Archives de catégorie : Société

Article sur un thème de société

Rétrospective de la diffusion musicale

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J’ai eu un peu de mal à trouver un titre parlant pour cet article. En fait, je vais essayer de parcourir rapidement les divers moyens utilisés en un siècle pour diffuser de la musique lors de soirées dansantes ou de cours de danse. En effet, tous les adolescents d’aujourd’hui n’ont jamais rien connu avant le CD audio et les enfants encore plus jeunes auront tous toujours connu la musique au format numérique. Petit retour en arrière…

En 1900, la musique pouvait être écoutée et diffusée uniquement de deux manières : soit en direct par le biais des musiciens et orchestres qui se produisaient en divers endroits, soit mécaniquement par l’intermédiaire de disques. En ce début de siècle, la qualité des enregistrements est telle que cela n’avait rien à voir avec un orchestre en vrai. Le développement du marché du disque se fait à partir de 1902 (le cylindre est peu à peu abandonné) et la durée d’un disque est portée de 2 à 4 minutes en 1908, mais ce n’est qu’en 1926 que cette durée est couplée avec le procédé de gravure électrique qui apportait un gain substantiel en qualité. Je passe ici sur les divers progrès autour de ce support comme le microsillon dans les années 50.

Faisons donc une petite pause chronologique ici. Dans les années 20, les particuliers pouvaient avoir leur propre tourne-disque qui se matérialisait parfois par une petite armoire dédiée qui intégrait le mécanisme de lecture et le cône amplificateur comme les produits de la marque Victrola vendus entre 1906 et 1929. Dans la publicité ci-contre, vous pouvez lire : « Il est exquis de danser sur la musique d’un Victrola ». Des années plus tard, c’est le tourne-disque de marque Teppaz qui a été le symbole des années de « Salut les copains ». Ce matériel (aussi appelé pick-up) était entièrement contenu dans une petite valise dont le couvercle logeait les haut-parleurs. Le matériel fixe a par la suite été appelé « platine » avec l’apparition des chaînes hi-fi et n’intégrait plus les éléments d’amplification et les haut-parleurs. Dans les lieux publics, les années 30 voient apparaître les juke-box, armoires intégrant un système de choix de disques à la demande, mais ce sont les modèles bariolés des années 50 qui restent dans les mémoires. Servant aussi à diffuser de la musique, mais intégrant aussi un système diffusant des clips, on passe des Panoram des années 40 (avec des petits films en noir et blanc appelés soundies) aux scopitones (terme désignant aussi les clips qui y étaient proposés) dans les années 60. Voilà donc en quelques lignes ce qui permettait aux gens de diffuser de la musique pour danser en privé ou en public. Dans les années 30 et 40, on connaît l’âge d’or des big bands (pour qui la musique swing est reine) composés de nombreux musiciens alors que dans les années 50 et 60, les orchestres sont de taille modeste et le rock’n’roll est à son apogée. C’est la fameuse époque des yéyés.

Continuons donc notre parcours chronologique avec le passage de l’analogique au numérique. Je n’oublie évidemment pas l’étape de l’apparition du premier magnétophone à cassettes en 1963 qui révolutionne le domaine en terme de portabilité. L’avantage de ce système à bande magnétique est qu’il est réenregistrable et compact. Cela conduit naturellement à l’invention du baladeur (sous le nom walkman) par Sony en 1979, donnant une certaine liberté aux amateurs de musique et de danse. On peut alors danser le disco ou faire du roller sur ses morceaux préférés. Sur une cassette, on stocke alors de 60 à 180 minutes de musique alors que sur les disques à 33 tours on en trouvait que de 40 à 60 minutes. C’est toujours Sony, associé à Philips, qui en 1983 signe le passage au son enregistré numériquement en créant le disque compact (CD). Ici, on ne stocke que 74 minutes de musique (650 Mo), mais le support est réputé inusable (surtout vis-à-vis de la K7 audio qui est sensible aux ondes magnétiques). La platine CD est aussi déclinée en version baladeur, cela va de soi. Le système du CD audio est encore énormément utilisé de nos jours. Beaucoup d’enseignants et DJ utilisent ce support dans des platines spéciales où l’on peut faire varier la vitesse de la musique (comme la ralentir pour travailler une chorégraphie sur le bon morceau, mais sans trop stresser… ou encore passer d’un titre à un autre tout en douceur au niveau du tempo).

Le lecteur de CD n’est pas seulement un matériel de lecture audio, c’est aussi un périphérique informatique pour les ordinateurs. En 1995 les premiers graveurs de CD enregistrables (CD-R) grand-public apparaissent et chacun peut y faire soit des sauvegardes informatiques, soit de compilations personnelles de ses morceaux préférés issus des CD non réinscriptibles. Et puis, renouant avec la capacité d’enregistrement, voici que naît le Digital Versatile Disc (DVD) en 1996, qui grâce à ses propriétés multi-face et multi-couche, est capable de stocker de 4,7 à 17 Go de données (soit des dizaines d’heures de musique). Il est évident que, avec cette capacité, l’utilisation classique du DVD est plutôt informatique ou vidéo. Le CD reste donc le support audio roi de nos jours, mais c’est sans compter avec la compression et les formats comme le MP3. Ce format audio a été breveté en 1996 par l’institut allemand Fraunhofer. Par rapport au format numérique du CD audio (PCM/WAV/CDA), le format MP3 est compressé. Autrement dit, le son est traité de manière à prendre moins de place une fois stocké. Il faut donc obligatoirement le décompresser via des calculs complexes avant de pouvoir l’écouter. Dans un fichier MP3, le son peut être plus ou moins compressé, mais le gain de place se fait au détriment de la qualité audio.

Voici donc que le son est dématérialisé et extrêmement portable. D’ailleurs, il ne reste pas dans les ordinateurs et les premiers lecteurs MP3 portables ont tôt fait d’apparaître en 1999. Des fabricants comme Saehan, Rio et Creative démarquent alors par leurs produits. Comme les mémoires de type flash (mémoire qui ne s’efface pas lorsqu’on éteint l’appareil) n’atteignaient pas encore les capacités que nous connaissons aujourd’hui, ces baladeurs contenaient un disque dur où l’on enregistrait les fichiers audio en MP3. J’ai moi-même acheté l’un de ces appareils en 2000 sous la forme du Creative Nomad DAP Jukebox avec un disque dur de 6 Go. À l’époque, c’était l’appareil rêvé pour gérer la musique pour mes cours de danse et les fonctions EAX me permettaient même de réduire la vitesse d’un morceau sans faire varier la hauteur du son. De nos jours, on a des appareils qui tiennent au creux de la main pour faire la même chose et une mémoire micro-HD de 8Go est plus petite qu’un ongle… Les enseignants utilisent ces appareils (beaucoup ont des iPods ou des appareils similaires) pour se déplacer avec leur CDthèque sur eux alors que d’autres préfèrent encore le grand écran d’un ordinateur portable associé à son disque dur (éventuellement externe) plein de MP3 comme c’est souvent le cas pour les DJ. On a même des platines DJ virtuelles connectables en USB à un ordinateur qui permet de retrouver le toucher des platines CD sans avoir à manipuler des dizaines de disques en une seule soirée.

