Sauter sur place d’un quart de tour à droite (on entend « haaha » dans la musique)

En même temps que l’on fait l’ensemble de ces mouvements, les danseurs effectuent un petit déhanché de droite à gauche. Lorsqu’on est arrivé à la dernière étape, on recommence au début.

J’entends déjà certains d’entre vous qui s’exclament : « Mais je ne fais pas comme ça, moi ! ». Et il est vrai que l’enchaînement que l’on voit pratiquer depuis des années diffère. Celui-ci dure aussi 16 temps (2 x 8), mais chaque position issue d’un mouvement dure un seul temps, rendant la chorégraphie plus dynamique. Voici cet enchaînement :

  1. Tendre le bras droit en avant avec une petite vague (un peu comme lorsqu’on nage le crawl), la paume de la main vers le sol
  2. Tendre le bras gauche en avant et parallèle au bras droit avec une petite vague de la même manière
  3. Retourner la main droite, paume vers le ciel
  4. Retourner la main gauche, paume vers le ciel
  5. Croiser le bras droit de manière que la main droite touche l’épaule gauche
  6. Croiser le bras gauche de manière que la main gauche touche l’épaule droite
  7. Mettre la main droite derrière sa tête (paume vers l’oreille)
  8. Mettre la main gauche derrière sa tête (paume vers l’oreille)
  9. Croiser la main droite devant soi de manière qu’elle touche la hanche gauche
  10. Croiser la main gauche devant soi de manière qu’elle touche la hanche droite
  11. Poser la main droite dans le bas du dos (à droite)
  12. Poser la main gauche dans le bas du dos (à gauche)
  13. Faire onduler le bassin sur 3 temps
  14. Sauter sur place d’un quart de tour à droite

En même temps que l’on fait l’ensemble de ces mouvements, les danseurs effectuent un changement d’appui du pied droit au pied gauche avec un léger déhanché (on piétine sur place à la manière d’un mérengué mais en léger écart). Lorsqu’on a atteint la dernière étape, on recommence au début. Pour une description plus illustrée de cet enchaînement, référez-vous à la page correspondante d’UltraDanse.com qui ne devrait pas tarder à la mettre en ligne d’après mes informations.

Mais alors d’où vient donc cet enchaînement ? Fidèle à mon principe de vérification de mes informations, j’ai enquêté pour vous… En réalité, je n’ai pas eu besoin d’aller très loin. Le visionnage du clip de Los Del Mar où l’on trouve une version très proche de celle que je viens de détailler (mains à angle droit sur les premiers mouvements, mouvements des coudes au lieu des ondulations du bassin de la fin, etc.). Il semble que ce soit donc une version légèrement simplifiée de cet enchaînement qui soit resté dans les mémoires et, qui plus est, associé au nom de Mia Frye. Il est amusant de constater que dans le clip de Los del Mar, on peut voir une incrustation vidéo où des vacanciers en maillot de bain dansent la Macarena, mais c’est visiblement la version d’origine (temps dédoublés). Finalement, on ne peut que constater que c’est la chorégraphie du clip de Los del Rio qui subsiste, mais sur la rythmique du clip de Los del Mar… D’ailleurs, il y a une bonne idée dans ce clip concurrent de l’original en le fait de danser la Macarena à deux (la femme devant l’homme comme dans l’image arrêtée ci-contre). À ne pas faire avec un/une inconnu(e).

La Macarena est devenue un classique de la danse à tel point que les personnes ne sachant pas spécialement danser parlent souvent de « chorégraphie du type Macarena » pour faire référence à une danse de l’été ou une danse en ligne. D’ailleurs, on peut se demander si la chorégraphie de la Macarena n’aurait pas influencé la tecktonik (ou electro dance) dont certains mouvements ressemblent étrangement (le « peigne en arrière » par exemple). Qui aurait dit qu’il y avait tant de choses à dire sur une « simple danse de l’été » ? Pour finir, je vous laisse méditer sur cette publicité pour une bière qui a trouvé une autre origine aux mouvements de la Macarena.

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L’habit du moine et du danseur

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Les beaux jours reviennent et chacun remplace petit à petit les gros pullovers à col roulé par une garde-robe plus courte et estivale. Sur les pistes de danse, cela ne se remarque pas toujours, car il y fait souvent chaud quand on bouge sans arrêt (petit appel du pied aux propriétaires de salles ou écoles : une clim’ performante ou, à défaut, une bonne ventilation est réellement obligatoire lorsqu’il commence à faire beau). Lorsqu’on regarde la foule bigarrée des danseurs lors d’une soirée dansante, on remarque qu’il y a de tout : de la robe démodée au pantalon chic aux mouvements fluides ou de la chemise du dernier cri au t-shirt trop grand et bariolé.

Qui n’a jamais souri un jour en regardant un gringalet pas très bien fait de sa personne portant des vêtements de sport high-tech et des lunettes de star s’essouffler au bout de 5 petites minutes de course ? Ce n’est pas vraiment le gringalet qui nous prête à sourire ; c’est plutôt le décalage entre ce qu’il semble être et ce qu’il veut paraître qui nous interpelle. On connaît bien l’adage « l’habit ne fait pas le moine » qui nous suggère que ce n’est pas parce qu’on s’habille comme les sportifs de haut niveau qu’on va automatiquement en devenir un. Les apparences sont parfois trompeuses… Mais revenons à la danse et voyons si l’habit ne fait pas le danseur.

D’un premier abord, nous dirons qu’il y a deux principales manières de concevoir l’habillement quand on est danseuse ou danseur qui fréquente les soirées dansantes. La première est une vision sportive : la danse est vue comme une activité physique et, tout comme un sportif, il faut que le vêtement soit fonctionnel avant tout. Ici, on trouve ceux qui utilisent les tissus « respirants », qui disposent d’une petite serviette accrochée à la ceinture ou qui privilégient le t-shirt simple à la chemise. La seconde manière de voir les vêtements quand on danse est d’ordre esthétique. La danse est perçue comme une belle chose où il faut faire honneur à son partenaire ou sa partenaire et paraître soi-même au mieux de sa forme. Là, on parle de maquillage waterproof, de chemise à la mode ou de robes avenantes. Ces deux visions de la chose sont aux antipodes l’une de l’autre et il faut trouver le juste milieu. En réalité, une robe très jolie, mais nécessitant en permanence un réajustement pour qu’elle ne laisse pas trop voir un décolleté n’est pas idéale et, dans le même registre, un chapeau n’est pas un accessoire très commode pour danser. De même, la serviette éponge pendouillant d’une poche n’est pas toujours très commode quand on souhaite avoir toute liberté de mouvement. Je prends volontairement quelques cas très marqués pour bien faire comprendre la chose. Les danseuses et danseurs expérimentés essayent donc en général de trouver le juste milieu entre élégance et fonctionnalité des vêtements.

Ainsi, peut-on s’interroger sur le fait qu’une danseuse de tango argentin danse mieux en talons très hauts, qu’une danseuse de salsa danse mieux avec un pantalon fluide ou une robe faisant des vagues au moindre mouvement, ou enfin qu’un danseur de lindy hop danse mieux avec un pantalon extralarge coupé style années 30 ? N’est-ce pas uniquement lié à l’apparence ? La réponse n’est pas si claire que cela. En effet, la danseuse de tango argentin est susceptible de souvent pivoter sur l’avant de ses pieds, de s’appuyer en avant sur son danseur, etc. et une position où l’appui est naturellement porté sur les demi-pointes lui facilite le travail. Côté esthétique, il est clair que les talons affinent les jambes et rendent la danse plus jolie. Dans le second exemple, la danseuse de salsa peut se sentir davantage « danseuse latino » avec des vêtements qu’elle va sentir bouger sur ses jambes. Pour danser la salsa, la tenue estivale est de rigueur et l’on se sent davantage l’envie de se déhancher et de tourner si les vêtements que l’on porte font penser aux Caraïbes. Enfin, le danseur de lindy hop sera incommodé s’il danse dans un pantalon moulant du fait de sa position aux jambes légèrement fléchies. Celui-ci sera donc bien mieux dans un pantalon large qui, de surcroît, masque sa position fléchie et améliore sa silhouette et l’allure de sa danse (mais on n’est pas obligé de porter la veste comme dans la photo ci-contre…). L’effet de ces vêtements bien choisis est par conséquent à la fois pratique, esthétique et psychologique.

