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Danse avec les stars à la TV en 2011

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Cela fait plus de deux ans, dans ce blog, je faisais la remarque qu’il n’y avait pas d’émissions de danse grand public à la télévision française et j’émettais le souhait que la situation change. Est-ce suite à mon message (soyons un peu mégalos !) ou est-ce l’évolution naturelle du paysage audiovisuel (soyons un peu réalistes…) ? Toujours est-il que depuis deux semaines une émission de danse en couple passe en prime time sur une grande chaîne française. Il s’agit de « Danse avec les stars » qui passe sur TF1 le samedi à 20h35. Après deux semaines d’émission, il est temps de faire un petit bilan avec un regard de danseur amateur de télévision… non sans avoir refait un petit tour d’horizon du PAFD, le Paysage Audiovisuel Français de la Danse, une exclusivité UltraDanse.com !

Contrairement à ce que certains pourraient croire, entre mon article de 2008 et aujourd’hui, la présence d’émissions de danse à la télévision française n’a pas été nulle. Et je dirais même que, dans l’année qui s’est écoulée, il y en a eu plusieurs. Le tout était de ne pas les manquer… Les émissions en question étaient de plusieurs ordres. Il y avait tout d’abord les émissions où la danse était mêlée à d’autres arts du spectacle. C’est par exemple le cas de l’émission La France a un incroyable talent de M6, adaptation de l’émission américaine America’s Got Talent. Les danseurs en solo ou en groupe ont bien souvent été au premier plan parmi les votes de cette émission de type télé-crochet. Le dernier cas en date est celui du tout jeune couple de danse Axel et Alizée qui sont sortis vainqueurs de la saison en montrant de la danse sportive. Il est à noter que sur 5 saisons de 2006 à 2010, les vainqueurs ont été par 4 fois des danseurs.

En plus des émissions non spécialisées, il y a aussi eu des émissions entièrement dédiées à la danse. Je passe ici sous silence les rediffusions de championnats de danse sportive sur France 3 et Paris Première ainsi que les divers spectacles diffusés sur Arte et Mezzo, par exemple, que l’on connaît depuis déjà un certain temps. Côté séries d’émissions, il y a par exemple eu Dance Street sur France ô (chaîne du groupe France Télévisions). Le principe était que chaque semaine quatre groupes de danseurs, confrontés à diverses épreuves éliminatoires et au vote du public, se défiaient sur des danses dites « urbaines ». Ils devaient convaincre un jury composé du danseur Bruce Ykandji, du chanteur Jessy Matador, et de la professeur de danse Malika Benjelloun. L’équipe gagnante obtenait le droit de participer à une grande soirée événement ou d’apparaître dans un clip. Le casting était un peu biaisé à mon sens, car on essayait de faire rentrer dans la case « danse urbaine » le coupé-décalé, le forro ou encore la danse latine. Il est clair que cela ne pouvait être qu’une troupe de hip-hop qui pouvait en ressortir vainqueur, en 2010 en l’occurrence, ce furent les « 91 Pact » avec du hip-hop new style. Finalement, une émission qui doit encore gagner en maturité malgré certaines prestations de danse de très bonne qualité… Une autre série d’émissions récente était U Dance sur NRJ12, dont c’était la seconde saison en 2010. La finalité gagner sa place pour danser devant 3000 personnes sur la scène mythique de l’Olympia aux cotés de M. Pokora (dont je vais vous reparler un peu plus bas…). Lors d’un grand casting national, 5 candidates ont été retenues pour participer à l’aventure. C’est à Barcelone qu’elles ont rejoint M. Pokora durant 1 semaine et Mylène, Kiya, Ambre, Laure et Emilie ont du relever des challenges quotidiens. Entraînées et épaulées par Laura Treves, une chorégraphe au caractère de feu, elles ont du repousser leurs limites pour montrer qu’elles étaient à la hauteur de l’enjeu. Côté résultat, Émilie a été élue par le public pour faire un solo avec la star et Mylène choisie par M. Pokora pour être le leader du groupe.

En plus des émissions entièrement en français, il y avait aussi des émissions en anglais, mais doublées en français. Une première émission s’appelait Got to Dance. La saison 1 (2009-2010) de cette émission anglaise de casting de danseurs initialement diffusée sur Sky 1 a été diffusée doublée en français sur Gulli (chaîne 18 de la TNT). Parmi le jury on trouvait Ashley Banjo, le leader de la troupe Diversity (vainqueur de « Britain’s Got Talent », l’équivalente anglaise de notre « Incroyable talent » qui a révélé Susan Boyle), ainsi que Kimberly Wyatt (membre des Pussycat Dolls) et Adam Garcia (danseur à claquettes d’origine australienne). L’objectif était de sélectionner la meilleure troupe de danseurs par le biais d’un casting éliminatoire. Ici, il ne s’agissait donc pas de danseurs en solo, mais de prestations en groupe. Dans un registre différent, mais toujours en doublage en français, il y a eu une autre émission récente au concept plus original. Il s’agit de Dance your ass off, émission américaine diffusée en France sur Virgin 17 (l’ancien nom de l’actuelle chaîne DirectStar). L’objectif était, pour un ensemble de personnes à forte corpulence, de perdre un maximum de poids en dansant en association avec un danseur professionnel. Bien sûr, sur plusieurs semaines, l’épreuve portait ses fruits. Les bienfaits de la danse sur la santé sont à présent bien reconnus. Deux saisons de cette émission ont été produites. La première saison était présentée par Marissa Winokur (demi-finaliste dans Dancing With the Stars, saison 6 — voir un peu plus loin à quoi correspond cette émission — et ayant joué dans la version Broadway du film Hairspray) et la seconde par Mel B des Spice Girls (elle aussi demi-finaliste dans Dancing With the Stars, saison 5, mais moins potelée…). Et malgré cela vous pensiez qu’il n’y avait pas beaucoup de danse à la télévision ? La difficulté était juste de trouver la bonne chaîne et le bon horaire. J’essaye d’afficher dans la section « actualités/médias » d’UltraDanse les informations quand je les ai assez tôt, restez donc à l’écoute !

Venons-en à l’émission dont je parlais dans l’introduction de cet article… Danse avec les Stars est l’adaptation française de l’émission anglaise Strictly Come Dancing (également adaptée aux États-Unis sous le titre Dancing with the Stars). En France, elle est présentée par Sandrine Quétier et Vincent Cerutti. Sa diffusion a lieu sur TF1, depuis le 12 février à 20 heures 45 pour une série de 6 émissions. Les noms des célébrités (les fameuses « stars ») qui participent à l’émission sont: David Ginola, Sofia Essaïdi, Adriana Karembeu, André Manoukian, Jean-Marie Bigard, Rossy de Palma, M. Pokora et Marthe Mercadier. Chaque semaine l’un d’eux est éliminé par un vote composé à 50% de celui du jury et à 50% de celui des téléspectateurs qui votent par SMS ou téléphone. Le jury du plateau est composé d’Alessandra Martines (ancienne ballerine et actrice d’origine Italienne), Jean-Marc Généreux (venant du Canada, compétiteur de danse sportive et chorégraphe dans So You Think You Can Dance) et Chris Marques (ancien compétiteur en salsa et chorégraphe dans Strictly Come Dancing, d’origine franco-portugaise exilé en Angleterre). On peut se demander pourquoi la production n’a pas retenu un seul danseur actif en France pour former le jury. Pourtant des professionnels très reconnus avaient passé le casting pour le jury. Si le critère était de « crier » son avis, de se montrer et d’avoir de bons « jeux de mots » lors de l’annonce des résultats, il est sûr qu’ils ont fait le bon choix… Même si le jury peut être considéré comme légitime, les critères « télévisuels » sont encore manifestement trop prédominants par rapport à la danse proprement dite.

À chaque émission, plusieurs danses sont présentées par les couples composés d’une célébrité et d’une danseuse/d’un danseur professionnel(le). Il s’agit d’une des 10 danses que compte la danse sportive (celle des compétitions). Pas de rock, pas de java, pas de lindy hop, ni de tango argentin donc (du moins pour l’instant). Commençons par le positif.