Voilà en une page plus de 100 ans d’évolution des habitudes d’écoute musicale pour danser au son de ses musiques favorites. À chacun sa préférence. Je connais des personnes qui préfèrent le contact du boîtier du CD et lire les titres sur le livret associé afin de se laisser porter par l’inspiration. J’en connais d’autres qui préfèrent le choix technique des morceaux triés par thème, par tempo ou par titre et manipuler leur ordinateur avec dextérité. Je connais même au moins un enseignant qui anime toujours ses cours et soirées avec ses cassettes audio qu’il connaît par coeur, quitte à passer son temps à changer la K7, rembobiner, activer l’auto-reverse, etc. Cela me donne l’occasion de dire que, pour un enseignant comme pour un DJ, rassembler et trier sa collection de morceaux de musique est une tâche capitale. Cela représente des heures et des heures d’écoute, de recherche et de classement afin de trouver les titres de qualité pour danser. Parfois, cela a nécessité des jours, des efforts importants et de l’argent pour acquérir un seul disque ou un CD donné. Ainsi lorsque vous demandez à un professionnel s’il peut vous donner une copie d’un disque ou un CD qu’il a utilisé en soirée ou en cours, vous comprendrez aisément qu’il puisse vous dire non. La première raison de ce refus est, je viens de le dire, que c’est un investissement pour lui. La seconde raison est légale, évidemment. Il vaut mieux que vous achetiez vous-même votre musique. En tout état de cause, un enseignant ou un DJ vous donnera probablement volontiers le nom et l’artiste d’un titre ou d’un album pour que vous puissiez vous le procurer en toute légalité. Sinon, si vous aimez danser sur bon son, vous pouvez aussi guetter les soirées avec orchestre ou les concerts où il y a de la place pour danser. Quel bonheur lorsqu’une soirée est organisée au son d’un véritable orchestre en direct live ! Pour ma part, je préfère largement cela à une soirée aux morceaux certes de styles très variés, mais à base de MP3 d’une qualité sonore se rapprochant des cynlindres des années 20… Et là, j’exagère à peine, car j’ai parfois l’impression de ce retour en arrière à cause de DJ qui utilisent mal la technologie ou qui ont négligé d’acheter légalement leur musique…

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L’habit du moine et du danseur

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Les beaux jours reviennent et chacun remplace petit à petit les gros pullovers à col roulé par une garde-robe plus courte et estivale. Sur les pistes de danse, cela ne se remarque pas toujours, car il y fait souvent chaud quand on bouge sans arrêt (petit appel du pied aux propriétaires de salles ou écoles : une clim’ performante ou, à défaut, une bonne ventilation est réellement obligatoire lorsqu’il commence à faire beau). Lorsqu’on regarde la foule bigarrée des danseurs lors d’une soirée dansante, on remarque qu’il y a de tout : de la robe démodée au pantalon chic aux mouvements fluides ou de la chemise du dernier cri au t-shirt trop grand et bariolé.

Qui n’a jamais souri un jour en regardant un gringalet pas très bien fait de sa personne portant des vêtements de sport high-tech et des lunettes de star s’essouffler au bout de 5 petites minutes de course ? Ce n’est pas vraiment le gringalet qui nous prête à sourire ; c’est plutôt le décalage entre ce qu’il semble être et ce qu’il veut paraître qui nous interpelle. On connaît bien l’adage « l’habit ne fait pas le moine » qui nous suggère que ce n’est pas parce qu’on s’habille comme les sportifs de haut niveau qu’on va automatiquement en devenir un. Les apparences sont parfois trompeuses… Mais revenons à la danse et voyons si l’habit ne fait pas le danseur.

D’un premier abord, nous dirons qu’il y a deux principales manières de concevoir l’habillement quand on est danseuse ou danseur qui fréquente les soirées dansantes. La première est une vision sportive : la danse est vue comme une activité physique et, tout comme un sportif, il faut que le vêtement soit fonctionnel avant tout. Ici, on trouve ceux qui utilisent les tissus « respirants », qui disposent d’une petite serviette accrochée à la ceinture ou qui privilégient le t-shirt simple à la chemise. La seconde manière de voir les vêtements quand on danse est d’ordre esthétique. La danse est perçue comme une belle chose où il faut faire honneur à son partenaire ou sa partenaire et paraître soi-même au mieux de sa forme. Là, on parle de maquillage waterproof, de chemise à la mode ou de robes avenantes. Ces deux visions de la chose sont aux antipodes l’une de l’autre et il faut trouver le juste milieu. En réalité, une robe très jolie, mais nécessitant en permanence un réajustement pour qu’elle ne laisse pas trop voir un décolleté n’est pas idéale et, dans le même registre, un chapeau n’est pas un accessoire très commode pour danser. De même, la serviette éponge pendouillant d’une poche n’est pas toujours très commode quand on souhaite avoir toute liberté de mouvement. Je prends volontairement quelques cas très marqués pour bien faire comprendre la chose. Les danseuses et danseurs expérimentés essayent donc en général de trouver le juste milieu entre élégance et fonctionnalité des vêtements.

Ainsi, peut-on s’interroger sur le fait qu’une danseuse de tango argentin danse mieux en talons très hauts, qu’une danseuse de salsa danse mieux avec un pantalon fluide ou une robe faisant des vagues au moindre mouvement, ou enfin qu’un danseur de lindy hop danse mieux avec un pantalon extralarge coupé style années 30 ? N’est-ce pas uniquement lié à l’apparence ? La réponse n’est pas si claire que cela. En effet, la danseuse de tango argentin est susceptible de souvent pivoter sur l’avant de ses pieds, de s’appuyer en avant sur son danseur, etc. et une position où l’appui est naturellement porté sur les demi-pointes lui facilite le travail. Côté esthétique, il est clair que les talons affinent les jambes et rendent la danse plus jolie. Dans le second exemple, la danseuse de salsa peut se sentir davantage « danseuse latino » avec des vêtements qu’elle va sentir bouger sur ses jambes. Pour danser la salsa, la tenue estivale est de rigueur et l’on se sent davantage l’envie de se déhancher et de tourner si les vêtements que l’on porte font penser aux Caraïbes. Enfin, le danseur de lindy hop sera incommodé s’il danse dans un pantalon moulant du fait de sa position aux jambes légèrement fléchies. Celui-ci sera donc bien mieux dans un pantalon large qui, de surcroît, masque sa position fléchie et améliore sa silhouette et l’allure de sa danse (mais on n’est pas obligé de porter la veste comme dans la photo ci-contre…). L’effet de ces vêtements bien choisis est par conséquent à la fois pratique, esthétique et psychologique.

Dans ces quelques exemples, il semble donc bien que l’habit fasse une partie du danseur ou, pour être plus exact, l’habit favorise une danse dans un certain style. Il est difficile d’imaginer des compétitions de danse sportive où les danseuses de latine auraient de grandes robes à plumes pour danser le cha-cha ou la samba et les danseuses de standard auraient de petites robes échancrées pour danser la valse ou le slowfox. Il est par ailleurs clair qu’un très mauvais danseur restera un très mauvais danseur (tant qu’il n’aura pas progressé, évidemment), peu importe son vêtement, tout comme un excellent danseur restera excellent même dans des vêtements peu seyants. L’endroit où se fait la différence se situe donc au niveau intermédiaire (c’est ce qu’on pourrait appeler le « danseur moyen », et il y en a beaucoup !) où les vêtements peuvent contribuer à la danse, à l’état d’esprit du danseur, voire même à détourner l’attention du public qui verra donc davantage l’aspect général que les pas de danse. Il restera toujours à ceux qui ne savent pas bien danser, et qui veulent garder tout le bénéfice d’une belle allure vestimentaire dans une salle de danse, l’option de rester sur le bord de la piste et de paraître occupé à autre chose. Mais on finira tôt ou tard par se poser des questions et se rendre compte de la supercherie…

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Lindy hop : Savoy, Hollywood, Smooth

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Les mots qui composent ce titre peuvent être inconnus à certaines personnes dansant en couple pourtant depuis des années. C’est probablement parce qu’on ne leur a jamais proposé de danser sur du jazz ou du swing de l’âge d’or des big bands. Sur ce type de musique, il est possible de danser le rock, le quickstep, le foxtrot ou le slow-fox. Cependant, quand il s’agit de l’orchestre de Count Basie ou de celui de Duke Ellington, le lindy hop est le must. Développée dans les années 20, 30 et 40 à partir de Harlem (le quartier de New York), cette danse est toujours pratiquée dans le monde entier, particulièrement depuis le renouveau du swing des années 1980. Il a fallu une bonne trentaine d’années au lindy hop pour se remettre de la déferlante du rock’n’roll après la Seconde Guerre mondiale.

