Lors d’une discussion récente avec le participant à une soirée dansante, le sujet de l’expérimentation de titres récemment acquis est sorti sur le tapis. Je m’explique un peu là-dessus car cela peut vous paraître un peu abscons et je le comprends. Je vous resitue donc le contexte du thème de cet article.
Dans les soirées dansantes actuelles, mettons les soirées rock, il est courant d’entendre toujours les mêmes morceaux. On peut se demander si ce n’est pas dû au fait que les DJ utilisent toujours les mêmes disques. Même si cela est parfois le cas, un DJ digne de ce nom est en recherche permanente de nouveautés à proposer aux danseurs. Mais pourquoi alors sont-ce souvent les mêmes morceaux que l’on entend ? La réponse est simple et en deux volets. Tout d’abord, il y a le fait que certains titres sont incontournables et font la joie des danseurs à chaque fois qu’ils passent dans une soirée. D’ailleurs, certains tubes sont nécessaires à toute bonne soirée. Si l’on reprend le contexte d’une soirée rock, on peut citer en exemple « Rock Around the Clock » de Bill Haley, le « Mambo Number 5 » de Lou Bega ou encore certains titres de Dany Brillant. Bien sûr, cela dépend des DJ, du type de soirée et même de la ville où l’on se trouve comme nous allons le voir plus loin.
Le second volet concerne l’éducation. Lors de notre cursus d’apprentissage de la danse, nous avons tous été habitués à entendre et danser sur certains titres. Naturellement, cela a fait office d’éducation musicale et l’écoute de ces morceaux déclenche chez nous des réflexes. Un peu comme le chien de Pavlov, nous nous habituons donc à danser telle ou telle danse sur tel ou tel morceau. Encore mieux, si nous avons eu du plaisir par le passé à danser sur un morceau, nous allons avoir envie de danser de nouveau sur ce titre afin de retrouver cette sensation de plaisir.
Cette phase d’apprentissage peut s’apparenter à du conditionnement et donc expliquer le fait que certains titres soient plébiscités dans les soirées dansantes. Mais ce serait peut-être simplifier un peu trop car certains d’entre eux dégagent une énergie telle qu’elle donne tout simplement envie de danser (même si l’on ne sait pas). Quoi qu’il en soit, cette éducation musicale est nécessaire dans le cadre de l’apprentissage des danses de couple. Cela s’explique par le fait qu’un débutant ne sait pas toujours quelle danse il doit pratiquer sur telle ou telle musique. Autant sur « Rock around the clock » est-il évident que c’est le rock qui est le plus approprié, autant peut-on se poser la question sur « Mambo number 5 » où le mambo peut être dansé aussi bien que le rock. On trouve donc, selon les villes, des danseurs qui, pour avoir fréquenté les mêmes cours et les mêmes soirées, réagissent similairement à certains morceaux de musique. Dans le même temps, il faut avouer que des gens confondent parfois tango et paso doble tout comme d’autres auront du mal à entendre la rythmique du cha-cha-cha ou à réagir à un break musical. Sans un minimum de sensibilisation lors de cours de danse à la relation entre la musique et la danse, seuls les réflexes acquis après avoir dansé telle danse sur tel morceau peuvent permettre aux danseurs de ne pas se poser la question : « Et là-dessus, on danse quoi ? »
Alors, je reviens à mon idée de départ : l’expérimentation. Là où un DJ est sûr de ne pas se tromper en passant les tubes pour les danseurs en soirée, il peut néanmoins expérimenter un nouveau morceau de temps en temps pour voir s’il remporte l’approbation des participants à la soirée. Si le succès n’est pas là, il a le choix soit d’abandonner le morceau (qui ne correspond pas aux goûts et à l’éducation des danseurs présents), soit de retenter l’expérience en espérant que l’oreille des danseurs se fera (sous réserve que le morceau soit effectivement propice à la danse…). Le risque pris est celui de faire retomber l’ambiance de la soirée par un morceau qui n’est pas approprié. C’est un peu ce type de choix qui peut différencier un bon DJ d’un DJ médiocre. Néanmoins, le meilleur endroit pour essayer un nouveau titre me semble être lors d’un cours de danse en petit comité où l’on peut même, en plus de la constatation des réactions des élèves, glaner quelques avis sur le sujet.
Sorti il y a quelques semaines seulement, le dernier livre d’Érik Orsenna a rapidement attiré mon attention. Vous vous en doutez, il y a tout d’abord le titre, « Et si on dansait ? », très intriguant pour un passionné de danse. Ensuite, il y a la couverture, composée de portées musicales où un couple danse au même niveau que des lettres qui semblent également danser. Enfin, il y a le sous-titre : « Éloge de la ponctuation » ; un thème qui parle beaucoup à l’amateur de livres et de typographie que je suis. Mais quel rapport peut-il donc bien avoir entre la ponctuation et la danse ? Laissez-moi donc vous toucher quelques mots de ce livre.
Ce livre est le quatrième d’une série qui commence par « La grammaire est une chanson douce ». Après avoir abordé successivement les thèmes de la grammaire, du subjonctif et des accents, l’auteur continue dans sa métaphore des mots vivants — et qui parlent ! — en s’intéressant à la ponctuation. Qu’est-ce que la ponctuation ? Il y a tout d’abord, l’espace qui sépare les mots, il y a ensuite le point, puis la virgule et encore le mystérieux point-virgule qu’on ne sait plus utiliser de nos jours et qui a donné lieu à la création de l’Association internationale pour la défense du point-virgule. On voit aussi au fil des pages l’apparition des parenthèses ainsi que des guillemets. Chaque signe a une signification : la séparation de deux idées, une petite pause dans le discours pour reprendre sa respiration ou alors une pause plus longue, etc. Et de se demander quel signe nouveau il faudrait inventer pour marquer la respiration de la mer avec ses vagues immenses et ses creux effrayants.