Il y a de jolies prestations comme celles de Sofia Essaïdi et de M. Pokora, deux artistes jeunes avec en plus un background de danseurs (mais pas en couple). En revanche, il y a aussi des prestations désastreuses comme celles de Marthe Mercadier (et l’âge n’est malheureusement pas le seul responsable). Bref, il y a à boire et à manger, mais le critère qui prime, encore une fois, est le spectacle de divertissement, même si la danse n’est pas réussie. Alors, dans ce genre d’émission, qu’est-ce qui fait un bon résultat ?

C’est un ensemble de facteurs dont une star douée pour la danse et motivée, un professionnel compétent et qui sait rendre rapidement accessible une technique complexe à un néophyte, une chorégraphie qui fait un joli spectacle sans négliger la base de la danse utilisée et enfin une jolie musique. Parlons-en de la musique… Je m’interroge sur l’utilisation de certains titres qui me semblent totalement en décalage par rapport à la danse annoncée. Samedi, il y avait une « rumba » sur « Time of My Life » de la BO de Dirty Dancing qui n’a rien à voir avec une rumba. La semaine précédente, il y avait une « valse » sur « Cry Me a River » où la soi-disant valse ne correspondait pas à la musique. Dans les deux cas, il s’agissait du même couple de danseurs (Bigard et Fauve) ; je ne sais pas d’où vient le problème, mais même sans être puriste un débutant prenant des cours de danse en couple en école ou association n’a aucune chance de s’y retrouver. Bref, en conclusion sur cette émission, disons que c’est une initiative positive, car elle a l’avantage de proposer de la danse à une heure de grande écoute. C’est très bien pour le grand public qui ne danse pas et cherche un divertissement. Toutefois, les erreurs de jeunesse et le manque de rigueur au niveau de la danse en elle-même pourraient générer des critiques au sein des personnes qui savent déjà danser et qui auront peut-être du mal à comprendre que la danse n’est qu’un facteur de jugement parmi tant d’autres. Et malgré tout cela, je suis chaque semaine devant l’écran, car peu importe ce que l’on pense, ça fait quand même du bien de voir de la danse à la télévision et j’espère que cela en motivera plus d’un à s’y essayer en vrai.

Me voilà encore arrivé à la fin d’un article fleuve… J’avais pourtant pris la résolution de faire plus court cette année ! Ca compensera donc le début d’année irrégulier de ce blog. Il donc est temps de conclure… Voilà, voilà. J’attends toujours avec impatience l’adaptation française de mon émission de danse préférée So You Think You Can Dance qui doit attaquer cette année sa huitième saison. Je ne parle pas ici du doublage en français qui a déjà été diffusé sur DirectStar pour la saison 3 américaine (tiens, je l’avais oubliée dans la liste, celle-là…), mais d’une vraie version française avec des danseuses et danseurs français ainsi qu’un jury français de bon niveau. Si cela pouvait se faire sans frilosité et avec les moyens adéquats, cela ravirait, je pense, toute la communauté de la danse en France (et probablement en Belgique et en Suisse aussi). Mais sait-on jamais que mon message soit entendu un jour jusqu’au niveau des producteurs et diffuseurs ?

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La clave de la salsa

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S’il est une musique que beaucoup de danseurs considèrent comme difficile à approcher, c’est bien la salsa. Cette musique d’origine cubaine issue du son est tellement riche que certains se perdent dans les multiples percussions qui se complètent, se superposent et font une musique parfaite pour danser et s’exprimer. Dans cet article, je vais modestement tenter de donner quelques clefs à ceux qui souhaitent comprendre un peu mieux comment danser sur une telle musique. Accessoirement, une partie des explications ci-dessous pourra être retrouvée dans un livre à paraître en septembre 2011 que je suis en train d’écrire sur la salsa cubaine (et le merengue) et qui fait le pendant de celui que j’ai déjà écrit sur le mambo et la salsa portoricaine.

La base de la musique cubaine est la clave (prononcer « klavé »). C’est un motif rythmique joué par deux petits bâtons de bois que l’on frappe l’un contre l’autre. Le motif rythmique de la clave comporte deux parties. L’une contient trois sons, et l’autre deux. La clave est ainsi qualifiée de 3-2 ou 2-3 selon que les 3 sons arrivent en premier ou en second. Pour une clave 3-2, on entend donc trois sons sur le 1-2-3-(4) de la musique et deux sons sur le 5-6-7-(8). Pour résumer, le mot « clave » désigne à la fois l’instrument de percussion en bois et le rythme sur 8 temps (2 mesures) comprenant 5 sons. Dans les orchestres modernes, les bâtons de bois sont remplacés par un bloc de plastique utilisé parmi les autres percussions.

Une clave 3-2, comporte 5 sons. Ceux-ci sont positionnés sur le temps 1, entre le temps 2 et le temps 3, sur le temps 4, sur le temps 6 et sur le temps 7. Vous pouvez écouter ce que cela donne en cliquant sur la petite icône ci-contre à gauche. À côté de cela, un pas de base de salsa « on 1 » comporte des appuis au sol sur les temps 1, 2, 3, 5, 6, 7 (salsa cubaine ou portoricaine) tandis qu’un pas de salsa « on 2 » comporte des appuis au sol sur les temps 2, 3, 4, 6, 7, 8 (salsa portoricaine essentiellement). La clave permet donc de danser sur le 1 de la musique, salsa « on 1 », (on y fait le premier pas d’un pas de mambo) ou sur le 2, salsa « on 2 » (c’est donc sur le 2 que se fait le 1er pas). Sur une clave 3-2, les danseurs de « on 1 » suivent les temps 1, 6 et 7 alors que les danseurs de « on 2 » suivent les temps 4, 6 et 7. L’un des impacts de clave tombant entre le temps 2 et le temps 3, il est aussi possible de l’utiliser pour donner des accélérations ou des ralentissements dans la danse, d’où une richesse certaine et, peut-être, une difficulté pour les débutants. Trouver le 1 est donc plus « naturel » sur une clave 3-2 que trouver le 2 sur une clave 2-3 lorsque l’on compte la musique (lorsqu’on en arrive à ressentir la « respiration » de la clave sans compter, tout va mieux).

La clave n’est pas le seul repère que l’on peut suivre pour danser la salsa. Il y a d’autres percussions qui aident à repérer certains temps musicaux, en voici une liste rapide.

  • Congas: temps 2 et 6
  • Campana (cowbell): 1, 3, 5, 7
  • Güiro: 1, 3, 5, 7
  • Bongos: 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
  • Maracas: 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
  • Timbales: 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8

La campana en particulier (que l’on assimile parfois avec un son de cloche), lorsqu’elle est présente dans un morceau de salsa, aide beaucoup démarrer sur un temps pair (salsa « on 1 »). D’un autre côté, les congas aident à démarrer sur un temps impair (salsa « on 2 »).

À ces percussions, il est possible d’ajouter d’autres repères plus harmoniques. Il y a par exemple la basse (contrebasse ou guitare), le piano, les cuivres et, bien sûr, la voix des choeurs ou du soliste. Dans les cas simples, suivre ce qui ressemble à un début de couplet ou de refrain (même si la structure d’un morceau de salsa ne suit pas cette logique) peut permettre de savoir quand poser le premier pas tout en restant en musique.

D’autres styles musicaux méritent d’être détaillés du fait de leur richesse intrinsèque afin que les danseurs puissent pleinement profiter de celle-ci. Avec la salsa, je mettrais volontiers le swing (auquel j’ai déjà consacré un article de ce blog) et le tango argentin. Avec ces musiques, nous sommes loin du rythme binaire du paso doble ou ternaire de la valse. Les possibilités d’improvisation sont infinies et on en découvre encore bien plus lorsqu’on a quelques repères musicaux pour faire s’accorder notre danse à la musique.