Si l’on danse le lindy hop un peu partout (et de plus en plus), ce n’est pas pour autant que tout le monde danse de la même manière. C’est un peu comme pour le rock. On ne le danse pas tout à fait de la même façon dans toute la France, sans parler des variantes à 6 temps et à 4 temps. Bref, la différence par rapport au rock, c’est qu’on entend ça et là qu’il y aurait une rivalité entre le lindy « Savoy style », le lindy « Hollywood style » ou le lindy « Smooth style ». Certaines personnes considèrent les deux dernières appellations comme synonymes, alors que d’autres considèrent que ces styles sont différents même s’ils sont tous les deux issus de la côte Ouest des États-Unis). Essayons de voir ce qu’il en est.

Comme je l’ai dit, le lindy hop est né au Savoy Ballroom de Harlem à la fin des années 20. En réalité, il n’est pas apparu un beau jour comme ça. Il a été développé progressivement à partir du breakaway, du collegiate, du charleston et d’autres influences (dont des acrobates, des comiques et autres spectacles de vaudeville). Les principaux contributeurs à l’évolution de cette danse sont issus des habitués du Savoy qui fait office de plaque tournante, mais d’autres salles de danse de Harlem ont également été impliquées comme le Renaissance Ballroom ou le Cotton Club. C’est à cette époque où, chacun cherchant à épater les autres, les danseuses et danseurs faisaient preuve d’une inventivité telle que la danse pratiquée sur le swing a évolué vers ce que l’on a appelé le lindy hop, mais on peut dire qu’à l’époque, avant qu’une grande tendance ne se dégage, tout le monde avait un peu sa manière de danser le lindy hop. C’est à cette époque que des grands noms de l’histoire du lindy hop ont vécu : Shorty George, Frankie Manning, Norma Miller, Al Minns, Leon James et la troupe des Whitey’s Lindy Hoppers d’une manière générale (elle aussi basée au Savoy dans les années 30). Frankie Manning a énormément contribué à la danse et, avec la troupe que je viens de citer, il a diffusé en soirée, en spectacle ou au cinéma une certaine manière de danser de lindy hop qui est restée sous l’appellation de « Savoy style » (le style du Savoy Ballroom).

Dans cette période riche en nouveautés des années 30 et 40, un certain nombre de personnes sont passées par le Savoy et y ont découvert le lindy hop. En particulier on remarquera un certain Dean Collins qui emmena avec lui les bases du lindy hop du Savoy vers la Californie en 1936 et en particulier Los Angeles dont un quartier, Hollywood, connu pour ses studios de cinéma. Bien sûr, Dean Collins a intégré les bases du lindy et sa pratique les a transformées vers un style qui lui est propre, éliminant par exemple les bounces du style d’origine. On parle souvent du film « Hellzapoppin' » pour la scène de lindy hop dynamique et pleine d’acrobaties effectuée par la troupe des Whitey’s Lindy Hoppers. Mais ce que l’on sait moins (probablement parce que peu d’amateurs de danse ont réellement vu le film en entier…), c’est que Dean Collins danse aussi dans une autre scène de ce film, celle de « Watch the Birdie » au bord de la piscine. On peut voir Dean Collins dans presque 40 films tournés dans les années 40 avec diverses partenaires, mais essentiellement avec Jewel McGowan dont je trouve le style très élégant.

Si l’on devait définir les styles de lindy hop, on pourrait dire ceci. Le lindy hop « Savoy » est très circulaire, la connexion entre les partenaires varie au sein d’une figure afin de laisser une grande liberté à la danseuse, la pulsation rythmique (« bounces ») est très présente, et un certain nombre de figures caractéristiques sont souvent dansées (hand-to-hand charleston, mini dip,… ainsi que de nombreux pas de jazz spécifiques comme le Shorty George, Suzie Q, etc.). Le style Savoy dispose d’une manière de danser « sociale » pour les soirées et les tempos lents à mediums ainsi que d’une manière « spectacle » avec de nombreux kicks pour les démonstrations et les tempos rapides. Enfin, la position « horizontale » des danseurs est orientée vers le/la partenaire, chacun portant son propre poids sans interférer avec l’autre à l’arrêt. Le style « Savoy » conserve donc de nombreux liens avec la culture afro-américaine. Le lindy hop « Hollywood » (ou « Smooth ») se danse plutôt sur une ligne (même si ce n’était pas le cas aux origines de ce style), la connexion est très présente (effet de contrepoids dans le couple) et permet des figures très précises ; de plus, l’ensemble de la danse semble fluide dans tous les axes de l’espace et le triple step n’est pas systématique. Enfin, la position « horizontale » des danseurs est plutôt vers l’arrière, créant une tension entre les partenaires et donc une connexion plus forte. Le style « Hollywood » ou « smooth » s’est éloigné des racines afro-américaines et a donné naissance à encore d’autres variantes à base de lindy hop (où j’avoue parfois ne pas retrouver les bases). Il est à noter que l’on crédite aussi Dean Collins comme étant à l’origine du West-Coast swing qui partage un certain nombre de points communs avec le style « Hollywood ». Notez, par exemple, que le lindy turn s’appelle le whip en West-Coast swing.

Ainsi lorsque la danse swing a commencé à revenir dans les soirées dansantes à partir des années 80, on a naturellement cherché ceux qui étaient là lorsque la danse est née. C’est comme cela que l’on a redécouvert cette danse à New York (mais aussi en Californie) par le biais d’Al Minns, Frankie Manning ou Norma Miller qui ne sont devenus professeurs de danse qu’à cette époque récente. C’est à partir de ce style « Savoy » que le lindy hop s’est donc diffusé de nouveau dans le monde dans les années 80 et 90. Suite à ce renouveau, certains danseurs ont souhaité redonner vie au style originel de Dean Collins dans les années 90. Et c’est là où la dénomination de « Hollywood » est née, pour faire référence à ce style dansé dans les films d’Hollywood. Il faut noter que Dean Collins enseignait la danse en Californie. Ce style a été adopté par les amateurs de swing en recherche de nouveauté et deux « tribus » ont vu le jour en France : les Savoy et les Hollywood (on se croirait dans Koh Lanta…). En général, là où dans une grande ville il y avait des cours de Savoy, on trouvait aussi des cours de Hollywood chez le concurrent. C’est d’ailleurs toujours un peu le cas, un peu comme on a la salsa cubaine opposée à la salsa portoricaine (mais c’est une autre histoire). Cela dit, les danseurs de swing se mélangent au sein des mêmes soirées, car la musique swing reste la base du lindy hop qu’il soit Savoy, Hollywood, Smooth ou que sais-je encore. Ainsi, des figures passent d’un style à l’autre et inversement là où la technique de base ne fait pas obstacle. Car un danseur de Savoy peut avoir du mal à danser avec une danseuse d’Hollywood. En effet, cette dernière attend une connexion forte que le premier n’a pas l’habitude de donner. Apprendre les deux styles peut résoudre l’affaire, mais peut-être est-ce au détriment d’un style visuel marqué ? À chacun de voir. En tout cas, tout cela c’est du lindy hop et cette danse très riche n’a pas fini d’évoluer. À une époque, les danseurs américains de style Savoy venant en France parlaient de « that French lindy hop », ce qui montre bien que les Français ont, eux aussi, apporté leur pierre à l’édifice et ont fait évoluer le lindy hop des origines dans une nouvelle direction.