Bon, il est vrai qu’on ne parle pas trop de danse ici, si ce n’est de la danse des mots qui se disposent sur la page pour former une histoire. Mais la danse n’est-elle pas aussi une histoire de rythme ? Chaque danse est faite pour une musique (et rarement l’inverse) et impose donc aux danseurs de se conformer à un rythme donné qui donne tout son caractère la danse en question. p. 90. « Chaque livre a aussi son rythme, sa manière de respirer, lente ou rapide, saccadée, syncopée ou régulière… […] Il y a des livres à deux temps, d’autres à trois ou quatre temps… Il y a des livres-valse, des livres-tango… »
De même, Érik Orsenna suggère que les apparences sont trompeuses. Parfois, ce sont les personnes qu’on s’attendrait le moins à voir danser qui étonnent par leur enthousiasme et leur motivation. J’en connais des gens comme cela dans certains cours de danse en couple : toujours présents, très motivés et qui, du fait de leur ténacité, sont finalement considérés comme de très bons partenaires par les personnes qui dansent avec eux en soirées. « — […] la ponctuation donne du rythme. Prouvons-le. C’est ainsi que l’idée vint à remorqueur : — On en a marre de toujours raconter ! Et si on dansait ? Personne n’aurait imaginé qu’une telle suggestion puisse venir de ce mot-là qui évoque la force, la puissance, mais non la grâce, la légèreté de la danse. »
Il est temps de conclure sur ce livre. Ceux qui achèteront le livre uniquement pour son titre seront déçus. Mais si vous aimez les histoires simples à lire et qui font un peu réfléchir, ce livre vous plaira. Il y a de jolies idées comme celle de remplacer la ponctuation par les soupirs, demi-soupirs, pauses, etc. de la notation de la musique sur les partitions. J’aurais personnellement aimé que l’auteur aille un peu plus loin dans son idée en introduisant le point d’exclamation, le point d’interrogation voire même le point exclarogatif ou le point d’ironie sur lesquels il y aurait assurément une jolie histoire à raconter.
Dans ce blog, je m’intéresse à toutes les formes de danses au-delà des danses de couple qui ont tout de même ma préférence. Je considère en effet que, lorsqu’on pratique une discipline, il est essentiel d’élargir son horizon aux disciplines voisines afin de mieux se situer. C’est un peu ce que font les scientifiques astronomes et astrophysiciens qui s’intéressent aux confins de l’univers alors qu’ils ne peuvent toucher du doigt que notre bonne vieille planète Terre. Comprendre l’univers permet de mieux comprendre notre planète. Dans cette logique, s’intéresser aux autres formes de danse permet de mieux comprendre la danse que l’on pratique.
Lorsque j’ai découvert de lindy hop il y a maintenant une quinzaine d’années, les personnes à qui j’en parlais disaient : « Quoi, le lindy pop ? » ou encore « Tu fais du hip-hop ? ». C’est dire si le renouveau de la danse swing avait encore du chemin à parcourir. Depuis, il l’a parcouru et continue encore. Mais le rapprochement que faisaient les personnes en question entre le lindy hop et le hip-hop n’était peut-être pas si dénué de sens que cela.
L’histoire commune du hip-hop nous dit que cette culture (qui inclut la danse du même nom) est née dans les années 1970 dans le Bronx au sein de la population afro-américaine qui organisait fréquemment des fêtes d’immeubles (les « block parties »). Plusieurs courants de musique et de danse s’y sont mêlés et l’on a ainsi vu se développer la breakdance (aussi appelé le break) qui a atteint la France dans les années 80. (Vous vous souvenez peut-être du « H.I.P. H.O.P. » télévisé de Sidney en 1984 ?) Mais le break n’est pas le seul style présent dans la danse hip-hop, on y trouve aussi le pop, le lock, le boogaloo, la danse au sol, etc. De nos jours, le hip-hop (new style) se laisse influencer, entre autres danses, par la salsa dans certains jeux de jambes eux-mêmes issus des la danse swing en solo (comme le Suzie-Q pratiqué sur les talons en hip-hop new style).
Voilà de manière succinte pour le contexte historique global. On y voit déjà quelques points communs entre le lindy hop et le hip-hop : origine afro-américaine à New York, multitude d’influences, jeux de jambes en commun, etc. Pour ce qui est du travail au sol, le lindy n’en comporte que très peu. Là où en en rencontre correspond aux figures acrobatiques ou encore aux danses dites excentriques (des spécialités exclusives de certains danseurs de l’époque). Je vous propose de regarder ce clip de 1940 où les Mills Brothers chantent le titre « Caravan » (un titre jazz bien connu) a capella. Des danseurs se succèdent et si vous regardez bien aux alentours d’une minute 50 du clip, le danseur effectue une figure au sol très fréquente chez les danseurs de hip-hop.
Voilà qui nous fait remonter quelques origines du hip-hop dans les années 40, non ? Ainsi, là où l’on croit sans cesse inventer, la réalité est qu’il se peut fortement que l’invention en question ait déjà été faite des années auparavant.
S’il y a un mot qui rime avec musette c’est bien le mot guinguette. Typiquement français, ces lieux ont fait les beaux jours des sorties des Parisiens mais aussi des habitants des régions françaises durant les 19e et 20e siècles. On imagine très bien les familles de délassant au bord de l’eau tandis que d’autres personnes tournoient sur la piste de danse aux flonflons des accordéons jouant de la valse musette ou de la java. Comme ces danses (en plus de la valse viennoise et de la valse lente) constituent le sujet de mon nouveau livre technique à sortir en fin d’année, je vous propose de découvrir l’univers où on les a pratiquées des années durant.
L’histoire des guinguettes commence à Paris dans les années 1700. Ce sont à l’origine des établissements qui servent du guinguet, un vin des environs de Paris soi-disant « tellement aigre qu’il fait danser les chèvres »… On y trouve généralement une petite piste de danse pour ceux qui le souhaitent. Le Petit Larousse fait donne une autre étymologie que je vous livre ici. Le mot proviendrait de l’ancien français guinguet qui signifie étroit. Et d’en donner la définition suivante : « lieu de plaisir populaire […], débit de boissons où l’on peut danser, généralement en plein air ». Du fait de considérations fiscales, les guinguettes s’éloignent progressivement du centre de Paris à la fin du 18e siècle. À cette époque, et durant tout le 19e siècle, on y danse la contredanse et le quadrille (avec son cancan) au départ, puis apparaissent la valse (viennoise), la mazurka, la polka et la scottish. Nous sommes encore loin de l’image de carte postale des bords de la Marne car les origines liées aux cabarets sont encore présentes dans ces établissements.