Dans ces quelques exemples, il semble donc bien que l’habit fasse une partie du danseur ou, pour être plus exact, l’habit favorise une danse dans un certain style. Il est difficile d’imaginer des compétitions de danse sportive où les danseuses de latine auraient de grandes robes à plumes pour danser le cha-cha ou la samba et les danseuses de standard auraient de petites robes échancrées pour danser la valse ou le slowfox. Il est par ailleurs clair qu’un très mauvais danseur restera un très mauvais danseur (tant qu’il n’aura pas progressé, évidemment), peu importe son vêtement, tout comme un excellent danseur restera excellent même dans des vêtements peu seyants. L’endroit où se fait la différence se situe donc au niveau intermédiaire (c’est ce qu’on pourrait appeler le « danseur moyen », et il y en a beaucoup !) où les vêtements peuvent contribuer à la danse, à l’état d’esprit du danseur, voire même à détourner l’attention du public qui verra donc davantage l’aspect général que les pas de danse. Il restera toujours à ceux qui ne savent pas bien danser, et qui veulent garder tout le bénéfice d’une belle allure vestimentaire dans une salle de danse, l’option de rester sur le bord de la piste et de paraître occupé à autre chose. Mais on finira tôt ou tard par se poser des questions et se rendre compte de la supercherie…

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Lindy hop : Savoy, Hollywood, Smooth

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Les mots qui composent ce titre peuvent être inconnus à certaines personnes dansant en couple pourtant depuis des années. C’est probablement parce qu’on ne leur a jamais proposé de danser sur du jazz ou du swing de l’âge d’or des big bands. Sur ce type de musique, il est possible de danser le rock, le quickstep, le foxtrot ou le slow-fox. Cependant, quand il s’agit de l’orchestre de Count Basie ou de celui de Duke Ellington, le lindy hop est le must. Développée dans les années 20, 30 et 40 à partir de Harlem (le quartier de New York), cette danse est toujours pratiquée dans le monde entier, particulièrement depuis le renouveau du swing des années 1980. Il a fallu une bonne trentaine d’années au lindy hop pour se remettre de la déferlante du rock’n’roll après la Seconde Guerre mondiale.

Si l’on danse le lindy hop un peu partout (et de plus en plus), ce n’est pas pour autant que tout le monde danse de la même manière. C’est un peu comme pour le rock. On ne le danse pas tout à fait de la même façon dans toute la France, sans parler des variantes à 6 temps et à 4 temps. Bref, la différence par rapport au rock, c’est qu’on entend ça et là qu’il y aurait une rivalité entre le lindy « Savoy style », le lindy « Hollywood style » ou le lindy « Smooth style ». Certaines personnes considèrent les deux dernières appellations comme synonymes, alors que d’autres considèrent que ces styles sont différents même s’ils sont tous les deux issus de la côte Ouest des États-Unis). Essayons de voir ce qu’il en est.

Comme je l’ai dit, le lindy hop est né au Savoy Ballroom de Harlem à la fin des années 20. En réalité, il n’est pas apparu un beau jour comme ça. Il a été développé progressivement à partir du breakaway, du collegiate, du charleston et d’autres influences (dont des acrobates, des comiques et autres spectacles de vaudeville). Les principaux contributeurs à l’évolution de cette danse sont issus des habitués du Savoy qui fait office de plaque tournante, mais d’autres salles de danse de Harlem ont également été impliquées comme le Renaissance Ballroom ou le Cotton Club. C’est à cette époque où, chacun cherchant à épater les autres, les danseuses et danseurs faisaient preuve d’une inventivité telle que la danse pratiquée sur le swing a évolué vers ce que l’on a appelé le lindy hop, mais on peut dire qu’à l’époque, avant qu’une grande tendance ne se dégage, tout le monde avait un peu sa manière de danser le lindy hop. C’est à cette époque que des grands noms de l’histoire du lindy hop ont vécu : Shorty George, Frankie Manning, Norma Miller, Al Minns, Leon James et la troupe des Whitey’s Lindy Hoppers d’une manière générale (elle aussi basée au Savoy dans les années 30). Frankie Manning a énormément contribué à la danse et, avec la troupe que je viens de citer, il a diffusé en soirée, en spectacle ou au cinéma une certaine manière de danser de lindy hop qui est restée sous l’appellation de « Savoy style » (le style du Savoy Ballroom).

Dans cette période riche en nouveautés des années 30 et 40, un certain nombre de personnes sont passées par le Savoy et y ont découvert le lindy hop. En particulier on remarquera un certain Dean Collins qui emmena avec lui les bases du lindy hop du Savoy vers la Californie en 1936 et en particulier Los Angeles dont un quartier, Hollywood, connu pour ses studios de cinéma. Bien sûr, Dean Collins a intégré les bases du lindy et sa pratique les a transformées vers un style qui lui est propre, éliminant par exemple les bounces du style d’origine. On parle souvent du film « Hellzapoppin' » pour la scène de lindy hop dynamique et pleine d’acrobaties effectuée par la troupe des Whitey’s Lindy Hoppers. Mais ce que l’on sait moins (probablement parce que peu d’amateurs de danse ont réellement vu le film en entier…), c’est que Dean Collins danse aussi dans une autre scène de ce film, celle de « Watch the Birdie » au bord de la piscine. On peut voir Dean Collins dans presque 40 films tournés dans les années 40 avec diverses partenaires, mais essentiellement avec Jewel McGowan dont je trouve le style très élégant.

Si l’on devait définir les styles de lindy hop, on pourrait dire ceci. Le lindy hop « Savoy » est très circulaire, la connexion entre les partenaires varie au sein d’une figure afin de laisser une grande liberté à la danseuse, la pulsation rythmique (« bounces ») est très présente, et un certain nombre de figures caractéristiques sont souvent dansées (hand-to-hand charleston, mini dip,… ainsi que de nombreux pas de jazz spécifiques comme le Shorty George, Suzie Q, etc.). Le style Savoy dispose d’une manière de danser « sociale » pour les soirées et les tempos lents à mediums ainsi que d’une manière « spectacle » avec de nombreux kicks pour les démonstrations et les tempos rapides. Enfin, la position « horizontale » des danseurs est orientée vers le/la partenaire, chacun portant son propre poids sans interférer avec l’autre à l’arrêt. Le style « Savoy » conserve donc de nombreux liens avec la culture afro-américaine. Le lindy hop « Hollywood » (ou « Smooth ») se danse plutôt sur une ligne (même si ce n’était pas le cas aux origines de ce style), la connexion est très présente (effet de contrepoids dans le couple) et permet des figures très précises ; de plus, l’ensemble de la danse semble fluide dans tous les axes de l’espace et le triple step n’est pas systématique. Enfin, la position « horizontale » des danseurs est plutôt vers l’arrière, créant une tension entre les partenaires et donc une connexion plus forte. Le style « Hollywood » ou « smooth » s’est éloigné des racines afro-américaines et a donné naissance à encore d’autres variantes à base de lindy hop (où j’avoue parfois ne pas retrouver les bases). Il est à noter que l’on crédite aussi Dean Collins comme étant à l’origine du West-Coast swing qui partage un certain nombre de points communs avec le style « Hollywood ». Notez, par exemple, que le lindy turn s’appelle le whip en West-Coast swing.

Ainsi lorsque la danse swing a commencé à revenir dans les soirées dansantes à partir des années 80, on a naturellement cherché ceux qui étaient là lorsque la danse est née. C’est comme cela que l’on a redécouvert cette danse à New York (mais aussi en Californie) par le biais d’Al Minns, Frankie Manning ou Norma Miller qui ne sont devenus professeurs de danse qu’à cette époque récente. C’est à partir de ce style « Savoy » que le lindy hop s’est donc diffusé de nouveau dans le monde dans les années 80 et 90. Suite à ce renouveau, certains danseurs ont souhaité redonner vie au style originel de Dean Collins dans les années 90. Et c’est là où la dénomination de « Hollywood » est née, pour faire référence à ce style dansé dans les films d’Hollywood. Il faut noter que Dean Collins enseignait la danse en Californie. Ce style a été adopté par les amateurs de swing en recherche de nouveauté et deux « tribus » ont vu le jour en France : les Savoy et les Hollywood (on se croirait dans Koh Lanta…). En général, là où dans une grande ville il y avait des cours de Savoy, on trouvait aussi des cours de Hollywood chez le concurrent. C’est d’ailleurs toujours un peu le cas, un peu comme on a la salsa cubaine opposée à la salsa portoricaine (mais c’est une autre histoire). Cela dit, les danseurs de swing se mélangent au sein des mêmes soirées, car la musique swing reste la base du lindy hop qu’il soit Savoy, Hollywood, Smooth ou que sais-je encore. Ainsi, des figures passent d’un style à l’autre et inversement là où la technique de base ne fait pas obstacle. Car un danseur de Savoy peut avoir du mal à danser avec une danseuse d’Hollywood. En effet, cette dernière attend une connexion forte que le premier n’a pas l’habitude de donner. Apprendre les deux styles peut résoudre l’affaire, mais peut-être est-ce au détriment d’un style visuel marqué ? À chacun de voir. En tout cas, tout cela c’est du lindy hop et cette danse très riche n’a pas fini d’évoluer. À une époque, les danseurs américains de style Savoy venant en France parlaient de « that French lindy hop », ce qui montre bien que les Français ont, eux aussi, apporté leur pierre à l’édifice et ont fait évoluer le lindy hop des origines dans une nouvelle direction.