Avant de clore cet article, j’ai une pensée pour Frankie Manning, décédé il y a presque un an. Il y a un an, j’achevais aussi la traduction et l’édition française de l’autobiographie de ce personnage du lindy hop (« Frankie Manning, l’ambassadeur du lindy hop » ). Coïncidence malheureuse. Frankie n’aura pas eu l’occasion de tenir entre ses mains cette édition française à laquelle il a contribué en personne en écrivant une introduction spéciale pour les Français et en me donnant gentiment des photographies personnelles qui n’ont pas été publiées dans l’édition originale américaine. En revanche, sa co-auteur Cynthia Millman l’a vu et m’en a dit le plus grand bien. En tout cas, je suis heureux que ce livre puisse permettre aux francophones de connaître les origines du lindy hop racontées par l’un de ses créateurs ainsi que le message de paix et de tolérance que Frankie Manning ne cessait de diffuser de son vivant. Ce livre a été primé par la communauté des amateurs de musique jazz en recevant le prix du livre jazz 2009 du « Hot Club de France » et je ne cesse de recevoir des retours positifs sur cet ouvrage depuis qu’il est disponible. Cela m’encourage aussi à poursuivre un travail sur un livre présentant les figures de base du lindy hop d’un point de vue technique et qui sera disponible à la vente cet été.

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Le carnet de bal

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Il y a quelques jours, j’ai vu un film de 1937, « Un carnet de bal », réalisé par Julien Duvivier avec, entre autres, Marie Bell, Fernandel, Raimu et Louis Jouvet. Il raconte l’histoire d’une veuve qui, à la mort de son mari, décide de retrouver tous les jeunes hommes listés dans son carnet de bal ayant servi à ses 16 ans, lors de son premier bal. En dehors de cela et d’une petite scène dudit bal, pas plus de rapport avec la danse dans ce film. Cela dit, il pose le problème philosophique du « que serais-je devenu si j’avais fait un autre choix ? » et des conséquences de nos décisions sur la vie des autres. Question que l’on se pose sûrement lorsqu’on vient de s’étaler par terre après s’être emmêlé les pinceaux sur la piste de danse en entraînant avec soi son (ou sa) partenaire…

Mais revenons à ce fameux carnet de bal qui donne son titre au film (et dont je vous présente une image ci-dessus). Le carnet de bal commence sa carrière au début du XIXe siècle en tant qu’un discret éventail de minces feuilles d’ivoire où les jeunes filles écrivaient le nom des hommes (jeunes ou non) à qui elles accordaient une danse. Il s’agissait donc d’un aide-mémoire afin de ne pas froisser untel ou untel en oubliant pour quelle danse celui-ci devait être son cavalier. À cet éventail se trouvait généralement relié, par une cordelette, un porte-mine permettant d’ajouter de nouveaux noms. Comme ce support était réutilisable, les noms étaient ainsi effacés au lendemain du bal afin que l’objet puisse de nouveau être prêt à l’emploi pour l’événement suivant. Dans certains cas, le carnet pouvait être associé à un autre accessoire de bal comme un petit flacon à sels (au cas où sa propriétaire se sente défaillir…).

Ainsi, la danseuse danse-t-elle en permanence avec son carnet de bal sur elle. Certains modèles comportaient une chaînette munie d’un anneau que les dames passaient au doigt afin de ne pas perdre leur précieux aide-mémoire. Il existait aussi des carnets de bal à usage unique sous la forme d’une ou deux feuille(s) de carton gaufré où était inscrite à l’avance la liste des danses composant le programme de la soirée. En face de chaque danse, se trouvait réservé l’espace nécessaire pour inscrire le nom des cavaliers ayant réservé telle ou telle danse (valse, polka, galop, etc.). Vous pouvez en avoir un aperçu ci-dessus avec le porte-mine associé.

En évoluant, le carnet de bal s’adapte à divers usages et se perfectionne. De la simple feuille, on passe au petit carnet (le fameux « carnet de bal ») ayant donné son nom au film de Duvivier que j’ai mentionné au début de ce billet. Le programme n’est pas forcément imprimé sur les pages, mais on y trouve un ensemble de lignes précédées soit d’un numéro correspondant au numéro d’ordre de la danse dans le programme de la soirée, soit de la mention « 1re danse », « 2e danse », etc. Ainsi, le carnet de bal pouvait-il s’appliquer à n’importe quel programme de danses puisque rien n’était imposé en la matière. Ces carnets étaient protégés par une couverture cartonnée qui comportait en option un anneau permettant de recevoir un crayon à papier.

Voici qui vous donne un tour d’horizon de ce qu’était ce carnet de bal qu’on ne voit plus de nos jours dans les soirées dansantes. Pourtant, un tel accessoire pourrait se révéler bien utile, mais pas tout à fait comme on l’entendait au début du XXe siècle. En effet, de nos jours, il pourrait être utilisé par les hommes à la place des femmes. Je m’explique. Les hommes étant souvent moins représentés en soirée dansante par rapport aux femmes, les rôles sont de plus en plus souvent inversés. Ce sont les danseuses qui sollicitent les danseurs afin d’obtenir une danse (parfois deux si elles ont de la chance). Ainsi, si les hommes participant à une soirée disposaient d’un petit carnet de bal pour être sûrs d’accorder des danses aux plus de danseuses possible, cela simplifierait leur tâche. J’avoue avoir parfois promis une danse à une personne en début de soirée et ne pas avoir l’occasion de danser avec elle avant la fin. Lorsque nous nous croisions, soit je dansais déjà avec quelqu’un, soit elle se faisait inviter par un autre, soit c’était à la sortie de la salle et il me fallait alors faire la promesse d’une danse lors de la soirée suivante. Avec un petit carnet de bal, cette personne nous aurions convenu dès le début à quel moment de la soirée nous aurions pu nous retrouver pour la danse promise ! Certaines pratiques dites désuètes pourraient donc se révéler bien pratiques de nos jours…

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De la musette à la guinguette

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S’il y a un mot qui rime avec musette c’est bien le mot guinguette. Typiquement français, ces lieux ont fait les beaux jours des sorties des Parisiens mais aussi des habitants des régions françaises durant les 19e et 20e siècles. On imagine très bien les familles de délassant au bord de l’eau tandis que d’autres personnes tournoient sur la piste de danse aux flonflons des accordéons jouant de la valse musette ou de la java. Comme ces danses (en plus de la valse viennoise et de la valse lente) constituent le sujet de mon nouveau livre technique à sortir en fin d’année, je vous propose de découvrir l’univers où on les a pratiquées des années durant.

L’histoire des guinguettes commence à Paris dans les années 1700. Ce sont à l’origine des établissements qui servent du guinguet, un vin des environs de Paris soi-disant « tellement aigre qu’il fait danser les chèvres »… On y trouve généralement une petite piste de danse pour ceux qui le souhaitent. Le Petit Larousse fait donne une autre étymologie que je vous livre ici. Le mot proviendrait de l’ancien français guinguet qui signifie étroit. Et d’en donner la définition suivante : « lieu de plaisir populaire […], débit de boissons où l’on peut danser, généralement en plein air ». Du fait de considérations fiscales, les guinguettes s’éloignent progressivement du centre de Paris à la fin du 18e siècle. À cette époque, et durant tout le 19e siècle, on y danse la contredanse et le quadrille (avec son cancan) au départ, puis apparaissent la valse (viennoise), la mazurka, la polka et la scottish. Nous sommes encore loin de l’image de carte postale des bords de la Marne car les origines liées aux cabarets sont encore présentes dans ces établissements.