À la fin du 19e siècle et jusqu’à la Première Guerre mondiale, les guinguettes sortent de Paris et abordent la banlieue et en particulier les rives des fleuves et rivières. La plupart sont localisées sur les bords de la Seine et de la Marne. Le canotage prend une place très importante dans les guinguettes qui proposent également un cadre pour les activités du dimanche : pêche, baignade, etc. Les animations musicales sont faites par des orchestres composés d’un piano, de violons, de clarinettes ou de pistons. D’autres danses sont introduites : le boston (valse ayant fait un petit tour par les USA), la matchiche (ou maxixe) brésilienne, le tango argentin, mais aussi d’autres danses importées des USA comme le cakewalk, les danses animalières, le one-step et le two-step. Les guinguettes rivalisent d’imagination pour attirer les familles en recherche de dépaysement : promenades à dos d’âne, cabanes dans les arbres et espace pour danser. L’ambiance de l’époque est particulièrement bien rendue dans le table de Renoir « Le Moulin de la Galette » (ci-contre) en 1876.
L’entre-deux-guerres correspond réellement à l’image de carte postale des guinguettes : bords de rivière, canotiers, petit vin blanc. Ajoutons à cela le fameux accordéon qui remplace la musette (petite cornemuse). Les rythmes des dancings envahissent les guinguettes : foxtrot, charleston, one-step, paso doble. Dans le même temps, de nouvelles danses typiques du style musette se développent : la valse musette (et sa fameuse toupie), la java et le tango musette. La java en particulier porte une image du marlou (qui fait parfois partie des Apaches, sur lesquels j’ai déjà écrit quelques mots dans un article précédent) avec sa casquette et son air débonnaire qui danse avec une fille qui lui est soumise. C’est aussi l’époque de la valse chaloupée, appelée aussi danse apache, mais qu’on ne pratique normalement pas dans les guinguettes… Les bals musette des guinguettes s’ouvrent petit à petit et deviennent des bals populaires. La batterie jazz fait son entrée après la Première Guerre mondiale et donne une nouvelle dynamique aux danses que les danseurs payaient à l’unité.
La Seconde Guerre mondiale contraint malheureusement à la fermeture la plupart des guinguettes qui rouvrent petit à petit à partir de 1945. Les conditions économiques sont différentes et les musiciens légalement être déclarés, ce qui entraîne la disparition des grandes formations. L’industrialisation et l’évolution de la société ne favorisent pas la fréquentation des guinguettes. Le rock envahit les ondes radio et la télévision et certaines d’entre elles sont transformées en dancings où la musique américaine est reine. Les années 80 verront un retour de l’accordéon musette et le métissage des styles musicaux comme le mélange du jazz et de l’accordéon, mais les guinguettes survivantes ne connaissent le succès que du fait de leur image délicieusement rétro généralement associée à l’accordéon musette.
Voici donc le résumé du point de vue de la danse de l’histoire des guinguettes. Il y a un très bon ouvrage sur le sujet dans le commerce« Mémoire de guinguettes » avec beaucoup d’illustrations et qui donne plus de détails sur le sujet. J’avoue m’être en partie inspiré de celui-ci pour rédiger ce billet car les illustrations replongent le lecteur dans l’ambiance des différentes époques.
Me voici donc de retour pour l’alimentation hebdomadaire de ce blog sur lequel j’ai beaucoup de retours positifs. Merci à tous ! La rentrée est là et bon nombre d’entre nous reçoivent aussi bien dans leur boîte aux lettres papier que dans leur boîte à e-mails les prospectus annonçant le redémarrage de la saison de danse dans les écoles et les associations. D’ailleurs, la plupart du temps, on reçoit les deux : une e-mail en plus d’un courrier papier. Parfois même, on lit dans l’e-mail : « surveillez votre boîte aux lettre car un courrier postal arrive ! » alors qu’on peut lire dans ledit courrier sur papier : « pour plus d’informations consultez notre site Internet ! » Si avec cela l’information n’est pas passée, c’est qu’il manque des lunettes à certains. Ainsi la complémentarité (ou parfois la redondance) entre les médias classiques et les nouvelles technologies est-elle entrée dans notre quotidien.
Comme vous le savez à présent, j’ai créé une maison d’éditions spécialement dédiée aux livres sur la danse, Ch. Rolland Editions, dont le catalogue s’étoffe d’année en année. D’ailleurs, si vous ou une de vos connaissances a un projet d’écriture de livre (technique ou non) sur le sujet, n’hésitez pas à prendre contact avec moi (page contact du site de la maison d’éditions) car je suis en permanence à la recherche de nouveaux projets de qualité. Mais revenons au sujet de cet article. Les livres que j’édite font peu référence au média qu’est Internet (hormis à quelques adresses de sites web à l’occasion). Un autre éditeur (de grande taille), lui, a décidé d’expérimenter un nouveau système en annoncant « Le sens des choses » de J. Attali comme le premier « hyperlivre » qui intègre un nouveau système de référence vers du contenu multimédia accessible en ligne.
Le principe est que le lecteur trouve des petits carrés en bas de certaines pages. Ces carrés correspondent à un code-barre en 2D et représentent une adresse où le contenu multimédia complémentaire peut être trouvé. Soit on tape la référence sur le site Internet dédié au livre, soit on utilise une application spécifique qui permet à un téléphone mobile de lire ce code (via son appareil photo intégré) et de charger automatiquement le contenu multimédia dans le téléphone. Bref, cela semble pratique. Imaginez que j’utilise ce système dans mes livres… On peut imaginer qu’une figure décrite dans le livre soit associée au code-barre menant vers une vidéo où l’on voit cette figure réalisée en vrai. On peut aussi imaginer qu’une morceau de musique cité puisse mener via le code-barre à un extrait sur Internet ou à un site de vente en ligne.