Avant de clore cet article, j’ai une pensée pour Frankie Manning, décédé il y a presque un an. Il y a un an, j’achevais aussi la traduction et l’édition française de l’autobiographie de ce personnage du lindy hop (« Frankie Manning, l’ambassadeur du lindy hop » ). Coïncidence malheureuse. Frankie n’aura pas eu l’occasion de tenir entre ses mains cette édition française à laquelle il a contribué en personne en écrivant une introduction spéciale pour les Français et en me donnant gentiment des photographies personnelles qui n’ont pas été publiées dans l’édition originale américaine. En revanche, sa co-auteur Cynthia Millman l’a vu et m’en a dit le plus grand bien. En tout cas, je suis heureux que ce livre puisse permettre aux francophones de connaître les origines du lindy hop racontées par l’un de ses créateurs ainsi que le message de paix et de tolérance que Frankie Manning ne cessait de diffuser de son vivant. Ce livre a été primé par la communauté des amateurs de musique jazz en recevant le prix du livre jazz 2009 du « Hot Club de France » et je ne cesse de recevoir des retours positifs sur cet ouvrage depuis qu’il est disponible. Cela m’encourage aussi à poursuivre un travail sur un livre présentant les figures de base du lindy hop d’un point de vue technique et qui sera disponible à la vente cet été.

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Claquettes ou tap dance

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Dans le domaine des danses en couple, il est une discipline qui est souvent associée aux traditionnels foxtrot, lindy hop ou autres danses pratiquées sur du jazz. Je fais référence ici à ce que beaucoup appellent « les claquettes » et que d’autres préfèrent voir appeler « la danse à claquettes », traduction directe de son nom en anglais « tap dance ». Car « faire des claquettes », ce n’est pas simplement faire de petits sons avec ses pieds, c’est plutôt mêler danse et percussions. C’est ce que je vous propose de découvrir aujourd’hui…

La danse à claquettes est issue de plusieurs pratiques allant du « clogging » anglais (sorte de gigue dansée en sabots à l’origine) aux danses et rythmes africains en passant par la danse traditionnelle irlandaise. Que ce soit du côté des origines européennes ou de celui des origines africaines, on retrouve un point commun dans le fait que les gens accompagnaient leur travail du son de leurs pieds frappés au sol. Bien sûr, entre ces cultures, les rythmes sont différents et les traditions aussi. C’est cela qui a initié la diversité des pas que nous connaissons aujourd’hui. La rencontre s’est opérée à la fin du XIXe siècle et au début des années 1900 aux États-Unis avec, d’un côté, les ouvriers émigrants venant d’Angleterre et d’Irlande et, de l’autre côté, les esclaves africains.

Les mouvements qui scandaient le travail passèrent de la vie à la scène par le biais des « Minstrel Shows » dont j’ai parlé dans un autre article de ce blog. Les Blancs grimés en Noirs faisaient le spectacle en imitant ces derniers. Jusque dans les années 1920, les frappes sont faites grâce à des semelles en bois en deux parties (sur des chaussures de cuir), mais devant l’usure rapide de celles-ci, on les remplaça définitivement par des plaques de métal, les fers (ou taps en anglais), qui pour autant sont de nos jours en aluminium. Pour l’anecdote, notez que les moins fortunés fixaient des capsules de bouteille sous leurs chaussures à la place de vrais fers. Les spectacles de danse à claquettes devinrent de plus en plus techniques et étonnants grâce au Vaudeville et à la concurrence entre les diverses salles de spectacle aux USA. Le mélange des styles de numéros (comiques, acrobaties, danseurs de caractère, etc.) contribua à l’enrichissement des numéros de danse à claquettes par l’importation de nouveaux mouvements de plus en plus spectaculaires et innovants. À cette époque, il était courant de se faire chorégraphier un numéro de claquettes par un professionnel et de l’apprendre en cours particuliers avant de le produire en spectacle. De cette période, on connaît de nombreux artistes comme Bill Robinson, Honi Coles, John Bubbles, les Nicholas Brothers, etc.

La danse à claquettes devint de plus en plus populaire avec les comédies musicales hollywoodiennes à partir des années 30 où des vedettes comme Fred Astaire, Ginger Rogers, Gene Kelly, Ann Miller, Eleanor Powell ou Shirley Temple firent de cette discipline une part essentielle du rêve américain. Ils y ajoutèrent des pas de danse classique et la musique jazz était omniprésente dans leurs numéros qui comportaient aussi du chant. De nombreux films cultes de cet âge d’or sont connus de tous comme « Top hat » (1935)Acheter sur Amazon, « Broadway Melody of 1940 »Acheter sur Amazon, « Chantons sous la pluie » (1952)Acheter sur Amazon, etc.

Comme d’autres manières de danser de l’époque swing, la danse à claquettes passa de mode avec la déferlante du rock’n’roll après la Seconde Guerre mondiale. Mais le renouveau est là de nos jours grâce au retour de l’attrait du public pour les danses traditionnelles et folkloriques (comme les danses irlandaises) ainsi que pour le jazz et le swing. Je dirais, pour simplifier, qu’on parle aujourd’hui de deux principales catégories dans la pratique de la danse à claquettes :

  • les claquettes irlandaises où l’essentiel de l’attention du danseur est portée sur les frappes et que l’on retrouve dans des spectacles comme « Lord of the Dance »Acheter sur Amazon ;
  • les claquettes américaines (au début correspondant au style Broadway et comédies musicales où les postures et déplacements de tout le corps sont importants) qui, de nos jours, correspondent à tout ce qui n’est pas inclus dans les claquettes irlandaises.

Il est intéressant de noter des pratiques spécifiques de la danse à claquettes comme le soft shoe, pratique légère, classe et dansée en chaussures sans fers (le sol est alors parsemé de sable pour qu’il y ait tout de même du bruit…) ou encore le hoofing aux frappes très intenses et complexes. Aux danseurs à claquettes, il est aussi possible d’associer, pour être complet, les percussionnistes qui font feu de tout bois… ou plutôt bruit de tout support comme les artistes du spectacle « Stomp »Acheter sur Amazon puisqu’ils incorporent des claquettes dans leurs numéros. Plus récemment, des artistes comme Gregory Hines ou Savion Glover (photo ci-contre) ont continué ou continuent de faire rêver le public américain (et les autres !) par leur dextérité et de faire évoluer la discipline. Ce dernier fait en particulier partie de ceux qui mêlent les rythmiques hip-hop à la pratique de la danse à claquettes. On voit aussi des innovations en terme de spectacle avec les « Tap Dogs », ces Australiens qui sont loin du sage costume et du chapeau melon de Bill « Bojangles » Robinson dans les années 30… Ce danseur à claquettes a marqué l’histoire à tel point que le « Tap Dance Day » (la journée de la danse à claquettes) est fêté aux États-Unis depuis 1989 le jour de son anniversaire, le 25 mai.