À la fin du 19e siècle et jusqu’à la Première Guerre mondiale, les guinguettes sortent de Paris et abordent la banlieue et en particulier les rives des fleuves et rivières. La plupart sont localisées sur les bords de la Seine et de la Marne. Le canotage prend une place très importante dans les guinguettes qui proposent également un cadre pour les activités du dimanche : pêche, baignade, etc. Les animations musicales sont faites par des orchestres composés d’un piano, de violons, de clarinettes ou de pistons. D’autres danses sont introduites : le boston (valse ayant fait un petit tour par les USA), la matchiche (ou maxixe) brésilienne, le tango argentin, mais aussi d’autres danses importées des USA comme le cakewalk, les danses animalières, le one-step et le two-step. Les guinguettes rivalisent d’imagination pour attirer les familles en recherche de dépaysement : promenades à dos d’âne, cabanes dans les arbres et espace pour danser. L’ambiance de l’époque est particulièrement bien rendue dans le table de Renoir « Le Moulin de la Galette » (ci-contre) en 1876.

L’entre-deux-guerres correspond réellement à l’image de carte postale des guinguettes : bords de rivière, canotiers, petit vin blanc. Ajoutons à cela le fameux accordéon qui remplace la musette (petite cornemuse). Les rythmes des dancings envahissent les guinguettes : foxtrot, charleston, one-step, paso doble. Dans le même temps, de nouvelles danses typiques du style musette se développent : la valse musette (et sa fameuse toupie), la java et le tango musette. La java en particulier porte une image du marlou (qui fait parfois partie des Apaches, sur lesquels j’ai déjà écrit quelques mots dans un article précédent) avec sa casquette et son air débonnaire qui danse avec une fille qui lui est soumise. C’est aussi l’époque de la valse chaloupée, appelée aussi danse apache, mais qu’on ne pratique normalement pas dans les guinguettes… Les bals musette des guinguettes s’ouvrent petit à petit et deviennent des bals populaires. La batterie jazz fait son entrée après la Première Guerre mondiale et donne une nouvelle dynamique aux danses que les danseurs payaient à l’unité.

La Seconde Guerre mondiale contraint malheureusement à la fermeture la plupart des guinguettes qui rouvrent petit à petit à partir de 1945. Les conditions économiques sont différentes et les musiciens légalement être déclarés, ce qui entraîne la disparition des grandes formations. L’industrialisation et l’évolution de la société ne favorisent pas la fréquentation des guinguettes. Le rock envahit les ondes radio et la télévision et certaines d’entre elles sont transformées en dancings où la musique américaine est reine. Les années 80 verront un retour de l’accordéon musette et le métissage des styles musicaux comme le mélange du jazz et de l’accordéon, mais les guinguettes survivantes ne connaissent le succès que du fait de leur image délicieusement rétro généralement associée à l’accordéon musette.

Voici donc le résumé du point de vue de la danse de l’histoire des guinguettes. Il y a un très bon ouvrage sur le sujet dans le commerce« Mémoire de guinguettes » avec beaucoup d’illustrations et qui donne plus de détails sur le sujet. J’avoue m’être en partie inspiré de celui-ci pour rédiger ce billet car les illustrations replongent le lecteur dans l’ambiance des différentes époques.

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La danse en BD

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Toujours à l’affût de documents ou d’informations en relation avec la danse (et en particulier la danse en couple), je suis tombé cette semaine sur le numéro 396 de la revue Fluide Glacial. Créé le 1er avril 1975 par Marcel Gotlib et Jacques Diament, il s’agit d’un un mensuel de bandes dessinées humoristiques au ton décalé et spécialement conçu pour les adultes. Divers auteurs de côtoient dans ces pages avec des styles très différents aussi bien dans le graphisme que les sujets traités. Les planches de bande dessinée qui ont attiré mon attention ont été réalisées par le dessinateur Frank Margerin dont on connaît plus particulièrement le personnage nommé « Lucien » (créé il y a déjà 30 ans !). Ce dernier est un rocker à la banane qui, vêtu de son perfecto, adore les motos et le rock’n’roll.

Quelle n’a pas été ma surprise en lisant le titre de la BD : « F. Margerin présente : LE LINDY HOP ». Et il s’agit bien d’une aventure de Lucien le rocker qui va prendre des cours de lindy hop ! L’histoire est très sympathique et amusante. Par-dessus le marché, Margerin est bien informé sur les cours de lindy (le rock step, triple step, step, step, triple step est abordé en plus d’autres détails techniques). De là à dire que l’auteur a probablement fréquenté ce genre de cours, il n’y a qu’un pas… Ce qui est particulièrement agréable. Je vous laisse apprécier deux vignettes qui m’ont bien fait rire (je sais, il m’en faut peu, mais c’est quand même bien vu). Pour l’intégralité des 4 planches de l’histoire, je vous laisse vous procurer les originales…

Il y a en réalité peu de BD qui parlent de danse. C’est pour cela que l’initiative de Margerin m’a étonné. J’avais déjà apprécié sa collaboration avec Shirley et Dino (dont je suis plutôt fan) et la BD qu’il a réalisée autour de leurs personnages (plus de détails sur son travail sur ce site. Mais pas réellement de danse dans ce travail. Il existe cependant un autre initiative intéressante en relation avec la danse ; il s’agit de la série d’albums Studio Danse de Crip, le dessinateur, et Béka, les auteurs originaires du sud-ouest de la France. Studio Danse est édité aux éditions Bamboo et en est à son troisième tome. La série raconte l’histoire d’adolescents dans une école de danse où cohabitent la danse classique et le hip-hop. C’est une BD plutôt pour les ados, mais les adultes peuvent aussi très bien s’amuser des historiettes. Il n’y a pas ici de danse de salon dans les scénarii proposés. J’ai depuis longtemps envie de lire une BD ayant pour thème les danses de société, mais rien n’a été fait pour l’instant. Pourtant, il y a de quoi dire. Les histoires courtes et les portraits caricaturés que j’ai écrits dans mes recueils « Histoires de danseurs » et « Nouvelles histoires de danseurs » en sont un bon exemple, je pense. Peut-être un jour une adaptation en BD verra-t-elle le jour si je trouve un dessinateur au style adéquat avec qui je pourrai m’associer ? Encore une idée à suivre !

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Le swing : une danse de dégénérés

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La danse en couple a eu beaucoup de mal avec la bienséance par le passé. Particulièrement au sein des hautes autorités religieuses. Je vous propose de parcourir aujourd’hui un article issu du New York Times du 26 octobre 1938, page 20 (article présenté ci-contre en Anglais). Comme vous le savez à présent, la traduction de textes en Anglais est un exercice que je pratique beaucoup dans le moment, je vous en livre ci-dessous une version française (assez rapidement faite je l’avoue, j’espère que vous pardonnerez les quelques imprécisions).