Je vois tout de même quelques inconvénients à ce système en dehors du prix de la mise en oeuvre qui ne le rend accessible pour l’instant qu’aux très gros éditeurs faisant beaucoup de bénéfices… Tout d’abord, le système expérimenté dans le livre d’Attali cité-ci dessus n’est gratuit que pendant 6 mois : au bout de ce délai, il faudra que les propriétaires du livre payent pour accéder à ce qui me semble leur être dû… Je l’ai dit, cela coûte de l’argent d’éditer un livre et l’ajout de contenu multimédia alourdit encore la facture. Deuxième argument : que se passera-t-il si l’éditeur fait faillite, décide d’arrêter d’entretenir la plateforme multimédia ou se fait racheter par un autre éditeur qui n’a pas la même vision des choses ? On peut imaginer que le site Internet associé au livre disparaisse à jamais avec son contenu complémentaire dans le pire des cas. Dans le meilleur des cas, le site perdurera mais le format des vidéos ne suivra pas les avancées technologiques (saura-t-on encore lire des K7 vidéo VHS dans 50 ans ?). En revanche, le livre restera tant que les mites ne l’auront pas mangé… J’ai dans ma bibliothèque plusieurs livres (sur la danse en couple évidemment) qui datent du début des années 1900. Je peux vous dire que leur contenu est encore bien lisible et compréhensible un siècle plus tard.
On le voit, les technologies et les modes de vie ne cessent d’évoluer. Je reste cependant encore attaché au support papier. Rien de tel que de tenir un livre dans les mains et de le feuilleter pour en extraire de nouvelles connaissances ou se divertir. Même avec l’arrivée de nouveaux concepts comme ces codes-barre 2D ou les e-books (livres électroniques ressemblant à des tablettes portables), le livre sur papier a encore de belles années devant lui. Je ne dis pas que je ne ferai pas de vidéos un jour (toutefois d’autres le font déjà très bien), mais la réalisation d’un livre, tâche longue et complexe, est vraiment quelque chose que je maîtrise et l’aboutissement de ce travail par un objet conséquent que l’on peut tenir entre ses mains est plutôt gratifiant.
Que conclure de tout cela ? Il est vrai que je n’ai pas beaucoup parlé de danse dans cet article plutôt informatif et technologique… Mais la danse n’est pas loin. J’ai déjà un certain nombre de projets en tête pour satisfaire le manque réel de livres et supports sur papier à destination des danseuses et danseurs, mais je suis ouvert à toute proposition de projet. Si vous avez des idées n’hésitez pas à m’en faire part et je verrai ce que je peux faire. J’espère que les éditions Ch. Rolland pourront également aider les enseignants en danse à fournir à leurs élèves des supports écrits de qualité. En ce début de saison, je suis content de voir que mon travail a plu non seulement à la communauté des danseurs (enseignants réputés et élèves ont salué le travail réalisé), mais aussi à la communauté des professionnels du livre (mon édition du livre de Frankie Manning en français a été sélectionnée ce mois-ci par le site lechoixdeslibraires.com) auprès des plus grands. Bref, merci à tous ces gens pour leur support et rendez-vous sur le site Internet de Ch. Rolland Editions pour le catalogue complet ou pour me contacter. [Je sais, ça fait un peu publicité, mais la semaine prochaine je reprends les articles directement centrés sur la danse, promis.]
Je profite de cette période estivale pour aborder des sujets plus légers que dans le reste de l’année. Cette fois-ci, je vais vous présenter l’anecdotique (mais néanmoins populaire) danse des canards. Tout le monde connaît la danse des canards dans sa version de 1981 où la chanson de J.J. Lionel a déferlé sur la France. Ce disque est issu de la volonté du producteur belge Marcel De Keukeleire de lancer cette chanson en français et la danse qui va avec à destination des enfants, mais aussi de la famille au sens large. Aujourd’hui tout le monde sait (parfois malgré soi) danser la danse des canards sur les paroles très simples de : « C’est la danse des canards, qui en sortant de la mare se secouent le bas des reins et font coin-coin« .
Pour mémoire, voici la chorégraphie (que l’on trouvait aussi à l’époque sur la pochette du disque de J.J. Lionel). L’enchaînement est prévu pour être réalisé à deux personnes, mais on peut le danser seul ou en groupe (généralement en cercle). 1 – Commencer debout, face à face, les mains ouvertes en forme de bec à hauteur de la poitrine. Fermer et ouvrir 4 fois : « C’est la danse des canards« . 2 – Poser les mains sur les hanches puis agiter les coudes 4 fois d’avant en arrière pour imiter des battements d’ailes : « qui en sortant de la mare« . 3 – Plier les genoux, descendre le popotin en se trémoussant, puis se redresser pour le mouvement suivant : « se secouent le bas des reins« . 4 – Frapper dans les mains en criant 4 fois « COIN, COIN, COIN, COIN » : « et font coin-coin« . 5 – Sur le refrain, les danseurs, bras dessus-dessous tournent vers la droite, changent de bras pour tourner vers la gauche : « Tournez, c’est la fête, bras dessus-dessous, etc.« .
Au-delà de l’aventure franco-française de cette chanson et de la danse associée, je voulais vous en faire découvrir les vraies origines que peu de gens connaissent. Le morceau original ayant donné naissance à la danse des canards a été composé à la fin des années 50 ou les années 60 par Werner Thomas, un accordéoniste suisse. Il l’appelait alors « Ententanz » (la danse des oiseaux) et on l’a souvent prise pour une polka, ce qu’elle n’est vraisemblablement pas. Nous ne sommes pas encore au stade des poulets, bien que le compositeur travaillait à cette époque comme musicien dans un restaurant. Un jour, un producteur belge, Louis van Rijmenant, entendit le morceau et essaya de sortir le disque en 1970, mais sans succès. Quelques années plus tard, le morceau intéressa d’autres producteurs et le titre fut introduit en 1981, aux USA, en Angleterre et en France entre autres. C’est ainsi que la danse des canards est devenue internationale. Elle porte différents noms selon la langue concernée : « Ententanz » (danse des canards) en allemand, « Chicken dance » (danse des poulets) en anglais, « il ballo del qua qua » (la danse des coin-coin) en italien, « El baile de los pajaritos » (la danse des oiseaux) en espagnol. De nos jours, cette danse est incontournable dans les mariages et, à l’étranger, dans les Oktoberfests (fêtes de la bière).
Un dernier mot pour l’anecdote : le même Jean-Jacques Lionel dont je parlais au début de cet article a bien essayé de lancer la « danse des petits chats » en 1982, mais cela n’a pas fonctionné et les canards sont bien restés au top des préférences des Français. Comme quoi on ne fait pas un succès comme on veut. D’autres se mettront plus tard à ce concept des hits d’été avec une danse nouvelle avec la Macarena, etc.). Je vous en reparlerai sûrement.