Les claquettes sont liées aux danses en couple de plusieurs manières. Tout d’abord, nous avons tous en tête l’image de Fred Astaire dansant avec ses partenaires (voir un autre de mes billets sur le sujet dans ce blog) à Hollywood où, entre deux refrains et trois pas de foxtrot, les danseurs s’adonnent à des rythmiques qui semblent sortir naturellement de leurs semelles. On a même pu assister à des claquettes sur patins à roulettes dans « Shall we dance »Acheter sur Amazon (« L’Entreprenant Monsieur Petrov » en version française et non le film avec Richard Gere que je vous présente dans un autre article). Donc voilà, la danse à claquettes est particulièrement esthétique en couple, il est simplement dommage que cette manière de les pratiquer ait un peu été oubliée de nos jours. Mais il est à noter que la danse à claquettes continue de se développer non seulement sous l’impulsion d’Américains, mais aussi d’Européens dont certains ont acquis une réputation excellente. Second argument, plus technique, le développement des qualités de danseur à claquettes permet d’améliorer son équilibre, son aisance et ses jeux de jambes dans les danses à deux comme le rock, le lindy hop,… et même la valse. Je l’ai moi-même vérifié dans ma manière de danser les danses à deux au fil de mon apprentissage de la danse à claquettes et je recommande à tout le monde de faire au moins une année (voire deux) de claquettes pour cela. Et (qui sait ?) peut-être ne pourrez-vous plus vous en passer, tout comme le petit manchot empereur du film d’animation « Happy Feet » (2005)Acheter sur Amazon qui ne peut s’empêcher de faire naturellement des claquettes depuis sa naissance…

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Around The World

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« Around the world » est le nom d’une figure bien connue des danseurs de rumba, salsa et de lindy hop. En rumba, la danseuse fait le tour du danseur alors que celui-ci reste sur place. En salsa, ce nom fait référence à différentes figures où la danseuse tourne autour du danseur et tourne aussi sur elle-même. En lindy hop, on a affaire soit à une figure où le danseur et la danseuse tournent en même temps sur eux-mêmes soit à une acrobatie qui correspond à la « ceinture » de rock acrobatique. Bref, en danse en couple, dans le tour du monde (« around the world »), le danseur est au centre du monde et c’est généralement la danseuse qui en fait le tour… Mais le « Around the world » dont je voulais vous parler ici est tout autre puisqu’il s’agit de la chanson du groupe Daft Punk.

Après avoir revu récemment le clip des Daft Punk, j’ai eu envie de le faire partager à ceux qui ne le connaissaient pas. Certains auront davantage vu le « punk » dans le nom de ce groupe français de musique électronique, d’autres auront trouvé un peu étrange le fait qu’on ne voie jamais le visage de ses membres, masqué derrière des casques ou des costumes. Mais il ne faut pas s’arrêter là, il faut écouter leur musique et regarder leurs clips qui sont toujours très imaginatifs. « Around the world » n’est pas un titre récent (il date de 1997), mais je ne me lasse jamais de revoir le clip associé avec sa chorégraphie. J’intègre ci-dessous la vidéo du site Dailymotion, sous copyright EMI Music.

Le principe est amusant : chaque danseur ou groupe de danseurs représente un instrument et chaque mouvement qu’ils effectuent représente une note ou un bruit. On commence par la basse (les sportifs) dont les notes descendent la gamme à répétition. Puis les percussions sont introduites (momies allongées au milieu de la scène) et arrive le synthé (plus aigu, représenté par les nageuses) dont le motif se dévoile progressivement. Le piqué de synthé/guitare (les squelettes) débute plus loin suivi pas le vocoder (cosmonautes) qui scande « Around the World » en boucle. Finalement, tout ce beau monde se retrouve à l’unisson une fois que la mise en scène est faite avec les cosmonautes qui tournent « autour du monde » constitué des différents instruments. Ensuite chaque instrument aura droit à son petit solo via un motif musical plus évolué (et la danse qui va avec, évidemment). Enfin, la lumière baisse à mesure que le volume sonore décroît.

Je trouve que l’idée de ce clip est géniale. De plus, elle se révèle un support adéquat pour s’exercer à écouter toutes les composantes d’un morceau de musique sans exception. Ici, le visuel et le gestuel recoupent ce que l’on entend. N’est-ce pas une partie de ce que l’on fait lorsque l’on danse et particulièrement lorsqu’on fait une chorégraphie ? Le chorégraphe essaye de suivre la musique dans certains cas (un peu comme dans ce clip) ou essaye de s’y intégrer dans d’autres cas. Le fait est que, lorsqu’on danse en improvisant dans une soirée, chacun d’entre nous va être plus ou moins sensible à telle ou telle composante de la musique. Certains suivront la batterie, d’autres la basse, d’autres la mélodie, etc. Pour progresser, il ne suffit pas de savoir tout le temps entendre la même composante pour danser dessus ; il faut aussi savoir basculer sur les autres qu’on a moins l’habitude de suivre. Je ne sais pas si je suis très clair ici… J’essaye de m’expliquer un peu plus. Supposons qu’un danseur (disons de rock pour se fixer les idées) ait tendance à suivre la batterie : ses pas auront tendance à être plutôt réguliers avec quelques breaks interprétés basiquement par des immobilisations. À présent, supposons que, de temps en temps, ce même danseur soit en mesure d’entendre la mélodie chantée qui fait, par exemple, des petites notes durant le break : il aura alors tendance à casser le rythme impulsé par la batterie et à faire des petits pas plus recherchés pour suivre les notes de la mélodie chantée. J’oubliais de préciser : danser ce n’est pas simplement une succession de figures, il faut aussi écouter la musique pour s’en inspirer. Sinon, autant danser au son d’un métronome…

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Petite histoire du cakewalk

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Les débuts du jazz ont été marqués par diverses influences entre les instruments de musique européens et les chants issus du continent africain. Il faut considérer que l’on trouve les origines du jazz dans la culture africaine des esclaves qui étaient « importés » par bateaux entiers sur le continent américain. On confiait aux esclaves noirs africains les tâches les plus difficiles et ces derniers se donnaient du courage en chantant des hymnes de leur patrie d’origine de l’autre côté de l’Océan Atlantique. De leur côté, leurs maîtres blancs avaient aussi des origines transocéaniques puisque leurs ancêtres provenaient pour la plupart de la vieille Europe. La culture des Blancs tournait donc autour de la musique classique et des rythmes des traditions européennes où l’on dansait volontiers la polka, la valse, la scottish, le quadrille ou encore le cotillon.

Les esclaves noirs sont petit à petit entrés dans les maisons des maîtres blancs puisqu’il fallait bien faire les diverses tâches ménagères comme le ménage, la cuisine, le service, etc. Ainsi les Afro-américains ont-ils pu regarder avec curiosité et amusement les loisirs de leurs patrons. En particulier, lorsqu’au son d’un piano, les jeunes gens dansaient à l’européenne, les serviteurs trouvaient cela bien curieux. Lorsque les maîtres avaient tourné le dos, certains des serviteurs se mettaient à les imiter pour s’amuser. Or, ils n’avaient pas cette culture européenne de leurs maîtres et faisaient des gestes peu élégants, sans compter qu’ils exagéraient souvent les mouvements pour faire éclater de rire leurs collègues.

Un jour, des maîtres surprirent leurs serviteurs en pleine séance d’une danse comique qui ressemblait un peu à leurs propres danses. Ils trouvèrent cela très amusant (ne saisissant probablement pas qu’ils étaient volontairement caricaturés) et ils demandèrent aux danseurs de recommencer. Ces derniers se firent prier pour retrouver le naturel qu’ils avaient lorsque les maîtres étaient absents. Afin de les motiver, on leur mit en avant le fait que s’ils se donnaient à fond dans la danse, on leur donnerait une part de gâteau. Ce type de gâteau étant réservé aux Blancs, les Noirs n’hésitèrent plus et firent cette danse à leur manière pour obtenir la récompense. Comme leur danse ressemblait plus à une marche stylisée qu’à une vraie danse, on appela cela le cakewalk ou, en français, la marche du gâteau. Voici l’un des rares films d’époque où l’on peut voir danser le cakewalk (ici d’une manière burlesque).