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Dean Martin et Jerry Lewis

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Dans les années 1945 à 1956, un duo d’artistes était particulièrement connu aux États-Unis aussi bien pour la qualité de ses sketches qui contenaient aussi bien des chansons que de la danse. Ce duo, mêlant le charme de crooner de l’un de ses membres à l’humour déjanté du second était composé de Dean Martin et de Jerry Lewis. Ce sont deux personnages que l’on a un peu oubliés (et en particulier leur duo à succès) et que je vous propose de redécouvrir ci-après, avec un focus sur leurs prestations dansées qui tenaient une place particulièrement importante dans leurs numéros.

C’est le duo de type clown blanc (Dean Martin) et Auguste (Jerry Lewis) qui a fait le succès de ses membres. Il est vrai qu’auparavant les compères n’avaient pas autant de succès séparément. Avant leur rencontre, Dean Martin (de son vrai nom Dino Paul Crocetti) était un crooner de night-club après avoir été boxeur ou encore croupier de casino. De son côté, Jerry Lewis (pseudo pour Joseph Levitch) était un comique qui faisait des numéros où il mimait de manière exagérée une bande-son. Les deux artistes passaient au Glass Hat Club de New York lorsqu’ils firent connaissance en 1945. Dans leurs premières apparitions en tant que duo, Dean Martin chantait tandis que Jerry Lewis faisait le pitre autour, tentant de le déstabiliser. Le numéro se terminait par une poursuite. Leur succès s’accrut rapidement et leur ouvrit les portes de la radio et de la télévision au point d’avoir leur propre émission. Leur relation se dégrada au bout de quelques années et la fin de leur association était marquée par de nombreuses disputes. À partir de 1956, chacun reprit une carrière en solo au cinéma.

Durant toutes ces années de collaboration, les deux artistes ont persemé leurs numéros de danse. Essentiellement de la danse en couple, mais pas seulement. Cela est arrivé dans des émissions de télévision, mais aussi dans des films. Par exemple, dans le film « Livig It Up » de 1954 (photo ci-contre), on voit Jerry Lewis danser le lindy hop/jitterbug avec Sheree North. Même s’il fait le pitre, on devine bien ses qualités de danseur (que je vous propose de découvrir à la fin de cet article). Pour le duo de choc, l’émission « Colgate Comedy Hour » (voir plus bas) a été un terrain expérimental particulièrement riche où ils s’adonnaient à toutes sortes d’exercices allant du sketch burlesque à des prestations aux allures de comédie musicale. Et il faut bien avouer qu’ils n’hésitaient pas à faire quelques pas dans les bras l’un de l’autre pour faire rire le public. C’est dans cet état d’esprit caractéristique que ces amoureux du jazz et des danses associées ont fait découvrir le swing à des milliers d’Américains.

Je vous propose de regarder une vidéo en 2 parties. Il s’agit du sketch de la leçon de danse de Dean Martin et Jerry Lewis. Cette vidéo est extraite de l’émission américaine « Colgate Comedy Hour » (sponsorisée par la marque incluse dans son nom), diffusée à la télévision le 11 décembre 1950. Dean Martin fait le professeur de danse et Jerry Lewis fait un néophyte un peu simplet… Ceux qui ne parlent pas anglais auront peut-être un peu de mal à saisir toutes les subtilités des gags, mais ils pourront quand même comprendre l’essentiel de l’humour des deux comparses que j’aime personnellement beaucoup. On se demande si Jerry Lewis, à son époque, n’avait pas déjà inventé le jumpstyle (danse dont j’ai parlé il y a plusieurs mois dans un autre article de ce blog).

Et voici la seconde partie du sketch…

Le « Colgate Comedy Hour » est une émission de télévision qui a été diffusée à la télévision américaine de 1950 à 1955. Jerry Lewis et Dean Martin firent les beaux jours de cette émission, comme vous avec pu le deviner dans les vidéos ci-dessus. Dans une émission de la série, Jerry Lewis (presque) tout seul fait la comparaison avec la danse swing des années 40 et une nouvelle manière de danser en progression. C’est ce que je vous propose de regarder ci-dessous.

Pendant longtemps, j’ai cru que Dean Martin était simplement un chanteur grâce à des CD de compilation de crooners et Jerry Lewis un clown à cause de la rediffusion de certains films comme « Docteur Jerry et Mister Love ». Ce n’est que plus tard, avec l’ère de Youtube, que je suis tombé sur des vidéos d’époque qui m’ont prouvé qu’ils aimaient aussi beaucoup la danse et qu’ils en parsemaient leurs numéros pour notre plus grand plaisir. J’ai souhaité limiter à 3 le nombre de vidéos de cet article, mais je vous conseille d’aller faire un tour sur les sites d’hébergement de vidéos (Youtube ou Dailymotion) et d’en découvrir d’autres (dont certaines faites chacun de son côté après la fin de leur duo).

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De l’importance des bases

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Aujourd’hui, je vous propose de parler des bases techniques de la danse. En effet, les professeurs de danse ont l’habitude de toujours commencer leurs cours du niveau débutant par la même chose. Invariablement, les premiers pas, les premiers mouvements, les premières figures seront les mêmes, peu importe le nombre d’élèves et peu importe leur aisance naturelle. Ces premiers éléments que l’on découvre lorsqu’on débute dans un style de danse sont appelés les bases.

Si l’on regarde dans le dictionnaire Larousse, on trouve la définition suivante pour le mot « base ».
Base : nom féminin, (latin basis, du grec basis, allure)
(1) Assise, socle, support sur lesquels repose un objet : La base d’une colonne.
(2) Partie inférieure d’un corps, par laquelle il repose sur ce qui le soutient ou le rattache à quelque chose d’autre : La base d’une montagne. La base du cou.
(3) Origine, fondement, principe de quelque chose, ce sur quoi tout repose (souvent pluriel) : Établir les bases d’un accord.
[…] Issu de Larousse.fr

Dans le contexte de la danse, la base est donc ce sur quoi repose tout le reste. Sans une bonne base, tout le reste ne tient pas, comme le socle pour une statue ou les fondations pour une maison. D’ailleurs, on a plutôt l’habitude de parler de bases (au pluriel), car c’est une combinaison de différents éléments qui sert de support à la danse. Parmi ces éléments de base, on a des postures, des mouvements et des règles. C’est en combinant ces éléments de base que l’on forme un certain style de danse que l’on va pouvoir classifier. Par exemple, l’en-dehors et les pointes font partie des bases de la danse classique. Le flamenco ne comporte pas ces éléments de base et il est donc aisé de ne pas confondre une chorégraphie classique et une chorégraphie de flamenco. Autre exemple, la position de base du tango est très rapprochée (contact important de la cuisse aux côtes flottantes, etc.) alors que dans les positions de base du cha-cha les partenaires sont bien plus éloignés. Sauriez-vous différencier le tango du cha-cha sur les photos ci-contre (en faisant abstraction de ce qui est écrit, évidemment…) ? Ce sont les bases de ces danses respectives qui leur confèrent leur personnalité et leur allure visuelle.

Dans le cadre des danses en couple, les bases donnent non seulement une certaine allure à la danse, mais elles servent aussi à la communication entre les partenaires. Prenons le cas du rock. Pour pouvoir danser ensemble sans heurts et en musique, deux partenaires doivent partager les mêmes bases, car même en rock divers styles et techniques existent. Prenons quelques exemples.

  • Rock à 4 temps ou 6 temps ?
    Danser le rock à 4 temps signifie qu’un pas de base est effectué sur 4 temps musicaux. Cela implique donc qu’un pas de base de rock à 6 temps dure 2 temps de plus. Naturellement, s’il n’adapte pas son pas, un danseur à 6 temps ne pourra pas danser avec une danseuse à 4 temps… Sans compter les différences de technique de guidage.
  • Ligne de danse fixe ou non ?
    Certaines méthodes ne parlent pas de ligne de danse en rock alors que d’autres imposent une ligne fixe dans l’espace (c’est plus pratique pour les voisins…). Cela entraîne un potentiel décalage dans l’espace entre les partenaires si l’un des deux ne suit pas strictement une ligne de danse.
  • Connaissance ou non de certaines conventions (appel de main par exemple) ?
    L’appel de main est un signal visuel permettant à un danseur de demander l’une des mains à sa partenaire. Si la partenaire ne connaît pas le signal correspondant, elle ne présentera pas sa main et le danseur sera gêné pour guider la figure qu’il a en tête.