Cette fois, je vais vous parler d’un musicien qui me permet de faire la transition entre le thème swing du dernier livre que j’ai édité et le thème du projet sur lequel je travaille actuellement : la technique de la valse (aussi bien celle de la valse viennoise que celle de la valse musette). Si le mot « musette » est automatiquement associé aux guinguettes (dont je vous parlerai dans un autre article) et à l’accordéon, ceux qui ont parcouru l’article consacré à l’accordéon et la musette sur ce site auront sûrement appris les origines de ce mot. Je n’y reviendrai donc pas. Cependant, la musette (l’accordéon) a été utilisée pour jouer d’autres styles de musique que la valse ou la java. Le musicien Gus Viseur en fut le plus parfait artisan.
Gustave « Gus » Viseur est né en mai 1915 à Lessines, en Belgique. Son père, Adolphe, jouait de l’accordéon en amateur (il était mouleur de pierre de profession) et cela a sûrement incité le jeune Gustave (surnommé aussi « Tatave ») à apprendre à jouer de cet instrument. Après avoir pris des cours (en particulier à Suresnes), il joue dans le petit orchestre familial, le Jojo Jazz. Il passe ses premières années de musicien à parcourir la région parisienne qui fourmille de bals musette, de dancings, de foires, etc.. Il lui arrive d’accompagner des chanteurs et chanteuses (dont Édith Piaf en 1940) et de jouer du bandonéon dans des orchestres de tango argentin. Bref, Gus Viseur s’intéresse à tout et fait son expérience.
À l’âge de 18 ans, il découvre le jazz et l’improvisation. Il va alors se laisser séduire par cette manière de faire de la musique. Il délaisse petit à petit le style musette au profit du jazz et devient l’un des pionniers de l’accordéon-swing. Il connaîtra les grands noms du jazz manouche comme Django Reinhardt, les frères Ferret ou Gus Deloof. Il fera un long séjour sur le continent américain avant de revenir à Paris. Décédé en août 1974, il reste probablement le premier accordéoniste à avoir été accueilli sans réserve dans le milieu des musiciens de jazz. Par la suite, d’autres seront séduits par ce style, parmi lesquels on trouve Jo Privat ou Tony Murena.
Il y a un disque regroupant quelques enregistrements de Gus Viseur dans le domaine du jazz musette que je peux vous conseiller : « Gus Viseur à Bruxelles ». Je vous laisse découvrir d’autres de ses enregistrements disponibles, sachant que l’on peut trouver certains titres indépendamment dans des compilations de musette. Pour revenir, à ce que j’écrivais au début de cet article, je vous conseille d’écouter attentivement le titre « Swing valse » joué par Gus Viseur (le son du lien YouTube ci-dessous n’est pas très bon, achetez plutôt le CD…). Peut-être parviendrez-vous à comprendre ce que c’est qu’une valse qui swingue (un concept dont il est l’inventeur).
Les amateurs de jazz et d’accordéon ne sont généralement pas les mêmes. Il est vrai qu’il y a peu de big bands dans les guinguettes. D’ailleurs, ne trouvait-on pas des panneaux indiquant « Interdiction de danser le swing » à l’entrée de certains établissements ? Il est vrai qu’un lindy hop ou un be-bop prend plus de place qu’une petite danse collée serrée. Cependant, la musique de Gus Viseur réconcilie deux mondes qui ne pensent pas pouvoir cohabiter. Le secret réside en réalité dans son instrument, modifié afin de rendre mieux les sonorités du jazz. En effet, Gus Viseur jouait « sur une lame », cela signifie qu’il avait limé une lame de son accordéon afin d’utiliser deux fois le la à 440 Hz là où les musiciens de musette l’utilisent trois fois à 436, 440 et 443 Hz. La sonorité de son instrument devenait donc compatible avec des mélodies swing. Mais cela n’aurait probablement pas suffi sans son excellent sens de l’improvisation, nécessaire à tout jazzman.
Je souhaite un bon été à tous ceux qui vont fréquenter les pistes de danse et les festivals, peu importe le style de danse pratiqué : swing, musette… ou les deux !
Toujours à l’affût de documents ou d’informations en relation avec la danse (et en particulier la danse en couple), je suis tombé cette semaine sur le numéro 396 de la revue Fluide Glacial. Créé le 1er avril 1975 par Marcel Gotlib et Jacques Diament, il s’agit d’un un mensuel de bandes dessinées humoristiques au ton décalé et spécialement conçu pour les adultes. Divers auteurs de côtoient dans ces pages avec des styles très différents aussi bien dans le graphisme que les sujets traités. Les planches de bande dessinée qui ont attiré mon attention ont été réalisées par le dessinateur Frank Margerin dont on connaît plus particulièrement le personnage nommé « Lucien » (créé il y a déjà 30 ans !). Ce dernier est un rocker à la banane qui, vêtu de son perfecto, adore les motos et le rock’n’roll.
Quelle n’a pas été ma surprise en lisant le titre de la BD : « F. Margerin présente : LE LINDY HOP ». Et il s’agit bien d’une aventure de Lucien le rocker qui va prendre des cours de lindy hop ! L’histoire est très sympathique et amusante. Par-dessus le marché, Margerin est bien informé sur les cours de lindy (le rock step, triple step, step, step, triple step est abordé en plus d’autres détails techniques). De là à dire que l’auteur a probablement fréquenté ce genre de cours, il n’y a qu’un pas… Ce qui est particulièrement agréable. Je vous laisse apprécier deux vignettes qui m’ont bien fait rire (je sais, il m’en faut peu, mais c’est quand même bien vu). Pour l’intégralité des 4 planches de l’histoire, je vous laisse vous procurer les originales…
Il y a en réalité peu de BD qui parlent de danse. C’est pour cela que l’initiative de Margerin m’a étonné. J’avais déjà apprécié sa collaboration avec Shirley et Dino (dont je suis plutôt fan) et la BD qu’il a réalisée autour de leurs personnages (plus de détails sur son travail sur ce site. Mais pas réellement de danse dans ce travail. Il existe cependant un autre initiative intéressante en relation avec la danse ; il s’agit de la série d’albums Studio Danse de Crip, le dessinateur, et Béka, les auteurs originaires du sud-ouest de la France. Studio Danse est édité aux éditions Bamboo et en est à son troisième tome. La série raconte l’histoire d’adolescents dans une école de danse où cohabitent la danse classique et le hip-hop. C’est une BD plutôt pour les ados, mais les adultes peuvent aussi très bien s’amuser des historiettes. Il n’y a pas ici de danse de salon dans les scénarii proposés. J’ai depuis longtemps envie de lire une BD ayant pour thème les danses de société, mais rien n’a été fait pour l’instant. Pourtant, il y a de quoi dire. Les histoires courtes et les portraits caricaturés que j’ai écrits dans mes recueils « Histoires de danseurs » et « Nouvelles histoires de danseurs » en sont un bon exemple, je pense. Peut-être un jour une adaptation en BD verra-t-elle le jour si je trouve un dessinateur au style adéquat avec qui je pourrai m’associer ? Encore une idée à suivre !