Le cakewalk est une danse qui se fait généralement sur du ragtime ou des morceaux de piano stride. Pour vous donner une idée, c’est un peu le genre de morceau de piano que l’on mettait pour sonoriser les films muets des débuts du cinéma. D’ailleurs à cette époque, le pianiste était dans la salle de cinéma et jouait l’accompagnement en direct tandis que le film défilait. Mais je digresse… Le cakewalk n’a pas (ou peu) été dansé par les Américains blancs et, au début du XXe siècle, il a initié les premières danses sur des musiques qui ont évolué pour donner le jazz. Dans les années 1920, alors que le lindy hop n’existait pas encore, des pas de cakewalk étaient insérés dans des danses comme le breakaway (comme sortie de piste de danse par exemple). Dans le court métrage « After Seben », on voit Shorty George (oui, oui, le Shorty George qui a inventé la figure jazz du même nom) qui sort de scène de cette manière (image arrêtée ci-contre). Le cakewalk fait donc partie des lointains ancêtres qui ont évolué ou influencé la danse des Afro-Américains pour donner le lindy hop que nous dansons encore aujourd’hui sur la musique swing. Mais de nos jours, il n’y a plus besoin de motiver les danseurs par une part de gâteau (en dehors de certains pique-assiettes spécialistes des soirées dansantes à buffet gratuit !) et les Noirs dansent aussi très bien avec les Blancs qui, à présent, essayent d’imiter leurs mouvements de danse avec plus ou moins de bonheur en lindy hop, salsa, ragga, danse africaine, etc. Ci-dessous un exemple qui ne me semble pas si mauvais que cela dans le domaine de la danse africaine.

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Le carnet de bal

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Il y a quelques jours, j’ai vu un film de 1937, « Un carnet de bal », réalisé par Julien Duvivier avec, entre autres, Marie Bell, Fernandel, Raimu et Louis Jouvet. Il raconte l’histoire d’une veuve qui, à la mort de son mari, décide de retrouver tous les jeunes hommes listés dans son carnet de bal ayant servi à ses 16 ans, lors de son premier bal. En dehors de cela et d’une petite scène dudit bal, pas plus de rapport avec la danse dans ce film. Cela dit, il pose le problème philosophique du « que serais-je devenu si j’avais fait un autre choix ? » et des conséquences de nos décisions sur la vie des autres. Question que l’on se pose sûrement lorsqu’on vient de s’étaler par terre après s’être emmêlé les pinceaux sur la piste de danse en entraînant avec soi son (ou sa) partenaire…

Mais revenons à ce fameux carnet de bal qui donne son titre au film (et dont je vous présente une image ci-dessus). Le carnet de bal commence sa carrière au début du XIXe siècle en tant qu’un discret éventail de minces feuilles d’ivoire où les jeunes filles écrivaient le nom des hommes (jeunes ou non) à qui elles accordaient une danse. Il s’agissait donc d’un aide-mémoire afin de ne pas froisser untel ou untel en oubliant pour quelle danse celui-ci devait être son cavalier. À cet éventail se trouvait généralement relié, par une cordelette, un porte-mine permettant d’ajouter de nouveaux noms. Comme ce support était réutilisable, les noms étaient ainsi effacés au lendemain du bal afin que l’objet puisse de nouveau être prêt à l’emploi pour l’événement suivant. Dans certains cas, le carnet pouvait être associé à un autre accessoire de bal comme un petit flacon à sels (au cas où sa propriétaire se sente défaillir…).

Ainsi, la danseuse danse-t-elle en permanence avec son carnet de bal sur elle. Certains modèles comportaient une chaînette munie d’un anneau que les dames passaient au doigt afin de ne pas perdre leur précieux aide-mémoire. Il existait aussi des carnets de bal à usage unique sous la forme d’une ou deux feuille(s) de carton gaufré où était inscrite à l’avance la liste des danses composant le programme de la soirée. En face de chaque danse, se trouvait réservé l’espace nécessaire pour inscrire le nom des cavaliers ayant réservé telle ou telle danse (valse, polka, galop, etc.). Vous pouvez en avoir un aperçu ci-dessus avec le porte-mine associé.

En évoluant, le carnet de bal s’adapte à divers usages et se perfectionne. De la simple feuille, on passe au petit carnet (le fameux « carnet de bal ») ayant donné son nom au film de Duvivier que j’ai mentionné au début de ce billet. Le programme n’est pas forcément imprimé sur les pages, mais on y trouve un ensemble de lignes précédées soit d’un numéro correspondant au numéro d’ordre de la danse dans le programme de la soirée, soit de la mention « 1re danse », « 2e danse », etc. Ainsi, le carnet de bal pouvait-il s’appliquer à n’importe quel programme de danses puisque rien n’était imposé en la matière. Ces carnets étaient protégés par une couverture cartonnée qui comportait en option un anneau permettant de recevoir un crayon à papier.

Voici qui vous donne un tour d’horizon de ce qu’était ce carnet de bal qu’on ne voit plus de nos jours dans les soirées dansantes. Pourtant, un tel accessoire pourrait se révéler bien utile, mais pas tout à fait comme on l’entendait au début du XXe siècle. En effet, de nos jours, il pourrait être utilisé par les hommes à la place des femmes. Je m’explique. Les hommes étant souvent moins représentés en soirée dansante par rapport aux femmes, les rôles sont de plus en plus souvent inversés. Ce sont les danseuses qui sollicitent les danseurs afin d’obtenir une danse (parfois deux si elles ont de la chance). Ainsi, si les hommes participant à une soirée disposaient d’un petit carnet de bal pour être sûrs d’accorder des danses aux plus de danseuses possible, cela simplifierait leur tâche. J’avoue avoir parfois promis une danse à une personne en début de soirée et ne pas avoir l’occasion de danser avec elle avant la fin. Lorsque nous nous croisions, soit je dansais déjà avec quelqu’un, soit elle se faisait inviter par un autre, soit c’était à la sortie de la salle et il me fallait alors faire la promesse d’une danse lors de la soirée suivante. Avec un petit carnet de bal, cette personne nous aurions convenu dès le début à quel moment de la soirée nous aurions pu nous retrouver pour la danse promise ! Certaines pratiques dites désuètes pourraient donc se révéler bien pratiques de nos jours…

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J’ai la tête qui tourne quand je danse la valse !

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Beaucoup de personnes qui commencent l’apprentissage de la valse (viennoise ou musette, peu importe) font face au problème de la tête qui tourne après deux tours du couple à un rythme soutenu. Je me propose donc de vous parler de ces rotations qui parsèment la danse et qui sont omniprésentes dans les figures de patinage artistique que l’on voit aux Jeux olympiques d’hiver en ce moment.

Lorsqu’on tourne sur soi-même, les yeux doivent en permanence se réadapter et faire la mise au point sur ce qu’ils ont en face d’eux. Le cerveau n’arrivant plus à se fier aux informations transmises par les yeux, il essaye de se baser sur celles provenant de notre oreille interne qui contrôle l’équilibre. Or, comme on est en permanence en mouvement, là non plus point de salut et on a cette sensation de vertige. Ce phénomène de la tête qui tourne, est appelé « vertige positionnel paroxystique bénin » par les médecins et est en réalité une sensation de déplacement erronée des objets par rapport à soi.

La solution à ce problème physiologique peut être de deux ordres. Premièrement, il faut savoir que l’entraînement améliore beaucoup les choses. Plus on tourne, plus on en acquiert l’habitude et notre cerveau s’adapte de plus en plus. Cela explique pourquoi les valseurs de longue date n’ont plus ce problème de la tête qui tourne même sur une valse musette à 70 MPM. Ainsi, les débutants doivent-il tourner et tourner encore afin de gagner en aisance. Mais ce n’est pas tout. Deuxièmement, il est possible de faire tourner la tête d’une certaine manière afin de donner aux yeux le temps de faire la mise au point et d’envoyer une information fiable au cerveau. Je vais détailler cette méthode ci-après. Enfin, je pourrais citer une autre méthode : fermer les yeux. Mais cela n’aide pas beaucoup pour danser en soirée…

La fameuse méthode pour tourner sans avoir le vertige est bien connue des danseuses de classique ou de modern jazz. Elle consiste à fixer un point devant soi (1) le plus longtemps possible. Ainsi, la tête reste fixe (2) alors que le corps commence à tourner. Lorsqu’il n’est plus possible à la tête de rester dans cette position, cette dernière effectue très rapidement quasiment un tour complet (3) afin de fixer de nouveau le point de référence. À ce moment, la tête est en avance par rapport au corps qui continue de tourner à vitesse constante et la rejoint dans la position finale (4). Ceci permet au cerveau de recevoir les bonnes informations et en plus c’est joli à regarder. Le schémas correspondants pour mieux fixer ce que je raconte sont juste ci-dessus.

Et rien ne vaut un bon exemple en vidéo avec cette compilation de fouettés réalisés sur scène par la danseuse de ballet Natalia Osipova entre 2005 et 2012. On voit bien dès le premier extrait le mouvement rapide de la tête qui diffère du mouvement continu du reste du corps entre chaque fouetté.