AVERTISSEMENT SUR LES EFFETS
DU « SWING » SUR LA JEUNESSE
L’archevêque Beckman attaque
les « orgies de jitterbug »
devant la Catholic Women’s Session.
POUR UN PROJET DE L’ÉGLISE CONCERNANT L’ART


Les jam sessions et les « orgies » nerveuses de musique « swing » courtisent les jeunes gens « tout au long de la voie de la facilité qui conduit à l’enfer », a déclaré ce soir le révérend Francis J.L. Beckman, archevêque de Dubuque, au National Council of Catholic Women. L’archevêque Beckman, parlant de « l’art pour la jeunesse et l’Église », a déclaré que « les forces du mal » favorisaient un type d’art « incarnant une propagande maléfique et malveillante » et que l’Église doit agir contre celui-ci. « Aujourd’hui, a-t-il dit, alors que l’Église poursuit avec plus d’ardeur qu’elle l’a jamais fait dans le passé sa politique de motivation, conservation et d’attraction vers elle du meilleur de l’art moderne, les forces du mal travaillent beaucoup à ébranler son statut chrétien, à débaucher ses hauts objectifs et à l’exploiter pour servir des fins personnelles et diaboliques. » « Nous laissons, si nous n’avalisons pas largement par notre indifférence criminelle, les « jam session », les « jitter-bugs » ainsi que les orgies rythmiques de cannibales occuper une place dans notre manière de concevoir les choses en société, faisant suivre à notre jeunesse le chemin de la facilité qui mène à l’enfer ! » « Dans cette position, on a dépouillé l’art, tout comme l’homme de Jéricho, de sa belle essence et de sa belle signification et on l’a laissé pour mort sur le bord de l’autoroute des perspectives communautaires. » L’archevêque Beckman a recommandé que l’Église accorde tout d’abord à la jeunesse « tous les avantages de poursuivre leurs aptitudes culturelles en établissant un nouveau et vigoureux programme d’éducation conçu pour reconstruire et de définir la conception chrétienne de l’art. Deuxièmement, a-t-il dit, les autorités cléricales et laïques devraient s’éveiller à « l’extrême danger de la situation de l’art comme il existe aujourd’hui » et un programme devrait être suivi portant sur « des projets artistiques louables et ayant de la valeur s’étendant dans tous les domaines des efforts artistiques et regroupant les jeunesses diverses du pays. » Mrs. Alfred S. Lucas de Mobile en Alabama, a déclaré aux délégués « notre jeunesse est l’espoir de la nation » et a exhorté à une action catholique par le biais d’un travail d’éducateur et de guide. Une messe pour la jeunesse fut célébrée dans la Church of the Nativity par le révérend Dr. Thomas K. Gorman, évêque de Reno. L’archevêque Joseph Francis Rummel de la Nouvelle-Orléans a déclaré au conseil national que la « philosophie diabolique du contrôle des naissances et du suicide pour la nation. » Il avertir ses ouailles de « regarder les nouvelles tactiques des contrôleurs des naissances, particulièrement les corporations de la maternité. » Miss Margaret Lynch, assistante au secrétariat du bureau, dit que les États-Unis devraient regarder vers les zones fermières pour garder la population. Les zones rurales, par l’intermédiaire de leur isolation et dans certains cas à travers des principes religieux, a-t-elle déclaré, ont été préservées de la « soi-disant civilisation » des villes.

Le swing, une « orgie rythmique de cannibales »… C’est cela oui… Parfois l’être humain me fait peur. Si l’on regarde dans le passé, ce mode de pensée contre les courants nouveaux n’est pas exceptionnel. Imaginez qu’à une certaine époque l’Église avait classé les danses en trois catégories : les danses honnêtes, les danses franchement mauvaises (par leur indécence et leur obscénité) et les danses douteuses et dangereuses. Et il est amusant de constater que la valse était classée dans la seconde catégorie… Rappelez-vous aussi comment la musique rock a été accueillie dans les années 1950. On parlait alors de musique de délinquants et les déhanchements suggestifs des rock stars comme Elvis Presley dérangeaient à tel point que ce dernier était cadré au-dessus de la taille lorsqu’il était filmé au début de sa carrière… Heureusement, les choses et les mentalités évoluent, sinon nous ne pourrions pas nous détendre dans une soirée dansante de nos jours.

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Chaussures pour danser

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Les mots pour nommer les chaussures sont nombreux. On y trouve les sages souliers d’antan, les godillots un peu rustiques, les vulgaires godasses, les plus modernes grolles, les sophistiqués escarpins, les antiques cothurnes, les grossiers écrase-merdes ou encore les simples tatanes ; et j’en passe ! Si le vocabulaire est riche, on pense bien que les utilisations sont tout aussi nombreuses. Les danseurs les plus aguerris n’hésitent pas à pousser le luxe jusqu’à changer de chaussures selon le type de danse qu’ils souhaitent pratiquer ou encore en fonction du type de sol. Alors cette manie est-elle bien fondée ?

Imaginez-vous, mesdames, mesdemoiselles, à danser le rock dans une soirée animée. L’ambiance monte tellement qu’à un moment donné votre danseur vous glisse à l’oreille : « Attention, acrobatie ! » Et là, c’est le drame ! Vous pensez à votre paire d’escarpins en nubuck avec le petit talon adéquat et refusez l’acrobatie au grand dam de votre partenaire. Eh oui, acrobatie ne rime pas avec talons hauts. Danser le rock se fait donc de préférence avec des chaussures plates voire même des baskets pour atténuer les petits chocs dus au piétinement continuel ou aux réceptions des petites acrobaties. Il existe même des chaussures spéciales avec des semelles compensées microaérées réellement très légères et pratiques. Et le jive ? allez-vous me dire. Effectivement, les danseuses de jive portent les mêmes chaussures à talons que pour les autres danses latines. Mais il faut savoir que le règlement de cette danse de compétition interdit les acrobaties : les partenaires doivent continuellement être en contact avec le sol.

Parlons-en, des compétitions. La danse sportive comporte deux catégories de danses : les danses latines et les danses standard. Les danseuses de danses latines (cha-cha, etc.) ont souvent des chaussures ouvertes (la sandale, un peu style été) avec un talon moyen (6,5 cm par exemple) alors que, pour les danses standard (valse, etc.), elles ont plutôt des chaussures fermées (l’escarpin, un peu style hiver pour caricaturer). Les danseurs ont aussi le choix : les chaussures standard au talon bas ou les chaussures latines au talon cubain (environ 4 cm de haut). Pour la danseuse comme pour le danseur, la semelle souple des chaussures est en cuir retourné afin de leur conférer un meilleur appui sur un parquet de bois (cela ne sert à rien si vous dansez sur du carrelage, évidemment). Il est évident que ces chaussures ne peuvent pas être portées à l’extérieur : elles ne sont pas faites pour cela. Comme les poussières et la saleté adhèrent facilement à la semelle, on la gratte de temps en temps avec une brosse en métal pour retrouver les qualités souhaitées.

En plus des cas de figure que je viens de détailler, il ne faut pas oublier que, pour faire de la danse à claquettes, il faut des chaussures à semelle rigide équipées de fers (mais on fait aussi à présent des sneakers à fers…), sinon ça fait beaucoup moins de bruit, forcément… Les danseurs de swing/lindy hop sont répartis entre ceux qui préfèrent les chaussures de villes traditionnelles (souvent bicolores noires et blanches) et ceux qui préfèrent les chaussures de sport avec leur semelle souple. Dans le premier cas, les glissades (slides) sont plus faciles et, dans le second, les pas sont bien amortis et la sensation des bounces du lindy est facilitée. À chacun sa préférence. Dans un autre registre, les danseuses de tango argentin et de salsa affectionnent des chaussures à talons très hauts. Leurs jeux de jambes sont ainsi mis en valeur et cela participe au style de la danse. Pour le tango, le poids du corps peut ainsi être facilement porté sur l’avant du pied alors que pour la salsa, le déhanché est augmenté.

Bien sûr, si vous débutez, n’investissez pas dans de multiples paires. Attendez d’avoir atteint un niveau minimal pour que cela serve réellement à quelque chose. D’autant plus que les chaussures de danse coûtent plus cher que des chaussures de ville que vous utiliserez en plus lors d’autres occasions. Pour démarrer, de simples chaussures de ville (ou des baskets pour le rock) peuvent convenir.