Les lecteurs réguliers de ce blog commencent à le savoir, il y a de plus en plus de vidéos sur Internet portant sur la danse. Des sites comme YouTube ou DailyMotion s’en sont même fait une spécialité. En parcourant ces sites un peu au hasard, je suis tombé sur la vidéo qui servira à étayer l’article d’aujourd’hui. La voici.
Cette vidéo m’a tout d’abord surpris car elle est annoncée comme présentant du lindy hop et elle commence par ce qui s’apparente visuellement plus à du rock acrobatique. En suite, j’ai été de nouveau surpris car les transitions entre les acrobaties se font effectivement en lindy hop. Nous voici donc avec une démonstration de lindy acrobatique où les acrobaties ne sont plus les acrobaties des années 30 ou 40, mais où la technique est celle du rock acro des années 80 et suivantes. Nous voyons ici l’une des caractéristiques de l’évolution des danses et de l’influence qu’elles ont les unes sur les autres.
Dans les années 1920, il y avait le breakaway, le collegiate et le charleston qui, en cohabitant sur les pistes de danse, se sont mutuellement influencés pour donner naissance au lindy hop. Le lindy a ensuite été à son tour influencé par d’autres danses comme la danse apache (voir un article précédent de ce blog), les spectacles de vaudeville, etc. Dans les années d’après-guerre, le lindy passe l’atlantique sous la forme du be-bop qui ensuite évolue vers le rock. Mais de nos jours, le rock cohabite à son tour avec d’autres danses comme la salsa (et le lindy qui a fait son come-back dans les années 80) et le style de la danse s’en voit influencé. On voit ainsi apparaître des figures typiquement salsa dans le rock avec des mouvements de bras évolués ainsi que l’utilisation des techniques correspondantes. En parallèle, le lindy hop se laisse actuellement influencer à la fois par le rock et le west-coast swing et vice-versa. Qui peut dire à quoi ressemblera notre manière de danser dans 20 ans ?
S’il est clair que les danses évoluent en permanence et s’influencent mutuellement, il est certain qu’il n’est pas simple de prendre suffisamment de recul pour analyser cela. Cependant, sur une certaine durée, l’oeil exercé repère cette évolution contre laquelle on ne peut rien faire (même s’il y a parfois des courants qui disparaissent aussi vite qu’ils sont apparus). L’essentiel est malgré tout de maîtriser les bases originelles de chaque danse afin de mieux les mélanger sur la piste de danse d’une manière harmonieuse et techniquement correcte. Tout ceci est finalement toute l’histoire de la naissance des styles de danse et a fortiori des nouvelles manières de danser.
Ne vous fiez pas au titre de cet article : je ne vais pas vous parler ici des danses traditionnelles des Apaches, l’une des tribus dont on parle dans les films de cow-boys et d’Indiens. Le mot est le même mais le sujet est tout autre.
Du point de vue de la danse, on parle d’apache de nos jours lorsqu’on danse le lindy hop. Il s’agit d’un style de figure dans lequel certains classent le Texas Tommy (appelé aussi arm breaker) ainsi que d’autres mouvements où la danseuse semble réellement malmenée par son partenaire. Cette dernière effectue ainsi des mouvements un peu désarticulés comme si elle était une poupée de chiffon dans les bras d’un danseur un peu violent. Mais je vous rassure : cela n’est que du style et de la comédie. En réalité, tout est étudié et la danseuse joue un rôle dans cela. Un exemple de position caractéristique de ce type de figure a fait la couverture du magazine Life le 23 août 1943. On le voit, la danseuse est dans une position inconfortable, complètement avachie sur son danseur (qui à ce moment-là effectue un pas nommé fish tail en reculant).
À l’origine, les Apaches étaient les membres d’un gang parisien à la fin du 19e et au début du 20e siècle. Si leur nom vient effectivement des Indiens « Apaches », c’est que leur comportement violent a été comparé à la supposée sauvagerie des Indiens. Ces gangsters étaient donc connus pour leurs méfaits associés à un certain type de pistolet (le révolver Apache), leur coup de poing américain, leur couteau de poche rétractable ainsi que leur technique de combat.
La violence des membres de ce gang a également inspiré un certain type de danse également nommée apache qui a elle-même inspiré les mouvements repris dans le lindy hop. La danse apache simule une scène de dispute entre un maquereau et l’une de ses prostituées. L’homme fait ainsi semblant de brutaliser la femme, de la frapper, de la jeter au sol, etc. Il est à noter que la femme peut à l’occasion se rebeller dans ce petit jeu. On trouve des scènes de danse apache dans le dessin animé Popeye (entre sa petite amie Olive et son ennemi Bluto) ou encore dans la scène du Tango de Roxane du film Moulin Rouge de Baz Luhrmann en 2001. Voici, ci-après, un exemple de vidéo de danse apache (dans le style parisien que l’on nomme aussi la valse chaloupée) en 1935.
Cette danse est méconnue du grand public, pourtant une vedette comme Rudolph Valentino a pratiqué la danse apache avant d’aller aux États-Unis danser le tango dans les clubs de New York. Il est ainsi possible que ce style de danse ait influencé le tango à un moment dans le 20e siècle tout comme il a influencé le lindy hop.
Il y a peu de temps, j’assistais au spectacle de Marc Barbiéri (Show Dance, que je conseille particulièrement aux amateurs de danses latines sportives), quand m’est revenue une constatation sur une particularité du public français. En effet, les danseurs se déchaînaient sur le célèbre titre « Sing, sing, sing » (il dansaient sur une base de jive et de mouvements divers en solo que les puristes chez les danseurs de swing n’auraient pas forcément reconnus) et entraînaient le public avec eux. Ce dernier, n’y pouvant plus, s’est mis à taper des mains en rythme. En rythme, oui, mais pas à l’unisson !