On se souvient d’ailleurs très bien de la scène des fouettés dans le film « Black Swan »Acheter sur Amazon où le point de vue subjectif montre parfaitement ce mécanisme.

Du côté des danses à deux et dans notre cas de la valse en particulier, c’est généralement le danseur qui se plie à cet exercice. Pour ce qui est de la danseuse de valse, dans les bras de son danseur, il lui est possible de simplement fixer un point situé sur l’épaule de son partenaire. Dans ce cas, elle n’aura pas le tournis, mais elle manquera probablement tout un tas de choses intéressantes qui se déroulent dans la salle de danse… Afin de ménager sa danseuse moins expérimentée, le danseur expérimenté prendra soin d’alterner les tours à gauche et les tours à droite afin que cette dernière n’ait pas le vertige. Un dernier truc : si, malgré tous ces conseils, vous avec encore la tête qui tourne après une série de tours à droite, il vous suffit de tourner rapidement sur vous-même dans le sens inverse afin de faire disparaître cette sensation illico presto !

Je profite de l’occasion du thème de cet article pour vous proposer une petite expérience… Ci-contre, vous voyez une danseuse qui tourne sur elle-même. Elle semble flotter dans l’espace et on ne voit que son ombre en 2D. Il va sans dire qu’elle n’applique pas l’astuce dont j’ai parlé plus haut, mais cela n’a rien à voir avec ce qui va suivre. La question est : dans quel sens la voyez-vous tourner ? Certains la voient tourner à droite, d’autres la voient tourner à gauche. Ce type d’illusion d’optique est toujours amusant, car il est censé dévoiler comment notre cerveau travaille.

Dans cette animation, la danseuse ne tourne pas plus particulièrement dans un sens que dans l’autre. Comme c’est une image en 2D, c’est notre cerveau qui recompose le mouvement en 3D. Certains disent que ceux qui voient la danseuse tourner à droite ont une prédominance de l’hémisphère droit (intuitif, aléatoire, irrationnel, synthétique, subjectif, s’intéresse à la totalité) alors que ceux qui la voient tourner à gauche ont une prédominance de l’hémisphère gauche (logique, séquentiel, rationnel, analytique, objectif, s’intéresse aux détails, siège su langage). En tout cas, cette illusion est issue d’une expérience de l’université de Yale lors de recherches sur l’épilepsie et dont les conclusions sont tout de même contestées dans le milieu scientifique. En regardant un peu autour de l’image, puis en ramenant votre regard sur celle-ci, il se peut que vous obligiez votre cerveau à reconstruire sa perception du mouvement. Et il se peut que la danseuse vous semble tourner dans le sens opposé. Personnellement, j’arrive à lui faire changer de sens comme je veux.

Pour vous amuser encore plus avec cette illusion d’optique, voici une vidéo dont l’auteur a marqué les contrastes par des lignes blanches afin que le cerveau identifie à coup sûr le sens de la rotation. On voit donc, sur l’image de droite, la danseuse qui tourne à droite et, sur l’image de gauche, la danseuse qui tourne à gauche. Si vous continuez de regarder cette animation (relancez la vidéo si nécessaire) en plissant les yeux, cela enlève un certain niveau de détail à ce que vous regardez et vous vous apercevrez probablement que les danseuses tournent à présent toutes les deux dans le même sens… Il vous sera alors impossible de les faire tourner séparément dans un sens différent.

Voilà, voilà… Si après tous ces essais de contrôle de votre perception du mouvement, vous avez la tête qui vous tourne, c’est peut être normal. Reposez-vous ou faites quelques pas de danse pour que ça aille mieux !

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Le pas magique universel

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Il arrive souvent qu’une personne souhaitant apprendre à danser se présente dans une école de danse pour des cours particuliers et découvre que l’apprentissage doit être plus long qu’elle ne l’avait envisagé. Évidemment, tout le monde aimerait savoir danser en un clin d’oeil et sans effort. Malheureusement, cela n’est pas possible. Pourtant, il y a des gens qui prétendent qu’on peut tout danser en ne maîtrisant qu’un seul ensemble de pas. Je suis tombé, il y a quelques mois, dans une librairie (je ne me suis pas fait mal , je vous rassure ), sur un livre qui le prétendait en tout cas. Je n’ai plus exactement le titre en tête, mais il me semble que cela ressemblait à « Manuel de l’homme parfait ». Peu importe. En tout cas, ce livre regroupait tout un tas d’astuces et de raccourcis (ouvrir une bouteille de champagne, défaire un soutien-gorge avec une seule main, réussir la manoeuvre de Heimlich, etc.) pour permettre à monsieur Tout-le-Monde de devenir cet homme parfait qui fait tomber les femmes (décidément, tout le monde tombe aujourd’hui… ). Comme la Saint-Valentin vient de passer, je vais vous donner le secret pour ce qui concerne la danse en couple. Ca pourra servir à certains d’entre vous l’année prochaine !

Ce fameux livre décrivait un pas soi-disant universel à la rythmique comme suit : « lent, vent, vite, vite », puis on recommence. Cela m’a fortement rappelé le « Magic Step » (traduction française : le pas magique) d’Arthur Murray. Et je crois que l’auteur du livre y a trouvé son inspiration. Pour mémoire, Arthur Murray (ci-contre avec son épouse) est un célèbre professeur de danse né en 1895 et décédé en 1991. Il a particulièrement été connu par ses cours de danse télévisés et les écoles de danse sous licence disséminées dans tous les États-Unis. Pour la petite histoire, Jane, la fille d’Arthur Murray a épousé le docteur Heimlich qui a donné son nom à la fameuse manoeuvre que l’on enseigne en stages de premiers secours. Il y a tellement à dire sur ce monsieur que je lui consacrerai un article entier ultérieurement.

Mais revenons à nos moutons, ou plutôt à notre fameux « Magic Step », le pas magique. En plus de l’enseigner, Arthur Murray en parle dans son livre « How to become a good dancer » (« Comment devenir un bon danseur »), écrit en 1938 et réédité jusqu’en 1959 (c’est tout du moins l’édition dont je dispose). Il situe ce pas dans le contexte du foxtrot, mais certains d’entre vous auront malgré tout reconnu une rythmique familière à d’autres danses.

Voici comment le présente Arthur Murray (je vous le traduis en français).

Après trente années d’expérience, j’en suis arrivé à une découverte qui a changé notre système d’enseignement du foxtrot dans son ensemble. J’ai trouvé qu’un seul pas facile était la base de 75 pour cent de tous les pas populaires du foxtrot. Une fois qu’une personne maîtrise le rythme de cet unique pas, ce dernier peut être utilisé de 27 différentes façons. Je l’ai donc appelé le Magic Step, le pas magique — ceci parce que son rythme fonctionne comme par magie !

Avant que je ne découvre le rythme du pas magique, toutes les variations du foxtrot devaient être apprises séparément. Toutes les combinaisons avaient des comptes différents qu’un élève devait mémoriser.

Mais à présent, avec le pas magique, on apprend uniquement un motif rythmique de deux comptes « lents » et de deux comptes « vite », ce qui devient très rapidement quasiment automatique. La musique semble vous guider sans que vous ayez à penser « Que dois-je faire ensuite ? ».

Le motif du pas magique en lui-même peut être fait en avant ou en arrière et, comme c’est un précieux raccourci vers le fait de bien danser le foxtrot, je vous conseille de passer un bon moment à l’apprendre et à le pratiquer. Le pas magique à lui seul peut mettre le pied à l’étrier à un débutant de bonne manière et l’amener à une danse de qualité.  

Le schéma de base de déplacement du danseur est représenté dans la figure ci-dessus : en avant, en avant, de côté, assemblé. Il suffit de danser ce pas le long de la ligne de danse et l’on obtient un foxtrot « à la Murray ». Ensuite, il n’y a plus qu’à transformer ce pas pour changer les directions, tourner, etc. À partir de là, Arthur Murray ajoute le « Senior Walk » pour tourner d’un quart de tour à droite, puis un quart de tour à gauche et l’on obtient quasiment le pas de base pratiqué aujourd’hui en quickstep (en forme de « W »). Dans la progression, on trouve aussi le « Junior Walk » (en déboîté), le « Conversation Step » (position promenade) et il introduit même un « Magic Right Turn », le tour à droite magique… En tout cas, si vous voulez en savoir plus, ne cherchez pas ce livre dans le commerce : il n’existe plus depuis longtemps.