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Le Savoy Ballroom

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Il n’est pas fréquent que l’on puisse précisément identifier un lieu précis comme l’origine d’une danse en particulier. Qui peut dire où la java s’est développée ? Il y a cependant des exceptions. On peut, par exemple, remonter au Palladium pour le style de salsa portoricaine du même nom. Il s’agit d’une salle de bal à deux étages ouverte à New York en 1946 où de nombreux orchestres de musique latine se sont produits, favorisant ainsi le développement du style de mambo/salsa dit « Palladium » (on 2). Alors que je viens de finir la traduction de l’autobiographie de Frankie Manning, j’ai pensé vous parler d’un autre lieu, le lieu fétiche de Frankie : le Savoy Ballroom.

Le Savoy Ballroom est une salle de danse ouverte de 1926 à 1958 située dans le quartier de Harlem à New York. Le Savoy était tout en longueur : il s’étendait sur un pâté d’immeubles tout entier, de 140th Street à 141st Street sur Lenox Avenue. Il était large d’environ 23 mètres : 1122 mètres carrés au total ! Le Savoy avait deux estrades d’orchestre côte à côte, ce qui permettait l’organisation de batailles d’orchestres mémorables entre des big bands de renom (Chick Webb, Benny Goodman, Count Basie, etc.). La piste de danse en bois d’érable occupait la moitié de l’espace. Il y avait une balustrade le long du bord. Des tables et des chaises confortables séparées par des cloisons amovibles en bois se trouvaient derrière la rambarde. L’autre moitié de la pièce était constituée d’un espace-bar décoré d’or et de bleu. J’espère obtenir les droits de reproduction d’une photo de l’intérieur, vide, du Savoy pour illustrer l’édition française de l’autobiographie de Frankie Manning (parmi une trentaine d’autres photos rares).

C’est dans cet environnement motivant que s’est développé le lindy hop en évoluant selon les personnalités des danseurs fréquentant le Savoy à partir du breakaway, du charleston et des autres danses pratiquées dans les années 1930. Les danseurs du Savoy se firent remarquer à l’extérieur de la salle lors de compétitions organisées régulièrement comme le Harvest Moon Ball. Se structurant petit à petit sous l’égide d’Herbert « Whitey » White, les Savoy Dancers devinrent les fameux Whitey’s Lindy Hoppers que l’on rencontra dans des spectacles ou des films comme « Hellzapoppin' » en 1941. Ce groupe de danseurs est à l’origine du lindy hop (que l’on qualifie parfois de « Savoy style ») et de nombreuses innovations ont été faites par eux dans ce domaine (acrobaties, danse en formation, position vers l’avant et dans le sol, twist de la danseuse, etc.). Cette ambiance propice à l’inventivité et l’expression qu’apporta le Savoy fut pour une bonne partie derrière tout cela.

Il faut bien avouer que, de nos jours, des lieux comme cela n’existent plus. Ils ont été en partie remplacés par les écoles de danse, pour une autre partie par les soirées dansantes organisées ça et là (y compris dans des dancings) et pour une autre partie par les festivals, stages ponctuels ou compétitions. Mais je ne suis pas sûr qu’il y ait un lieu en particulier qui puisse prétendre rivaliser avec ce type d’établissement proposant à la fois un espace, de la musique live et une ambiance provoquant une réelle émulation. Mais les temps changent. À l’époque du Savoy, l’essentiel des distractions après une bonne journée de travail était centré autour des salles de danse et des salles de spectacle. Aujourd’hui, il y a la télé avec ses innombrables chaînes, la Wii avec sa manette à tout faire et l’ordinateur avec ses sites Internet de tout acabit (dont ce merveilleux blog ). À chacun de choisir… Pour en savoir plus sur le Savoy, ne manquez pas la sortie de l’édition française de l’autobiographie de Frankie Manning chez Ch. Rolland Éditions à la fin du mois d’avril 2009 !

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Le jumpstyle

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Il est vrai que j’essaye de concentrer les articles de ce blog vers les danses en couple ou des thèmes qui en sont très proches. Mais j’aime bien aussi m’intéresser à ce qui se passe ailleurs. J’ai déjà eu l’occasion de citer la tektonik (ou electro-dance), une danse phénomène apprécié chez les ados depuis quelques mois, mais dont on ne sait pas si la mode durera encore longtemps. En réalité, on n’en entend déjà plus beaucoup parler dans les médias… Cette fois, je vais juste vous dire deux mots d’un autre phénomène (un peu) dans le même genre : le jump style. Pour tous les parents qui voient leurs ados sauter sur place en permanence ou les jeunes amateurs de danse en couple qui ont du mal à comprendre ce que font leurs amis du même âge, lisez donc ce qui suit…

Là où la tektonik/electro-dance comporte essentiellement des mouvements de bras et de rares jeux de jambes, le jump style est tout à l’opposé : on n’y bouge que les pieds. Cette mode a commencé de se diffuser un peu comme la tektonik, via des vidéos Internet. Un jumper (ce serait un certain Patrick Jumpen…) s’est filmé devant son garage à bondir dans tous les sens (le gars de la tektonik s’était filmé dans son garage…) et la vidéo a été vue et les mouvements copiés. On constate que la musique utilisée est plus « dure », plus « techno » que celle de la tektonik (plus « dance music »). On pratique beaucoup le jump style dans le Nord de la France (et de l’Europe) dans des boîtes de nuit sur une techno qui pilonne : chaque temps est bien marqué par des basses énergiques (et on n’entend presque que cela à mon goût). Les soirées jump peuvent rassembler jusqu’à 25000 personnes qui sautent comme des kangourous à qui mieux mieux. D’ailleurs, le nom vient de l’anglais « jump » (sauter) et « style » (euh… style !). Je mets ci-dessous une vidéo issue de Youtube où l’on voit le (fameux ?) Patrick Jumpen danser sur une musique qui n’est encore pas trop violente par rapport à ce qu’on entend dans certaines raves (où l’on danse aussi le jump style).

Comme la musique, l’allure de la danse est moins bon enfant que la tektonik. L’idée est de sauter en rythme sur les basses. Mais la difficulté arrive quand le danseur commence à tourner sur lui-même. Il faut de l’endurance : après quelques minutes le danseur est déjà bien essoufflé… On y fait des kicks sur place et on y retrouve parfois quelques similitudes avec les claquettes (quelques « figures » en portent le nom). Quand les amateurs de jump style se mettent à danser sur un même enchaînement sur une même rangée, cela fait un peu penser aux claquettes irlandaises. À part ces petits aspects un peu techniques, on danse toujours en solo…

Malheureusement, le jump style est aussi pratiqué par des groupes de jeunes extrémistes, attirés par un aspect défouloir violent. Cela ne signifie pas que tous les danseurs de jump style aient cette manière de voir les choses, mais il faut quand même le savoir. Ceux qui ont vu les saisons passées de l’émission So You Think You Can Dance ont pu voir un hurluberlu cagoulé se présenter aux castings initiaux et danser le jump style : il a été rapidement recalé… Pour conclure, je dirais juste que, personnellement, je trouve que les qualités esthétiques cette danse qui fait un peu penser au pogo des punks (mais sans la bousculade) ne se voient que lorsque c’est bien fait (comme pour la tektonik). En tout état de cause, je ne suis pas sûr de tous ces danseurs (principalement des garçons) soient de jolis jumpers (je vous laisse méditer là-dessus en regardant l’image ci-contre).

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LA photo des jazzmen

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Cela fait quelques billets que je poste dans ce blog où je parle de swing. C’est en effet un de mes sujets de prédilection et, vous le savez, la relation entre la musique et la danse est très étroite ; c’est bien pour cela que l’on trouve généralement en librairie les livres sur ces deux thèmes au même rayon. Aujourd’hui, j’ai juste envie de vous parler d’une photo. Une simple photo ? Non, LA photo.