Ce ne sont que quelques exemples sur une danse donnée, mais je pourrais en énumérer beaucoup d’autres. J’ajoute à cela le fait que de mauvaises bases empêchent une danseuse/un danseur de progresser à un certain moment de son évolution. Un danseur qui ne sait pas faire correctement une pirouette (un tour sur soi) aura du mal à en faire deux à la suite. De même, un danseur qui n’a pas une bonne technique de bas de base de rock ne pourra pas danser correctement sur des tempos très rapides. C’est pour cela qu’il faut prendre le temps nécessaire pour bien maîtriser les bases et ne pas brûler les étapes (les professeurs sont donc parfois obligés de canaliser l’impatience de leurs élèves pour s’en assurer).

Si l’apprentissage des bases est capital, il est aussi essentiel de travailler régulièrement ces bases. Les bases doivent généralement passer à l’état de réflexes ou au niveau de l’inconscient (un peu comme la conduite automobile) afin de franchir les étapes suivantes. Par la suite, lorsqu’on danse et que l’on progresse, on a tendance à se focaliser sur les derniers mouvements ou les dernières techniques qu’on a appris. Et, petit à petit, on perd de vue ces fameuses bases et, même si on les connaît, on peut avoir tendance à en simplifier ou déformer des parties. D’où cette nécessité de rafraîchissement régulier de mémoire. Il n’est pas déshonorant, pour un danseur avancé, de retravailler les bases avec les débutants. Les difficultés rencontrées par ces derniers lui rappellent d’ailleurs un état d’esprit qu’il peut avoir laissé de côté.

Enfin, bien acquérir les bases est aussi important pour des raisons de sécurité. Cela va du simple fait de marcher sur les pieds de son/sa partenaire en valse à la bonne exécution d’une acrobatie de rock acrobatique. Le moindre risque peut avoir des conséquences : un bras mal maîtrisé et c’est l’oeil au beurre noir, un appui non préparé et c’est la chute, etc. Ce genre de désagréments est le propre de toute activité physique et la danse, qu’elle soit de salon ou hip-hop, n’y fait pas exception.

La conclusion de cet article portant sur les bases est simple : pour bien danser, il faut apprendre. Pour bien apprendre, il faut suivre des cours dispensés par des gens sérieux et être conscient des conséquences de bases mal acquises. Et pour parodier une célèbre maxime : bases mal acquises ne profitent jamais !

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S’amuser en dansant

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Voici la fin de l’année calendaire. Une de plus ! En même temps, c’est l’occasion de dire « un article de plus ! ». Ce sera toutefois mon dernier article pour cette année 2010. Et j’ai choisi de faire ce 43ème article de l’année sur un thème réjouissant. À chaque soirée dansante à laquelle je participe ou à chaque spectacle dansant auquel j’assiste, il n’y a rien de plus réjouissant que de voir des gens qui s’amusent en dansant. Mais ce n’est pas à la portée de tout le monde.

Pour commencer ma petite réflexion sur le sujet, je vais parler de l’aspect spectacle. On a toujours dit qu’une danse est belle quand les danseuses et danseurs semblent se mouvoir sans effort, comme si toute leur danse était facile. Évidemment, cela n’est généralement pas le cas et c’est cela qui fait que l’on ne peut pas détacher ses yeux du spectacle : on est captivé. Pour moi, c’est aussi l’une des caractéristiques des films hollywoodiens de l’âge d’or où Fred Astaire semblait parfois flotter au-dessus du sol lorsqu’il dansait. C’est aussi l’effet que font les danseuses étoiles dans les ballets classiques : faire des pointes semble si facile lorsqu’on les regarde danser, mais c’est une tout autre histoire lorsqu’on s’y essaye soi-même ! Bref, tout est une histoire de maîtrise de soi. J’assistais à un spectacle il y a quelques jours où certains danseurs étaient tellement concentrés sur leur chorégraphie qu’ils en oubliaient qu’ils dansaient pour un public. Leur sourire absent ne m’a pas donné envie de les regarder, contrairement à d’autres juste à côté. Si cela se trouve, ils ont fait de jolies figures, mais j’ai préféré regarder, sur la scène, d’autres danseuses/danseurs qui, elles/eux, arboraient un joli sourire et avaient l’air d’apprécier ce qu’elles/ils faisaient.

Voici un extrait vidéo de l’émission « Strictly Come Dancing » (saison 6/2008 anglaise). Le champion de danse sportive Matthew Cutler danse avec Christine Bleakley, une présentatrice de télévision irlandaise. Je vous laisse regarder le spectacle et les sourires omniprésents.

Mais le spectacle n’est qu’un aspect de la danse. La danse libre que l’on pratique en soirée, aussi dite « sociale » en référence à son caractère d’interactivité entre les personnes, est aussi un aspect important. Et là, l’amusement est aussi un facteur d’épanouissement. L’amusement peut être soit intérieur (tout se passe entre les deux partenaires, leur connexion et la musique) ou plus extérieur (l’amusement des partenaires se voit et divertit aussi les spectateurs au bord de la piste de danse). Le premier cas est caractéristique du tango argentin ou du balboa par exemple. On a l’impression qu’il ne se passe pas grand-chose vu de l’extérieur, mais en réalité il y a un dialogue permanent entre les partenaires. Le second cas et davantage visible en salsa, en rock, en lindy hop ou encore en west-coast swing où les danseuses et danseurs s’écartent, se rapprochent, se lâchent, se retrouvent, etc. Il faut évidemment avoir quelques années de pratique dans l’une ou d’autre de ces danses pour être en mesure de se détacher des pas et figures de base et de réellement se lâcher. C’est un peu comme lorsqu’on apprend à conduire : quand on sort de l’auto-école, on doit penser à tout un tas de détails pour bien conduire et on ne peut pas regarder le paysage. Lorsqu’on est davantage expérimenté, on peut se permettre de lever les yeux, se détacher de sa conduite sans pour autant perdre le contrôle de son véhicule et donc apprécier le paysage. Pour résumer, en danse, on commence réellement à s’amuser lorsqu’on peut apprécier le paysage sans mettre la voiture dans le fossé… Tout le monde peut y arriver, mais il faut un minimum de travail.

Pour illustrer cela, je vous propose une vidéo amateur où deux américains (Tatiana Mollmann et Mickey Topogigio) se lâchent complètement en dansant le west-coast swing. Cela fait vraiment plaisir de les regarder s’amuser et le public ne s’y trompe pas. Et pourtant ils dansent…

À chaque Noël, je me dis que je pourrais faire une rubrique « cadeaux pour les danseurs », mais j’y pense toujours un peu trop tard pour que cela soit réellement utile aux visiteurs d’UltraDanse… Cette année, il y a de nombreux coffrets DVD regroupant plusieurs films de danse, des CD de musique pour danser à foison, des calendriers avec des photos de danse, sans oublier les livres pour les passionnés. Quelques idées classiques de dernière minute faute de mieux… En attendant de se retrouver au début de l’année 2011, je vous souhaite d’excellentes fêtes de fin d’année à tous. Il vous reste encore quelques jours en 2010 pour vous amuser en soirée dansante et — pourquoi pas ? — prévoir de passer le réveillon en dansant !

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Bien tirer parti d’un stage

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Lorsqu’on apprend à danser, il arrive que le virus de la danse nous contamine à tel point que les cours réguliers hebdomadaires dans notre école préférée ne nous suffisent plus. C’est là que les stages intensifs s’imposent petit à petit comme un moyen d’en apprendre toujours plus. Pour ceux qui en sont à ce stade, il est important de faire attention à quelques détails qui permettront de tirer efficacement parti des stages intensifs.