Comme je l’ai laissé entendre, on retrouve la rythmique de ce pas (mais avec une autre technique de pas) dans d’autres danses comme le tango, le pas marché du rock ou le collegiate shag, sans compter les variantes du foxtrot. Certains s’en servent aussi pour danser le slow (mais en réalité cela s’apparente plutôt au slow fox). Dès qu’une musique (en 4/4 ou 2/4) n’est pas trop rapide, le « lent, lent, vite, vite » peut être utilisé (ou peut-être « lent, vite, vite, lent » résonne-t-il mieux à vos oreilles ?). Il est sûr que certains messieurs ne s’en sont pas privés pour séduire lors de soirées ou repas dansants au son d’un grand orchestre de jazz. Classe et décontraction. Bien entendu, ce « Magic Step » ne fonctionne pas dans le cadre de danses à 3 temps ou des danses stationnaires. On peut donc dire que le pas universel n’existe pas et qu’il faut malgré tout travailler beaucoup différentes techniques pour devenir le danseur parfait !

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Appelez la police !

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Sortons un peu du domaine strict de la danse (mais pas tout à fait…) à l’occasion de cet article. Je vais vous parler un peu de typographie. Pour simplifier, la typographie est l’art de mettre des caractères ensemble pour former des mots. C’est ce qu’ont fait pendant longtemps les imprimeurs avec leurs caractères en plomb (à l’envers) qu’ils assemblaient en lignes en vue de l’encrage qui amène à l’impression sur papier. Ça, c’est ce que faisait Gutenberg, l’inventeur de la discipline au XIXe siècle. De nos jours, les imprimeurs travaillent de plus en plus grâce aux technologies numériques et l’encrage du papier est piloté par des ordinateurs. Or, il y a des ordinateurs dans la plupart de nos maisons et chacun peut devenir lui-même son propre imprimeur pour des petits besoins.

Je ne vais pas détailler ici une par une les règles de typographie, mais je souhaite mettre en évidence la partie un peu plus « créative » de la typographie. Elle se situe non seulement au niveau de la disposition des caractères sur une page, mais aussi dans le choix des polices de caractères. Lorsqu’une personne débute dans la réalisation d’un document sur ordinateur, elle tombe assez facilement dans des pièges qui aboutissent à un document (affiche, formulaire, etc.) réellement moche. Eh oui, un logiciel comme MS Word donne accès à tellement de possibilités en quelques clics de souris qu’on a vite fait d’en abuser. Regardez donc le petit exemple ci-contre.

On voit que l’auteur de cette affiche a cédé à toutes les tentations : polices de caractères trop nombreuses, effets visuels à gogo, mise en page contre-productive, couleurs mal utilisées, petits smileys inutiles, etc. Peut-être vous donnerai-je ultérieurement les règles et bonnes pratiques pour concevoir une affiche qui soit lisible et qui fasse passer le bon message. Ce qui suit est déjà un premier pas… Je voudrais en effet vous faire remarquer les caractères utilisés pour écrire les mots « valse », « rock » et « tango » qui sont tout à fait inadaptés.

Lorsqu’on écrit un titre ou quelques éléments de texte pour une affiche, on essaye de faire passer un message. Ce message est inclus dans le fond du texte, mais aussi dans la forme de celui-ci. Le choix d’une police de caractères est important pour cela. Regardez donc les mots suivants.

La police de caractères utilisée pour chaque mot correspond bien à l’ambiance qu’ils décrivent respectivement. Le mot « douceur » est composé de caractères aux lignes arrondies et on imagine qu’ils peuvent contenir de l’air. Le mot « cirque » est composé des habituels ornements d’un cirque dans la mémoire collective et l’on associe facilement cela aux animaux dressés et la pointe interne aux lettres fait penser à un chapiteau. Enfin, le mot « karaté » fait penser au Japon grâce à sa référence à la typographie asiatique à l’encre de Chine. Lorsqu’on réalise un dépliant, une affiche ou tout autre document où se trouve du texte à « impact », il faut donc réfléchir à la police de caractères à utiliser pour un meilleur message.

Regardez l’exemple ci-dessous avec les mots « salsa », « valse » et « rock’n’roll » « charleston » écrits de différentes manières. Si l’on souhaite que l’ambiance de la danse transparaisse dans l’écriture de son nom, le choix est vite fait.

Alors, quelle ligne choisiriez-vous ? On pourrait dire que c’est très subjectif, et c’est en partie vrai. Cela dit écrire « salsa » avec des caractères symbolisant de la neige (ligne 3) symbolise mal la chaleur de la danse. De même, la valse (ligne 1) ne semble pas faire partie des disciplines habituelles du cirque et le charleston n’est pas synonyme de technologie et d’affichage LCD (ligne 3) et pas plus de culture hip-hop et de tags (ligne 2)… Il nous reste donc la ligne 4 où l’on voit la classe de la valse viennoise, l’aspect rebelle du rock, la créativité de la salsa et l’ambiance Cotton Club du charleston. C’est, je l’avoue, un ressenti personnel et d’autres polices de caractères auraient pu convenir. Mais j’espère que vous aurez compris l’idée générale présidant à la suggestion d’une ambiance rien qu’en écrivant un mot.

Pour finir, il est clair qu’il ne faut pas abuser de ce type de procédé. L’exemple de l’affichette « moche » présentée plus haut en est l’illustration. Même si les mots étaient écrits dans une police correspondant à l’ambiance associée à leur signification, si l’on change de police à chaque mot, il n’y a plus rien qui passe dans ce fouillis de caractères… C’est comme en danse : il est dangereux de trop mélanger des styles différents dans une même danse, car il en résulte que l’on ne sait plus ce que l’on danse. En revanche, il faut qu’il y ait un minimum de style et de technique pour donner corps à une danse et engager la communication entre les partenaires entre eux ou entre les danseurs et le public.

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Le swing de la côte Ouest (West Coast Swing)

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Il est temps que je vous parle un peu du swing de la côte Ouest. Ce n’est pas un swing issu de Brest ou Bordeaux, mais c’est le west coast swing, venant des USA. On l’écrit aussi WCS ou WC swing (mais rien à voir avec le fait de danser au petit coin ). Décidément, mes derniers articles concernent beaucoup les danses swing, il va falloir que j’aborde d’autres thèmes pour satisfaire tous les goûts… Mais revenons au west coast swing. Comme son nom le suggère, il s’est développé sur la côte ouest des États-Unis dans les années 40 à partir du lindy hop (qui, lui, est parti de New York).

Pour tout vous dire, c’est moi qui ai écrit l’article présentant le west coast swing sur UltraDanse.com le 9 juin 2001. Cela fait donc plus de huit ans. J’avais pris mon premier cours de West coast swing l’année précédente et cette danse m’avait intrigué. J’y ai vu tout d’abord une danse en 6 temps très fluide et sexy. Sans doute parce qu’elle se danse de préférence sur de la musique lente et particulièrement du blues. Comme tous les stagiaires danseurs de rock présents, le plus perturbant a sans doute été le fait de devoir donner un guidage dès le compte « 1 » des différentes figures. Je me souviens avoir vu un pas de base stationnaire, puis le push break, puis le break Elvis ainsi que quelques autres figures. En 2000, les cours de WC swing étaient rares en France et ils le sont restés jusque ces, disons…, trois dernières années.

J’avoue avoir peu pratiqué mes figures de WC swing en tant que telles durant les années suivantes faute de partenaires sachant danser cette danse. En revanche, j’y avais vu des variations originales pour agrémenter mon rock. J’ai donc parsemé mes figures de rock de petites références au WC swing surtout sur les musiques les plus lentes comme le blues ou les musiques se dansant habituellement en rock aux tempos convenant à des débutants mais où les avancés sont susceptibles de s’ennuyer un peu. Un petit pas croisé par ici, un guidage anticipé sur le « 1 » par là et voilà !