Cette photo, nommée « Harlem 1958 » ou encore « A Great Day in Harlem », a été prise en 1958 par Art Kane. Il s’agit d’une photo majeure dans le monde du jazz. En effet, cette photo représente, en une seule fois, 57 des plus grands musiciens de jazz (54 hommes et 3 femmes) regroupés à New York. Elle a été publiée pour la première fois en janvier 1959 dans l’édition jazz du magazine Esquire.

Alors pourquoi cette photo est-elle si extraordinaire ? La réponse est simple, vous pouvez y voir les visages de grands noms connus comme Dizzy Gillespie, Thelonius Monk, Charles Mingus, Benny Golson, Gene Krupa, Count Basie, Gerry Mulligan, Sonny Rollins ainsi que Lester Young et bien d’autres. Bien que tous les musiciens de jazz de l’époque fussent invités, Art Kane n’avait aucune idée de combien d’entre-eux seraient présents. Il se demandait même s’il en aurait un seul pour faire la photo tout comme ceux à qui il en avait parlé. Il devait être environ 10 heures du matin ; pas vraiment l’heure à laquelle les musiciens de jazz sortent habituellement du lit… L’un d’eux s’étonna d’ailleurs de découvrir qu’il y avait un « 10 heures » chaque matin. C’était en plein été et, pour cette occasion, les jazzmen arrivèrent l’un après l’autre par le bus, en taxi ou via le métro. Dans une interview, Dizzie Gillespie a dit un jour : « Quand j’ai découvert que cette photo allait donner l’occasion de cette grande réunion, je me suis dit que c’était une chance de voir tous ces musiciens sans avoir à aller à un enterrement. » La petite histoire associée à cette photo est qu’il y manque un musicien qui, pourtant était présent ; il s’agit de Willie « The Lion » Smith. En effet, fatigué du temps que mettait la photo à se faire, ce dernier s’était assis sur les marches au moment où le photographe appuya sur le bouton… Quoi qu’il en soit, ces 57 musiciens ont plus ou moins joué les uns avec les autres durant des années sous des combinaisons les plus variées et ont marqué leur temps et l’histoire du jazz. Pour ce qui concerne la danse, c’est leur musique qui a servi à un moment ou à un autre de support à tous les danseurs de lindy hop, de balboa, de shag, de charleston, etc.

Ci-dessus, voici la photo originale à gauche et le même immeuble de nos jours à droite. Sur la photo originale, je vous ai entouré les 3 femmes du groupe et je vous ai ajouté la photo de Willie « The Lion » Smith qui est assis. Il va de soi que cette incrustation est issue d’une autre photo prise le même jour. En avant-plan, on voit que les gamins du quartier ont été autorisés à figurer sur la photo. Peut-être des futurs musiciens (ou danseurs) ?

Au fil des années, cette photo unique a fait le tour du monde. Une très forte allusion à cette photo a d’ailleurs été faite dans le film Acheter sur Amazon de Steven Spielberg où Tom Hanks joue le rôle d’un ressortissant de Krakozie, un pays (fictif) en pleine révolution. Cet étranger au fort accent des pays de l’Europe de l’Est se retrouve coincé dans le no man’s land de l’aéroport de New York (JFK). Il faut attendre la fin du long métrage pour comprendre, mais je vous rassure, j’ai adoré ce film très touchant. Vous pouvez donc le voir ou le revoir si ce n’est pas déjà fait. Je précise quand même qu’il n’y a (quasiment) pas de danse dans ce film, c’est donc un coup de cœur dans l’absolu.

Si l’on a parfois tendance à consommer la musique en tant que danseur, il n’en reste pas moins que, à l’âge d’or du swing, les musiciens et les danseurs étaient très liés. Les danseurs portaient une attention toute particulière aux musiciens de chaque orchestre, car c’est leur musique live qui leur permettait de danser et de passer du bon temps. De leur côté, les musiciens connaissaient aussi certains danseurs et faisaient attention à ce qui se passait sur la piste de danse, et ils n’hésitant pas à même agrémenter leurs improvisations de quelques passages permettant aux danseurs de faire certains mouvements spécifiques. Avec l’expérience et cette cohabitation des musiciens et des danseurs dans un même lieu chaque soir, un lien fort s’est tissé entre eux. L’arrivée progressive des enregistrements, puis des fichiers mp3 et du streaming a ôté une partie de cette communication et a malheureusement souvent transformé la musique en un « consommable » sans âme utilisé pour danser dans l’esprit de certains. Il me semble donc qu’avoir un minimum de culture musicale lorsqu’on danse est particulièrement justifié (toutes musiques confondues) et je ne peux que vous encourager à vous précipiter pour danser devant un orchestre « en direct live » lorsque c’est possible, sans ignorer les musiciens, et de leur accorder vos applaudissements après chaque danse.

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De l’évolution des danses

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Il y a quelques années, je faisais alors des démonstrations lors de soirées dansantes, j’avais eu l’idée de regrouper les danses du début du XXe siècle avec celles de la fin. Ainsi, ma partenaire de l’époque dansait en solo le charleston, le tango, la valse, etc., et j’arrivais en alternance pour danser le disco, les mouvements déstructurés des années 80, la macarena, etc. Il y avait là de quoi étonner les spectateurs. À la fin de notre passage, nous dansions en couple un rock sur une version swing de Y.M.C.A… L’idée était de suggérer aux gens que toutes les danses se rencontrent dans un dancing et que, de ce fait, les danses s’influencent les unes les autres.

L’évolution des danses est particulièrement complexe quand on s’y intéresse de près. Par exemple, le rock’n’roll n’est pas né subitement de rien du tout, pour aboutir au rock, il a fallu passer par le lindy hop qui lui-même vient en partie du charleston. Puis il y a eu aussi l’appropriation par les blancs de cette danse développée par les noirs américains et encore l’influence des chanteurs vedette et leurs mouvements (comme Elvis Presley). Et enfin, de nos jours, on voit bien que la cohabitation avec la salsa influence et amène les nouvelles figures du rock avec ses mouvements de bras un peu compliqués. D’un autre côté, si l’on regarde les danses en solo que l’on voit de nos jours, il y a aussi des influences. On retrouve ainsi, les origines de la tektonik (ou danse electro) dans le hip-hop d’un côté, mais on y trouve quelques petits pas qui sont aussi pratiqués dans les danses en ligne depuis des années. Et je ne parle pas du ragga qui est aussi influencé par la salsa ou des disciplines du fitness comme le step ou l’aérobic où l’on retrouve des « pas de mambo » ou des « cha-cha-cha ».

Ce qui est amusant dans tout cela, c’est qu’à n’importe quelle époque, on essaye de reproduire ce qui a été fait dans les époques précédentes. Aujourd’hui, on danse encore le charleston des années 20, le madison des années 60 et même le disco des années 70-80. Tant mieux, car cela permet de pérenniser ces trouvailles représentatives d’une certaine époque. L’essentiel est de bien avoir conscience que toutes ces danses ont été créées pour s’amuser et se divertir dans une bonne ambiance. Bref, gardez l’esprit ouvert : ce qui est aujourd’hui démodé peut revenir à la mode sous une autre forme dans quelques années. Autant s’y intéresser dès maintenant !

Pour finir la thématique de ce billet, je vous propose de découvrir une petite vidéo qui circule sur Internet. Il s’agit du comique américain Judson Laipply qui retranscrit dans son sketch quelques courants de la danse en solo dans la seconde moitié du XXe siècle. Il a été plusieurs fois imité, mais jamais égalé.

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