Il y avait toute une partie du public qui battait des mains sur le temps « 1 » de la musique et une autre qui le faisait sur le temps « 2 ». Chaque camp pouvait se demander qui avait raison et qui avait tort. Le première partie entendait particulièrement la grosse caisse tout comme on l’entendrait dans une marche militaire. Ils entendaient donc le temps « 1 » de la musique. Or, la musique en question est loin d’être une marche. Même si les percussions sont bien marquées, il s’agit d’un swing. Et qui dit swing, dit temps « 2 » (c’est aussi le cas du rock). C’est en effet sur ce temps que se trouve l’accent de la musique. C’est donc la seconde partie du public qui était dans le vrai et cela était confirmé par le fait que les danseurs battaient aussi des mains sur le temps « 2 ».
Dans le même contexte de spectacle, lorsque Marc Barbiéri et sa partenaire Agnès Morin ont dansé leur chorégraphie à succès sur Le Connemara de Michel Sardou, il y avait une section marche où le public battait naturellement des mains à l’unisson sur le temps « 1 » et il en faisait de même sur la section valse. En fait, sur la valse, le public tape des mains sur le « 1 » et sur le « 4 ». Cela montre bien la prédisposition des français à bien entendre les musiques dites « européennes » : valse, marche, paso, etc.
D’une manière générale, les personnes sensibles au jazz battent correctement la mesure. C’est d’ailleurs amusant, quand on assiste à un concert de swing, car il est facile de distinguer les aficionados de jazz (qui battent sur le « 2 ») des autres (qui battent souvent sur le « 1 »), moins habitués à ce genre de musique. Si l’on s’en tient strictement à la danse, entendre correctement la musique permet de mieux faire corps avec elle. En réalité, cela est nécessaire pour bien danser tout simplement. On rencontre souvent le même thème en salsa où l’on peut danser sur le « 1 » (break on 1) ou sur le « 2 » (break on 2), voire même sur le « 3 » ou le « 4 », disent certains enseignants. L’essentiel, en salsa, est que les partenaires se mettent d’accord une fois pour toutes dès le début de la danse. Pour le reste, c’est une affaire de ressenti musical. Certains sont plus à l’aise (avec leur style de danse) sur le « 1 », d’autres sur le « 2 ». Si l’on a le choix en salsa (car c’est une musique bâtie sur la clave qui n’induit pas une simple binarité), il n’en est pas de même dans le cas des autres danses où le « 1 » du pas de base doit correspondre à un temps impair de la musique et ou le « 2 » doit correspondre à un temps pair.
Ouh là là ! Je sens que les neurones chauffent avec tous ces chiffres. J’arrête donc là… pour cette fois !
Je fais une petite pause dans les articles généraux sur le monde de la danse pour (re)parler un peu de l’autobiographie de Frankie Manning (écrite en collaboration avec Cynthia Millman) en français qui n’a jamais été aussi proche de sa sortie (en fin de mois). Comme cet article va être long, je vais le diviser en deux parties que je mets en ligne au fil de l’écriture.
Genèse Voici un peu plus de 8 mois, je signai le contrat d’acquisition des droits de traduction et d’édition du livre « Frankie Manning: Ambassador of Lindy Hop » avec Temple University Press, l’éditeur original aux États-Unis. Je ne m’imaginais alors pas l’ampleur de la tâche qui m’attendait. Au début, je me suis uniquement focalisé sur le texte. Comme la plupart des Francophones, j’avais lu (ou plutôt survolé) le texte en américain et en avais saisi le sens global sans particulièrement m’arrêter sur chaque mot ou chaque expression que j’avais du mal à comprendre. J’avais ainsi saisi la mine d’informations sur la danse et la musique swing ainsi que la culture afro-américaine et particulièrement celle des années 1920 à 1950. Ensuite, j’ai décidé qu’il fallait faire partager tout cela aux personnes qui ne parlaient pas l’anglais. D’où mes diverses démarches (ayant duré plusieurs mois) pour quasiment harceler les détenteurs des droits pour qu’ils me les vendent. L’affaire étant lancée, j’ai donc porté successivement diverses casquettes que je vous détaille ci-après.
Traducteur La lecture du livre original m’avait laissé apparaître que j’étais capable de me lancer dans cette tâche. En effet, mon niveau d’anglais (que je qualifie de correct mais que mes interlocuteurs étrangers disent bon), ma connaissance du monde de la danse (et de la danse swing en particulier) à un bon niveau et de celui de la musique (dont le jazz) ainsi que mon aisance dans la pratique de la langue française sont des outils qui m’ont été indispensables à ce travail. J’y ajoute, bien sûr, de multiples dictionnaires, livres, sites Internet encyclopédiques, forums de traducteurs et autres amis ayant vécu à New York et parlant l’anglais depuis leur naissance qui m’ont été extrêmement utiles. Dans ce travail, j’ai essayé de rendre le mieux possible le style de Frankie et de faire une traduction la plus neutre possible vis-à-vis du large public visé. En particulier, certains termes et anglicismes trop spécifiques au milieu du swing français n’ont pas été repris tels quels (« routine » ou « danser en social » par exemple). Ainsi, que l’on soit danseur de lindy hop ou danseur de danses de salon, que l’on soit amateur de jazz ou néophyte complet ou que l’on soit simplement intéressé par l’histoire afro-américaine ou par l’histoire édifiante d’une vie, ce texte devrait être abordable part tous.
Correcteur Une fois le texte traduit, il faut s’assurer de la cohérence de l’ensemble en français ainsi que de la bonne application des règles élémentaires d’orthographe et de grammaire. Cette phase requiert de multiples revues de texte, corrections, reformulations, etc. sans pour autant trahir le texte d’origine. Plusieurs bonnes volontés sont été mises à contribution dans cette relecture (et je les en remercie) en plus de logiciels automatiques. Mais je dois dire que jusque dans les dernières minutes, des coquilles étaient encore trouvées. J’ai corrigé dans ma traduction des erreurs qui restaient dans l’édition en anglais, mais il y a des chances que, malgré toute l’énergie qui y a été consacrée, des fautes de frappe subsistent. En tout cas, le maximum a été fait dans le temps imparti pour produire le résultat le meilleur possible.