À présent que le WC swing se développe en France, je suis naturellement le mouvement d’une manière plus affirmée. Dans le Sud-Ouest de la France, cela fait environ 2 ans que le west coast swing marche bien. En faisant une rapide comparaison par rapport à il y a 8 ans, je remarque que la musique a évolué. Bien sûr, les musiques que nous entendons à la radio ont aussi évolué et on ne peut pas en permanence danser sur les mêmes « vieux » disques. Le R’n’B (parfois à la sauce latino) a envahi les ondes ainsi que les soirées rock/swing/WC swing. Je reste toutefois circonspect quant à l’utilisation de n’importe quelle musique pour danser le WC swing. Le blues est parfait, le disco-funk n’est pas mal, le R’n’B pourquoi pas, mais pas tous les morceaux. Même si la base de la danse est en 6 temps comme le rock, il ne faut pas rester hermétique à une certaine sensibilité musicale. Une rythmique binaire marquée ne suffit pas pour danser le WC swing. Le week-end dernier, j’ai participé à une soirée dansante où quelques morceaux étaient clairement destinés aux danseurs de WCS. L’un de ces titres aurait clairement dû être dansé en rumba (on pouvait deviner la présence de la clave latino par intermittence), mais tout le monde dansait le WC swing. Peut-être n’y avait-il pas d’amateurs de rumba ? Dans doute ce facteur a-t-il pu jouer un rôle.

En dehors de toutes ces réflexions plutôt personnelles (mais je suis sûr qu’elles peuvent intéresser quelques-uns d’entre vous), mon idée était d’établir un petit constat personnel sur l’évolution du WC Swing en France. Pour vous donner, une idée plus visuelle de ce qu’est le west coast swing, voici une petite vidéo. Il s’agit de Benji Schwimmer (gagnant de la troisième saison de l’émission « So You Think You Can Dance ») et de sa cousine, Heidi Groskreutz (qui a aussi brillamment participé à l’émission) en 2005. Je vous rassure, on y voit très peu de pas de base comme c’est le cas dans de nombreuses démonstrations et spectacles. Rappelons-le, l’objectif est d’épater les spectateurs et de les divertir le mieux possible.

Ceux qui découvrent cette danse y trouveront peut-être quelque similitudes avec la salsa portoricaine (que je préfère aussi danser sur des tempos lents). Les deux danses partagent en effet la même conception de la ligne de danse. Ceux qui connaissent un peu le monde du WC swing et celui de la salsa portoricaine pourront d’ailleurs aussi faire un petit rapprochement entre deux enseignants : d’un côté John Lindo pour le west coast swing et de l’autre côté (Super) Mario Hazarika pour la salsa portoricaine (je vous ai fait un petit montage ci-dessous pour illustrer mon propos). Si vous cherchez un peu sur Internet, vous trouverez des vidéos de démonstrations où ces deux gabarits démontrent que lorsqu’on est baraqué, la danse peut très bien être spectaculaire et agréable à regarder.

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Qu’est-ce que le Suzie Q ?

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Aujourd’hui, j’ai eu envie de parler d’un pas de danse dont le nom comporte un nom propre : le Suzie Q (encore écrit Suzy Q et à prononcer « Souzi kiou »). Commençons par l’origine de ce nom. Qui pouvait bien être cette fameuse Suzie ? Il semblerait qu’il s’agissait de Suzie Quealy (son nom de jeune fille), une jeune fille (dans les années 30…) de San Francisco. En réalité, elle serait l’inspiratrice de la chanson « Doin’ the Suzie-Q » chantée par Lil Hardin Armstrong (la femme de Louis Armstrong jusqu’en 1938) datant de 1936 alors que le nom Suzie Q est associé à une petite danse à la mode (comme il y en avait beaucoup dans les années 30) qui existait déjà au préalable.

Voici, ci-après, les paroles de la chanson en question en anglais, avec leur traduction française (vite faite, j’espère que vous excuserez les approximations…) en face. On y trouve bien la confirmation du Suzie-Q en tant que danse aux côtés du truckin’ et du shim-sham.

Now, come gather 'round us, folks, Let us tell you 'bout this swing, Let us tell you 'bout the dance was invented just for you! Now, you swing over here, Now, you swing over there, For you swing on out and you do the Suzie-Q! Oh, you dance in! Yes, you're prancin'! When you hear the music play, that's your cue! Yes, you're truckin'! Doin' the shim-sham, Then you swing on out and you're doin' the Suzie-Q! Now, stop unless you do forget, You ain't seen nothin' yet, Until you see this dance that's new! Now, you truck over here, you swing over there, You tip just like you're walkin' on air, Then you're doin' the Suzie-Q! Now, hot step new that you will give 'em, Good old pep and low-down rhythm! Now, come and give yourself a treat, Watch these babies shake their feet, What they're doin'? They're doin' the Suzie-Q!
À présent, venez vous rassembler autour de nous, les gars, Laissez-nous vous parler de ce swing, Laissez-nous vous parler de cette danse qui fut inventée juste pour vous ! Maintenant, vous dansez le swing par ici, Maintenant, vous dansez le swing par là, Vous, continuez de vous balancer et faites le Suzie-Q ! Oh, vous entrez dans la danse ! Oui, vous vous donnez en spectacle ! Quand vous entendez la musique jouer, c'est votre réplique ! Oui, vous faites le trucking ! Vous faites le shim-sham, Puis vous continuez de vous balancer et faites le Suzie-Q ! À présent, n'arrêtez que si vous oubliez, Vous n'avez encore rien vu, Jusqu'à ce que vous ayez vu cette toute nouvelle danse ! À présent, vous faites le trucking par là, Vous vous penchez juste comme si vous marchiez sur de l'air, Puis vous faites le Suzie-Q ! À présent, le pas génial que vous allez leur faire, quelle bonne vielle dynamique et ce rythme qui a de la pêche ! Maintenant, venez et faites-vous plaisir, Regardez ces poupées gigoter leurs pieds, Que font-elles ? Elles font le Suzie-Q !

De cette danse, le Suzie-Q, n’est resté qu’un pas, le Suzie Q. Ce pas a été intégré dans leur manière de danser par les danseurs de lindy hop. Ainsi, lorsqu’en 1937 Whitey demanda à Frankie Manning de créer sa propre version du Big Apple, celui-ci y intégra un certain nombre de pas de danse jazz, dont le Suzie Q (source : « Frankie Manning, l’ambassaseur du lindy hop »Acheter sur Amazon en français). On peut le voir danser en cercle en 1939 dans le film « Keep Punchin’ » (image arrêtée ci-contre) par la troupe des Whitey’s Lindy Hoppers au sein d’un Big Apple.

Pour ce qui est de l’allure de cette figure, il s’agit d’un déplacement de côté (plus ou moins léger) où un pied passe devant l’autre, puis l’autre décroise en alternance comme si ceux-ci se trouvaient sur des rails parallèles. La danse jazz ayant fortement influencé les danses actuellement pratiquées, on retrouve le Suzie Q en danse à claquettes, en lindy hop, dans les enchaînements swing en groupe, en salsa (dans les shines) ainsi qu’en hip-hop et en ragga dancehall. À chaque style de danse correspond une manière de danser le Suzie Q. Ainsi, le Suzie Q de lindy hop n’est pas tout à fait le même qu’en salsa, ni qu’en ragga, autant au niveau de l’appui des pieds qu’au niveau de la rythmique, même si l’esprit du déplacement est le même.

Afin de mieux mettre en évidence les différences, je vous propose de détailler ci-dessous le Suzie Q sur quatre temps en lindy hop et en salsa. Ces schémas sont issus des livres suivants : « Le mambo et la salsa portoricaine »Acheter sur Amazon (paru en 2008) et « Le lindy hop et le balboaAcheter sur Amazon«  (paru mi-2010), tous les deux dans la collection « Passeport Danse » chez Ch. Rolland Éditions.

Suzie Q

Nous le voyons, ici, les positions du corps sont légèrement différentes, tout comme les appuis et les rythmiques. En salsa, on travaille sur la demi-pointe des pieds alors que le talon est aussi utilisé en danse swing/lindy hop. Ajoutons à cela, que la version « claquettes » du Suzie Q se rapproche très fortement de la version lindy hop, tandis que la version que l’on retrouve en ragga (à la mode en ce moment dans le domaine des styles de danse en solo) utilise plutôt les talons que le plat du pied qui est en avant. Encore une fois, voici un mouvement que l’on risque de pratiquer longtemps sur les pistes de danse puisqu’on le retrouve dans divers styles. C’est ce genre d’aspect qui me passionne dans la danse et les diverses influences des danses les unes envers les autres : là où l’on croit avoir inventé quelque chose d’original, on s’aperçoit que cette chose est déjà connue depuis des lustres.

Tiens, pour finir sur un clin d’oeil, une petite vidéo sur laquelle je suis tombé sur Youtube il y a peu, où l’on voit Louis Armstrong faire de la pub dans les années 50 pour la poupée « Suzy Cute » (sans commentaire…).

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