La première chose à faire est de bien choisir son stage. Il s’agit donc de cibler ce que l’on souhaite faire (perfectionnement ou découverte). Un stage intensif est en effet particulièrement utile pour se perfectionner avec un enseignant différent de celui/celle qui nous a formés. Il est important de ne pas rester focalisé sur une seule et unique vision de la danse afin de ne pas se fermer des portes et s’ouvrir l’esprit et le corps à d’autres mouvements. Même si nous n’avons pas a priori l’habitude des nouveaux mouvements (ou des nouvelles techniques) qui sont enseignés dans certains stages, chaque effort pour comprendre et appliquer ne peut être que bénéfique pour notre danse. Un stage est également utile pour découvrir une nouvelle manière de danser. C’est là où, même si l’on a plusieurs années de pratique derrière soi, il faut consentir à revenir au niveau débutant en partant du principe qu’une nouvelle danse, une nouvelle technique doit être comprise à partir des bases.

Le choix du stage étant fait, il faut trouver un hébergement si les cours se déroulent à loin de chez nous. Il vaut mieux prendre un hébergement proche du local de stage et s’y installer la veille du premier jour si possible. Il est en effet difficile de cumuler la fatigue du voyage aller avec une journée entière de cours sans en ressentir les conséquences sur notre niveau d’attention. Il faut donc se coucher tôt et passer une bonne nuit avant de commencer un stage du bon pied. Cela est particulièrement vrai pour les stages de week-end où les deux jours doivent pleinement être mis à profit. Pour les stages plus longs, il faut savoir que le corps ne prend le nouveau rythme intensif qu’à compter du quatrième jour. Les trois premiers sont donc particulièrement éprouvants physiquement parlant (courbatures, fatigue, etc.). Ensuite, ça s’arrange. Il ne faut évidemment pas lésiner sur de bons repas équilibrés et s’hydrater. Il vaut encore mieux manger un peu trop et avoir assez de forces pour tenir la route que tomber de fatigue et ne pas parvenir au bout du stage… Durant tout le stage, il faut s’astreindre à un minimum de discipline ; l’objectif étant de pouvoir se rappeler du contenu des cours par la suite.

Lors des cours, il ne faut pas hésiter à se donner à fond afin de bien ressentir les mouvements que nous sommes censés faire. Si les mouvements ne sont pas faits qu’à moitié, les sensations se graveront plus facilement dans notre corps et notre mémoire. C’est davantage fatigant, certes, mais plus efficace. Lorsqu’un cours se termine, il est parfois autorisé de filmer les enseignants qui refont le programme exprès. N’hésitez donc pas à apporter un bon caméscope (ou un appareil qui fait de bonnes vidéos) non sans avoir oublié de charger la batterie et y avoir inséré une cassette (ou une carte mémoire) avec suffisamment de capacité. Il va sans dire qu’il est préférable de tester l’appareil en question au préalable afin de ne pas manquer l’unique prise de fin de cours. Ainsi, à chaque fin de cours, il faut rester attentif au moment où les enseignants feront les mouvements appris durant la séance. S’il n’est pas autorisé de filmer les enseignants, il est possible de demander la permission à un autre stagiaire (ou plusieurs) de refaire le programme du cours devant votre objectif. L’idée est ici de capturer le mouvement à chaud.

La phase suivante se passe le soir de chaque journée de stage. Il est utile de noter dans un calepin ou un cahier tout ce dont vous vous souvenez de ce qui a été dit durant les cours de la journée. Encore mieux, si vous avez un creux dans votre programme de cours durant la journée, vous pouvez en profiter pour y prendre vos notes. Ces notes sont un complément très utile à la vidéo puisque vous pouvez aussi y porter vos sensations, vos commentaires et tout ce que vous trouvez important de noter pour une reproduction fidèle.

La dernière phase du processus parfait se situe après le stage. C’est là où il faut reprendre votre vidéo et en faire un petit montage rapide, mais propre, avec des titres pour chaque cours ou séquence enregistré(e). Il existe des outils gratuits (Movie Maker sous Windows) ou pas trop chers et très simples d’utilisation (Première Elements) pour faire cela. Il faut absolument effectuer cette opération qui permet l’archivage propre des vidéos du stage dans un laps de temps très cours après le stage. La raison essentielle est que plus vous traînez, moins vous en aurez l’envie et moins vous en trouverez le temps. Puis les vidéos s’accumulent : un stage, puis deux, puis on finit par ne pas exploiter les vidéos faute d’accès facile aux différentes scènes. La vidéo étant montée (et éventuellement gravée sur DVD), le nec plus ultra est alors de la visionner en relisant vos notes et de compléter ces dernières avec les détails que les images vous remettront en mémoire.

Et vous voilà enfin prêt(e) à retravailler les mouvements du stage au moment qui vous conviendra le mieux, vidéo et support écrit à l’appui. Il est toutefois conseillé de ne pas trop tarder afin de bien profiter de la mémoire du corps qui, elle aussi, se détériore avec le temps sans pratique. Par la suite, un petit rappel de temps en temps permettra d’asseoir ces nouvelles connaissances sur le long terme. Ce ne sont là que quelques conseils (que j’ai essayé de généraliser à divers types de stages de danse, en couple ou non) que chacun saura adapter à sa personnalité et ses habitudes. Rappelons-le, un stage n’est pleinement profitable que si l’on intègre sur le long terme ce que l’on y a étudié. Si, par malchance, vous n’avez pas la possibilité de réviser le contenu des cours sous quelques semaines après le stage, vous risquez de devoir participer de nouveau à un stage similaire pour réellement progresser.

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Le « vrai » swing

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L’idée de cet article m’est venue il y a quelques mois en lisant une vieille méthode de danse de 1946 qui porte le même nom que cet article « Le vrai Swing » de A. de Vyver. Dans ce fascicule de 24 pages, l’auteur décrit ce qu’il considère comme étant le « vrai swing ». Cela amène un peu plus loin ma réflexion à ce que peut être une « vraie » danse… Je commence donc par recopier ci-dessous la préface du fascicule en question qui est édifiante.

Extrait de « Le vrai Swing » de A. de Vyver (1946)
Cette méthode a été étudiée spécialement pour permettre à tous d’acquérir rapidement et facilement le « Swing » tel qu’il doit être, c’est-à-dire correct, dansant et spectaculaire. Avant de passer à l’étude des bases fondamentales du « Swing », il est bon, pour la clarté même de l’enseignement, d’établir une classification des différents « Swing » qui firent fureur ces dernières années.
Premièrement : Le « Swing » pratiqué en dancing.
Deuxièmement : Le « Swing » réel.
Le « Swing » pratiqué dans les dancings, appelé aussi « Swing » populaire, ne fut en réalité qu’un « Swing » déformé, dans sa tenue, dans ses figures, dans ses bases, et ceci, afin de simplifier. Ainsi on vit naître un peu partout des « Swing » de toutes sortes et baptisés « Swing » américain, nègre, double-temps, slow-swing, etc… Chaque danseur avait le sien. L’un dansait un « Swing » à quatre temps, un autre dansait en six temps, un autre dansait en huit temps, etc… Et l’on vit dans les bals des excentricités de toutes sortes : tiraillements, sauts séparés, rattrapés, course à cloche-pied (exact). Naturellement, rien de tout ceci ne ressortait du « Swing » et encore moins de la danse.
Et l’accueil que ces curieuses figures trouvèrent auprès de la jeunesse ne peut s’expliquer que par l’absence de distractions à laquelle cette jeunesse fut contrainte pendant les années 1940 à 1945. Nous n’enseignerons donc pas ce genre de « Swing », puisqu’il est la déformation même du vrai, et puisque, pour l’apprendre, il n’est pas besoin de leçons.
Le « Swing » réel, dit aussi « Swing » de Club, a toujours été le préféré des amateurs de danse. La correction de sa tenue (rapprochée), ses figures spectaculaires, élégantes, ne nécessitant, par ailleurs, que peu de place, en font le « Swing » de prédilection pour les amateurs de vraies danses récréatives. Notons que ses figures ne sont pas toutes composées du même nombre de temps ; on y trouve des 4, 6, 8, 10 et même 12 temps, comme d’ailleurs dans la plupart des danses. C’est à l’étude de ce « Swing » qu’est consacrée cette méthode. Nous étudierons seulement les figures les plus usitées, accessibles à tous, en laissant de côté les fantaisies compliquées nécessitant la présence d’un professeur.