J’ajoute ci-dessous un lien vers un petit clip qui a servi à faire la promotion de livre lors de sa sortie aux États-Unis en 2007 et en anglais. Cela vous donnera quelques informations en plus avant d’aller plus loin dans les explications.
Je continue cet article en détaillant les différentes casquettes que j’ai dû porter pour aboutir au livre que vous allez bientôt pouvoir acheter.
Éditeur Une fois le contrat de cession des droits pour l’Europe négocié et signé et le texte étant fait, si l’on regarde le livre d’origine, il manque encore les photos. Certaines d’entre elles proviennent directement de Frankie et Cynthia, un contrat additionnel a donc encore été réalisé. Pour d’autres photos, ce fut plus compliqué. Par exemple, l’acquisition des droits de la photo de couverture fut une véritable chasse au trésor afin de trouver qui pouvait bien donner cette licence pour l’Europe (avec le fichier image, bien entendu). Au bout du compte, cette tâche de recherche d’autorisations de reproduction aura pris énormément de temps par rapport à ce que j’avais prévu. Et encore, je ne parle pas des coûts importants que je n’avais pas anticipés pour certaines photos (dont les images rares issues de la Warner et de la RKO). Heureusement que toutes les photos n’ont pas été acquises auprès de professionnels et que j’ai ainsi pu éviter des dépenses supplémentaires qui auraient encore alourdi le prix de vente du livre.
Graphiste et informaticien Voilà, nous avons le texte, nous avons les photos. Il nous faut à présent les assembler dans un ensemble agréable. J’ai choisi de m’inspirer du design de l’édition américaine qui me semble à la fois moderne et sympathique. J’ai donc fait un compromis entre celui-ci et la charte graphique que je suis généralement pour tous les livres que j’édite (polices de caractères définies, emplacement de certaines informations dans le livre, logo, etc.). Le résultat est plutôt probant, mais il a demandé des heures de travail pour réaliser une maquette automatiquement appliquée d’une manière homogène à tout le livre. Je précise qu’un tel résultat n’aurait pas été atteint si j’avais utilisé un simple outil de bureautique comme Word (beurk !) : comme pour tous mes ouvrages, c’est le logiciel LaTeX qui a été mis à contribution avec grand succès. Ensuite, l’intégration des photos a demandé un travail de restauration pour certaines. En effet, Frankie Manning disposait de très vieilles photos plusieurs fois pliées et ayant donc de gros défauts. Là aussi, quelques heures de travail ont permis d’atteindre un résultat correct (dans l’édition originale, les photos n’avaient pas été restaurées). Enfin, une fois cela réalisé, on s’imagine que tout est fini, mais ce n’est pas le cas. Il reste encore un gros travail pour créer un index réellement utilisable, les tables des matières, les légendes en fonction des divers crédits et copyrights, etc. D’ailleurs, l’index a demandé le développement d’un petit programme maison pour automatiser quelques derniers ajustements. Ainsi, même si au dernier moment l’emplacement d’un mot changeait, l’index était toujours recréé en conséquence avec les bons numéros de page.
Encore éditeur Eh oui. C’est la casquette d’éditeur qui revient à cette étape. Il faut à présent traiter avec l’imprimeur pour la fabrication du livre. Contrairement à mon habitude, j’ai souhaité avoir un objet plus robuste au niveau de la reliure (mais cela a un coût et implique des contraintes techniques…). Ensuite, il faut voir comment faire entrer cela dans le budget prévisionnel. Je vous passe quelques détails, mais le résultat est la réception de plusieurs palettes de cartons contenant des centaines d’exemplaires d’un même livre. Il ne reste plus qu’à le vendre pour au moins récupérer les milliers d’euros d’investissement (déjà dépensés avant même d’avoir vendu un livre).
Petit bilan… Jusqu’au dernier jour (et la dernière minute !), j’ai échangé des coups de téléphone et des e-mails avec les États-Unis, en particulier avec Cynthia Millman à qui j’ai fait valider tous les changements que je souhaitais apporter par rapport à l’édition d’origine. Ce travail, malgré sa complexité (décalage horaire, distance, culture et langue, recherches à distance dans des archives, investissement personnel et temps passé pour aboutir au résultat, etc.), a été pour moi très enrichissant. J’ai la satisfaction d’être le seul (en plus des auteurs) à être entré dans le texte dans ses moindres détails et à en connaître les subtilités. Un simple lecteur ne peut pas le faire, même en lisant le livre plusieurs fois. Comme le dit gentiment Cynthia dans son introduction spécialement écrite pour l’édition française, ce travail m’a passionné et je suis heureux d’en être venu à bout. À présent, je souhaite que ce livre résultant du travail de Frankie, Cynthia et moi-même puisse contribuer à faire connaître le lindy hop et ses origines à tous les francophones. Je pourrai écrire encore des pages sur ce travail intensif sur neuf mois (c’est un peu comme mon dernier né…), mais peut-être aurai-je l’occasion de le faire de vive voix si un jour je suis invité à le faire près de chez vous ?
Pour finir, j’ajoute que je prépare un petit montage vidéo promotionnel d’une trentaine de minutes que je pourrai présenter dans diverses écoles, soirées, stages sur demande afin de donner un avant-goût du livre. Je ne vendrai ni ne diffuserai ce montage vidéo pour la simple raison que je n’ai pas acquis les droits de vente DVD de ce qui s’y trouvera. Je pourrai ainsi parler du travail autour de cette édition française, montrer des photos rares (dont certaines que je n’ai pas mises dans le livre !), des extraits de films anciens que Frankie mentionne dans son récit, ainsi que quelques anecdotes non racontées dans le livre et que je tiens directement des auteurs. Bien sûr, le livre pourra être disponible à la vente à l’issue de cet exposé si les organisateurs le souhaitent.
Ah, encore un mot… La disponibilité de cette édition en français est prévue le 27 avril 2009 au prix de 35 euros (je sais ce n’est pas donné, mais je ne suis pas une major de l’édition qui tire à des centaines de milliers d’exemplaires, le tirage est donc limité et le prix de vente en tient compte). N’hésitez pas à me contacter via mon site http://www.rolland-editions.fr (page « contact ») pour plus d’informations.