Dans sa méthode, le « professeur A. De Vyver », décrit une danse semblable au foxtrot (position fermée, suivant la ligne de danse autour de la piste de danse) et qui fait alterner genoux fléchis (temps pairs) et genoux tendus (temps impairs) dans un pas de marche. Il y présente le pas chassé, le break sur 6 temps (rien à voir avec un break musical), le croisé tourné sur 8 temps, ainsi que le snap sur 10 temps. Je ne vais pas m’étendre plus loin sur le contenu de cette méthode, puisque ce n’est pas réellement l’objet de l’article.

Ce qui me semble intéressant de remarquer, c’est cette notion de « vrai swing ». Une danse peut-elle être vraie ? Peut-être est-ce oui si l’on veut faire référence à une pratique à un moment donné en un lieu donné par une personne donnée (ou à un standard diffusé), mais peut-être est-ce non dans d’autres cas. Je ne vois pas pourquoi une manière de danser serait plus vraie qu’une autre du moment qu’elles sont toutes les deux pratiquées sur une piste de danse ou une scène. On devine bien que l’auteur se base sur ses connaissances de l’époque (1946, rappelons-le) et qu’il veut tordre le cou à une nouvelle vague de mouvements qui apparaît sous le nom de « swing » alors qu’il pratique lui-même une danse du même nom, mais qui a des mouvements différents. Il faut aussi garder en tête que cette personne est professeur de danse (et, à l’époque, c’est un statut d’importance semble-t-il) et qu’il voit d’un mauvais oeil cette concurrence qui ne nécessite pas de leçons, selon ses mots. Il est évident que l’auteur de ce texte n’a pas le recul que nous avons aujourd’hui pour pouvoir trancher ce débat sur le « vrai swing » qui naît déjà en 1946.

Cela me rappelle un peu une fiche d’UltraDanse.com que je viens de modifier (celle qui présente le rock) et le début de mon travail sur le site il y a 10 ans. J’avais écrit à l’époque que le « vrai rock se danse sur 6 temps ». Je souhaitais diffuser la bonne parole (en tout cas celle dont j’étais partisan à mon stade de maturité). Oui, mais voilà : on évolue au fil de nos nouvelles connaissances et aptitudes. Aujourd’hui, j’ai compris qu’il n’y a pas de « vrai rock », mais plusieurs manières de danser le rock. Le seul problème ensuite est d’être en mesure de danser avec quelqu’un d’autre qui dit aussi danser le rock. Quoi qu’il en soit les différents styles cohabitent sur les pistes de danse lors des soirées. C’est la même chose pour le lindy hop, dont la guéguerre entre « Savoy » et « Hollywood » n’a plus réellement cours, puisque la nouvelle génération de lindy hoppers ne fait plus vraiment la distinction et utilise des techniques issues des deux styles concurrents dans les années 90.

Mais je reviens un peu sur cette histoire de foxtrot/swing du professeur De Vyver. Si ce qu’il appelle swing ressemble beaucoup au foxtrot, c’est qu’il y a une raison. J’ai déjà eu l’occasion de dire ici que le foxtrot, le lindy et le rock peuvent très bien cohabiter sur une piste de danse. En réalité, ce type de cohabitation se faisait déjà dans les années swing au fameux Savoy Ballroom de New York où s’est développé le lindy hop des origines. Voici un extrait issu du documentaire « Frankie Manning: Never Stop Swinging » (PBS, 2009) qui reprend lui-même un film des années 1950 à l’on voit comment l’on dansait au Savoy Ballroom de Harlem. Ce montage vidéo met en évidence les danseurs de « Swing Walk » (autre nom donné au foxtrot) qui dansent autour de la salle alors que les danseurs de lindy hop en occupent le centre.

Y a-t-il un « vrai swing » en tant que danse ? La réponse est non, de toute évidence. Et nous ne le savons que depuis quelques années. Le swing, c’est une famille musicale qui a donné naissance à tout un ensemble de danses. Cela part du foxtrot au West-Coast swing en passant par le lindy hop, le balboa, le shag et même le rock. La meilleure preuve en est que ces différentes danses cohabitent souvent sur les pistes de danse au son d’un même titre. Bien sûr, l’évolution de la musique a élargi l’application de ces danses à d’autres styles musicaux. On danse ainsi le balboa sur du swing manouche, le rock sur de la pop des années 80, le West-Coast swing sur du R’n’B, etc. De plus, ces danses ont subi l’influence d’autres danses qui n’ont rien à voir au niveau musical, comme la salsa ou le tango, ainsi que l’influence d’autres cultures issues de la diffusion mondiale des danses. Ainsi, à chaque époque correspond une certaine pratique de telle ou telle danse. Nous ne dansons plus le lindy hop comme dans les années 40, pas plus que nous le dansons comme dans les années 80 et il y a de fortes chances que nous ne le danserons plus comme aujourd’hui dans 20 ou 30 ans. Tout est un subtil mélange entre influences, maturité, standardisation et contexte musical. Entre les amateurs de la tradition et ceux de la modernité s’établit un équilibre qui évolue selon les époques et les lieux.

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Des robots et des hommes

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Comme tous ceux qui suivent l’actualité des nouvelles technologies, je remarque mois après mois les progrès des recherches dans ce domaine. En particulier, il y a une dizaine de jours a été dévoilé au Japon un nouveau robot nommé « HRP-4C », capable de chanter et de danser. Je vous livre donc aujourd’hui quelques réflexions sur ce sujet.

Depuis que l’homme a compris qu’il pouvait construire des machines capables d’être autonomes, celui-ci a imaginé qu’elles pouvaient un jour ou l’autre le remplacer dans certaines tâches. Cela a commencé au niveau d’un certain nombre de tâches simples où les machines en question avaient le statut de simple outil (moulin à eau, voiture, etc.). Puis, la technologie évoluant, ces outils sont devenus de plus en plus perfectionnés et certains domaines en particulier sont nés. Parmi ceux-là, il y a la science des automates, l’informatique, puis la robotique. De nos jours ces trois disciplines se sont rassemblées pour que les robots aient l’air plus vrais que nature ou, en tout cas, de plus en plus proches de l’être humain.

En réalité, on ne parle de robots que depuis 1941. Le premier à utiliser ce terme fut chercheur et écrivain Isaac Asimov. Ce concept ne s’est répandu qu’à partir d’une dizaine d’années plus tard où l’on a pu développer des robots industriels pour construire des voitures, par exemple, ou encore des robots ménagers pour hacher, mixer, etc. Pendant des années, les robots n’ont en rien pu ressembler aux hommes : le bras mécanique d’un poste à assembler les voitures ne ressemble pas à un humain, pas plus que le robot aspirateur Roomba (dont le nom se prononce comme la danse « rumba ») n’a de jambes pour se déplacer. Ainsi, chaque robot a la forme qui sert le mieux la fonction pour laquelle il a été conçu. Il ne restait qu’aux films de science-fiction la possibilité d’imaginer des robots aux formes vaguement humanoïdes dans un premier temps (par exemple, « Forbidden Planet »/ »Robby the Robot » de Fred M. Wilcox en 1956), puis aux formes des plus réalistes par la suite (« Blade Runner » de Ridley Scott en 1982, mais n’oublions pas « Metropolis » de Fritz Lang en 1927).

Ces dernières années, de nombreux progrès ont été faits qui permettent de s’approcher de ce qu’ont imaginé les scénaristes des films de science-fiction. Celui qui a le premier fait parler de lui était le robot Asimo de Honda. Créé en 1986, ce robot humanoïde ressemble un peu à un cosmonaute. Sa particularité est qu’il sait marcher, cela était d’autant plus remarquable que la gestion de l’équilibre est très difficile à gérer pour un robot sur deux jambes. Nous, les humains, n’imaginons pas forcément tous les microajustements qui sont faits par notre cerveau et nos muscles à chaque instant pour conserver notre équilibre. Et c’est évidemment encore plus difficile quand on danse. Le fait même d’écarter un bras fait se déplacer le centre de gravité de notre corps vers le bras en question et nous oblige à compenser par ailleurs. Si cela n’était pas fait, nous tomberions tout simplement par terre de déséquilibre. Le robot Asimo du début a été amélioré et il a été suivi par d’autres semblables fabriqués par des laboratoires de recherches autres que ceux de Honda. De nos jours, Asimo sait bouger les bras, descendre les escaliers, éviter des obstacles, etc. D’autres robots savent courir, chevaucher un vélo, etc. De là, à savoir danser, le pas est vite franchi.

Je vous propose une petite vidéo de robots dansants. Ils sont fabriqués par Sony et se nomment les SDR-4X. Cette vidéo date de 2006, il y a fort à parier qu’ils font encore mieux aujourd’hui. Cela dit, ils ne se fondent pas encore réellement dans une troupe de danseuses.

À présent, la vidéo de l’événement que j’évoquais en introduction de cet article. Voici la prestation du robot HRP-4C qui non seulement sait danser, mais il sait aussi chanter en même temps (la voix du robot est une voix de synthèse). Si l’on regarde bien, son visage sait prendre un certain nombre d’expressions humaines. L’équipe de développement de ce robot (National Institute of Advanced Industrial Science and Technology au Japon) appelle sa technologie « Chorenoïd » pour bien montrer que ce robot sait faire plusieurs choses à la fois et que cela est géré simplement par un logiciel. Ce qui m’a frappé dans ce robot est sa capacité à déhancher. Regardez par vous-même.

On le voit, il est naturel que l’homme essaye de fabriquer des machines à son image et qui se rapprochent le plus possible de ce qu’il sait faire. Ce qui est moins naturel est d’effet inverse. On connaissait « Monsieur Data », le robot « droid » de Star Trek, The Next Generation, qui n’avait de cesse que de ressembler à un humain au point d’apprendre à danser pour faire bonne figure devant une humaine qu’il a invitée dans un épisode. Mais, dans le monde de la danse, et celui du hip-hop en particulier, il y a les humains qui veulent ressembler à des robots. Par exemple, voici un enchaînement dansé par un duo de Danois sur une émission du style « Incroyable Talent » en 2009.

D’un côté, les robots qui s’approchent de l’être humain, d’un autre côté les humains qui veulent ressembler à des robots. Je trouve amusante cette comparaison qui nous permet de nous interroger sur notre nature humaine et sur la raison qui nous pousse à danser d’une manière ou d’une autre. Est-ce que cela fait partie de la nature humaine profonde de danser ? Est-ce qu’un robot qui sait danser a gagné une part d’humanité ? Est-ce si compliqué d’être humain que certains cherchent à simplifier cette nature pour se rapprocher de robots ? La liste des questions peut être longue et les réponses ne sont pas si simples que cela. Le débat est ouvert ! Je vous laisse donc ici avec de quoi réfléchir…

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Tilili, Chilili, Guili-guili, kuduro ?

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Certains ont peut-être remarqué qu’une nouvelle danse se diffuse petit à petit depuis quelques mois dans les soirées dansantes. C’est une danse en ligne qu’on m’a présentée sous le nom de « Tilili ». On m’en avait déjà parlé, mais je n’avais pas eu l’occasion de m’y intéresser… Jusqu’à il y a quelques jours où, dans une soirée dansante l’un des participants s’est proposé de la faire faire à toute l’assemblée. Tout d’abord intrigué, je me suis levé afin de mieux voir et d’éventuellement pratiquer ces nouveaux pas qui ont l’air d’avoir du succès. Ce que j’ai vu m’a laissé coi.

La personne en question, pleine de bonne volonté, a montré les quelques pas composant la danse : bascules avant-arrière achevées par un coup de talon en tournant d’1/4 de tour puis déplacement à droite, déplacement à gauche, petits pas en reculant, bascules avant-arrière achevées par un coup de talon en tournant d’1/4 de tour avant de recommencer dans la nouvelle direction. Cela ne vous rappelle rien ? Jetez un oeil à la chorégraphie country en ligne de l’electric slide. En informatique, on appelle cela un copier-coller…

Si la personne ayant montré ce « Tilili » avait été habituée à danser cet enchaînement et si le début avait été positionné au niveau des pas de côté, je l’aurai reconnu encore plus vite. Ce qui autorise à se poser la question de la nouveauté est la musique très « Caraïbes » qui sert de base à la danse. Par ailleurs, la personne en question n’a pas appliqué le style « danses des Caraïbes » qui s’imposait : déhanchés marqués et remplacement du « kick » à la fin des déplacements latéraux par un coup de hanche à la manière de la bachata. Je connaissais les trois manières de danser l’electric slide (country, swing et Caraïbes), mais je ne savais pas qu’on avait donné (récemment, semble-t-il) un nom particulier à la variante « Caraïbes ». Bien évidemment, de retour chez moi, je n’ai pas pu m’empêcher de rechercher de plus amples informations autour de ce fameux « Tilili ». D’où vient ce titre ? Pourquoi a-t-on commencé à danser l’electric slide dessus ? Voici ce que j’ai trouvé…

Tout d’abord, le nom : Tilili. En effectuant des recherches, je n’ai tout d’abord pas trouvé de chanson nommée comme cela. En revanche, j’ai trouvé un morceau nommé « Tchiriri » (ou « Xiriri »), interprété par le groupe Costuleta et qui correspond à la musique que j’avais entendue en soirée. On trouve ce titre (« A Dança Do Tchiriri ») sur plusieurs compilations libellées « Kuduro » et il semble qu’il passe dans les discothèques de la région parisienne et des Antilles depuis plus d’un an. On peut aisément deviner qu’une personne ayant vu la danse un jour sur ce titre, l’a transmise à d’autres personnes en déformant le nom « Tchiriri » en « Tilili » du fait d’une mauvaise compréhension des paroles et de la méconnaissance du titre d’origine. Cela aurait tout aussi pu devenir « guili-guili » (vous comprenez enfin le titre de cet article ?) ou autre chose…

La musique kuduro (« cul dur » en portugais mais avec un « k » au lieu du « c » initial) aurait été inventée par Tony Amado (un Angolais) en 1996, inspiré par « I Like to Move It » et les rythmes traditionnels d’Angola. Pour résumer, il pourrait s’agir de techno angolaise. La danse kuduro, quant à elle, est plutôt frénétique et met en action les hanches et les fesses d’une manière importante. Tony Amado déclare avoir inventé les premiers mouvements en s’inspirant d’une danse de Jean-Claude Van Damme saoûl vue dans « Kickboxer » et de danse traditionnelle angolaise. La musique et la danse kuduro sont particulièrement populaires chez les jeunes au Portugal, au Brésil et au Cap-Vert, destinations de nombreux immigrants angolais. Le kuduro se développe lentement en France depuis quatre ans pour la musique et un ou deux ans pour la danse. Jusqu’ici, pas grand chose à voir avec l’electric slide… C’est à ce moment de mes recherches que je m’aperçois que certains clips de musique kuduro mettent en scène la chorégraphie de l’electric slide avec quelques autres mouvements. C’est peut-être de là que vient l’association entre la danse kuduro et l’enchaînement en ligne de l’electric slide. On attribue l’electric slide original à Ric Silver qui, entre 2004 et 2007, a effectué plusieurs actions en justice pour réclamer la paternité de cet enchaînement qu’il aurait créé en 1976. Il souhaitait en plus que chaque représentation filmée de l’electric slide soit faite en conformité avec l’original. Je ne sais pas ce qu’il pense de ce « Tilili ». Peut-être le simple changement de nom suffit-il à en faire légalement un autre enchaînement ? Je n’ai pas la réponse. En tout cas, Ric Silver souhaite que l’on mentionne son nom à chaque fois qu’on parle de l’electric slide, ce qui est donc fait dans cet article…

Pour étayer tout ce que je viens de dire, voici une vidéo d’une émission brésilienne qui met en concurrence diverses danseuses de kuduro. Même en regardant de très près, je n’ai pas vu trace de l’electric slide…

Cet article montre bien, je pense, qu’une nouveauté n’en est pas toujours une. Ici, la musique est bien d’un style nouveau qui met du temps à s’imposer en France. Mais la danse n’est pas nouvelle. Il n’y a que les gens qui ne connaissent pas les danses en ligne qui peuvent prendre cet enchaînement « Tilili » pour une série de nouveaux pas. Je ne sais pas réellement si l’on peut dire qu’ils se sont faits avoir, car ils ont réellement appris un enchaînement qu’ils peuvent à présent danser en bal country ou en soirée swing (!). En tout cas, cela pose l’éternel problème des personnes qui copient des choses et, au lieu de dire : « je l’ai copié là », disent : « je viens de l’inventer ». Et ce mensonge leur attribue la paternité d’un travail qui n’est pas le leur. C’est une attitude que je n’approuve pas.

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La danse bretonne

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S’il est intéressant de découvrir les danses traditionnelles de France dans leur ensemble, il est encore plus intéressant d’approfondir le cas de certaines d’entre elles. Mon nom de famille ne cache pas mes origines bretonnes et il me semble donc logique de vous présenter un peu de la culture qui est la mienne. Ce n’est pas parce que j’ai émigré vers le Sud que j’en oublie mes racines, loin de là. Je vous invite donc à passer quelques minutes dans le monde des danses bretonnes (comme la célèbre gavotte) où le fest noz et la langue bretonne sont bien présents. Précisons dès à présent que danse se dit dañs en breton et que cela se prononce comme le mot français.

Pour bien comprendre ce qui suit, il faut savoir que la Bretagne n’est pas une région où la culture est uniforme. D’ailleurs, on ne parle pas le même breton à Brest qu’à Vannes. C’est une région composée de plusieurs « pays » (bro en breton) qui ont chacun leur propre microculture et n’ont pas de réel rapport avec les départements (Finistère, Côtes-d’Armor, etc.) que nous connaissons aujourd’hui. En marge de ce découpage de type « province », on rencontre une division qui a son importance dans le domaine de la danse : Basse-Bretagne (à l’Ouest et où l’on parle breton) et Haute-Bretagne (à l’Est et où l’on ne parle pas beaucoup breton, voire plus du tout). J’espère que ces précisions aideront les non-Bretons à mieux comprendre les choses…

La première danse bretonne dépeinte par écrit serait le trihori. (On rapproche le nom de trihori du breton tri c’hoari qui signifie « trois jeux » en référence aux trois parties composant la danse.) On retrouve sa trace dans un document de 1588 de Thoinot Arbeau qui la décrit comme une sorte de branle (danse du moyen-âge). En cette comparaison, on trouve donc des similitudes avec des danses traditionnelles d’autres régions de France. En Basse-Bretagne, on distingue cinq danses dont semblent découler les autres : la gavotte (dañs tro, largement diffusée), l’an dro parfois écrit en dro (région de Vannes et souvent associé à l’hanter dro), la dañs Treger (région du Trégor), la dañs Leon (Nord du Finistère) et la dañs tro plinn (centre de la Basse-Bretagne). En Haute-Bretagne, c’est moins clair, car les travaux de recensement n’ont été réalisés que tardivement. On trouve néanmoins clairement des danses apparentées à l’an dro bas-breton, des ronds ou rondes, des passe-pieds, des branles vendéens. On remarque l’absence de noms bretons pour ces danses de Haute-Bretagne. Toutes ces danses se pratiquaient souvent en cercles fermés. On peut ainsi citer d’autres danses connues comme la ridée, le laridé, la danse du loup, le jabadao, la dañs plinn, mais aussi en Haute-Bretagne la pastourelle, l’avant-deux et les quadrilles.

Comme pour beaucoup de danses traditionnelles, la pratique a longtemps été essentiellement tournée vers les moments clef de la vie des gens : grands travaux agricoles (moissons, arrachage des pommes de terre, grands défrichages, etc.), activités de groupe (confection de paniers, etc.), événements familiaux (mariage, etc.), événements commerciaux (foires), événements religieux (pardons, feux de la Saint-Jean, etc.) La danse était accompagnée de chants ou de musiciens (sonneurs de biniou et de bombarde, mais ils ont été rejoints par des joueurs de violon, de clarinette ou d’accordéon). Le recours aux musiciens (qui étaient payés) avait généralement lieu lors de grands événements. Les autres fois, les danses étaient animées par des chanteurs (qui n’étaient pas payés, eux) qui peuvent très bien danser en même temps qu’ils chantent. À noter, la spécificité des chants bretons en la technique du kan ha diskan (« chant et contre-chant ») où deux chanteurs alternent en une sorte de question-réponse.

À l’époque, chaque bro avait ses propres danses qui se diffusaient peu et les différentes danses étaient généralement transmises par mimétisme : chaque nouveau danseur apprenait sur le tas en regardant les autres ou en intégrant directement (et maladroitement) la danse de groupe. Mais l’industrialisation de la fin du XIXe siècle avec ses voies de communication crée une ouverture vers l’extérieur, qui fera évoluer la danse plus rapidement que précédemment. En effet, la société évolue vers une individualisation plus présente là où l’esprit de groupe était essentiel à la survie. C’est ici que le cercle formé par les danseurs s’ouvre et se transforme en longue chaîne où le meneur du début de la chaîne décide du chemin. Puis, on passe à des chaînes de plus en plus courtes (jusqu’à finir au simple couple) où chaque individu pourra être amené à se montrer un peu plus. En parallèle de cette évolution, les mouvements de bras sont apparus là où les danseurs se serraient littéralement les coudes à l’origine, ce qui ne permettait pas aux bras de bouger, mais renforçait le lien entre les danseurs. Au XVIIIe siècle, les danses de Haute-Bretagne sont également influencées par la contredanse anglaise (country dance) où l’on danse couple par couple, comme dans un quadrille. La contamination sera effective au début du XIXe siècle. Et l’on ne parle pas des polkas et autres scottiches qui se diffusent dans tout le pays et sont assimilées par les danses traditionnelles.

La danse bretonne la plus connue de nom est probablement la gavotte. Cette danse bretonne (aussi appelée dañs tro en breton) doit son appellation française à la gavotte française dansée à la Cour du fait que les deux danses se pratiquent en cercle, mais il semble que l’origine de la danse n’ait pas de rapport avec la gavotte française. Les pas de la gavotte bretonne varient selon la zone géographique où elle est pratiquée (différence au niveau des changements d’appuis, petits sauts, vitesse, etc.). Cette zone s’étend sur environ les 3/4 de la Basse-Bretagne. La gavotte peut se trouver au sein de suites de danses incluant des moments de repos (parfois marqués par une marche). Je réserve une description détaillée des pas pour un autre article.

Même si elle est la plus connue du fait de son nom français, ce n’est pas à la gavotte à laquelle pensent les touristes se rendant en Bretagne. Ils ont en tête l’image d’une danse se dansant en cercle, certes, mais qui comporte des mouvements de bras et où les danseurs se tiennent par le petit doigt. En réalité, il s’agit là de l’an dro (que l’on peut traduire par « la ronde » ou « le tour » en français). Cette danse peut aussi se faire en chaîne ouverte où les hommes et les femmes sont alternés et se tiennent effectivement par le petit doigt. Le néophyte en danse peut éprouver des difficultés à synchroniser le mouvement de ses pieds avec celui de ses bras qui est caractéristique de la variante de Baud et qui correspond à ce qui est dansé de nos jours en fest noz. Je vous donne quelques détails.

Lorsqu’ils dansent en rond, les danseurs démarrent face au centre du cercle et se tiennent par le petit doigt. La rythmique de base est : « 1 et 2, 3 et 4 », que l’on peut aussi énoncer : « vite, vite, lent, vite, vite, lent ». Cette rythmique est marquée par les pieds : un pas par mot en commençant par le pied gauche, on sautille très légèrement, les pieds toujours posés à plat.

  • 1. Écarter le pied gauche à gauche.
  • et. Assembler le pied droit au pied gauche.
  • 2. Écarter le pied gauche à gauche.
  • 3. Assembler le pied droit au pied gauche.
  • et. Piétiner du pied gauche sur place.
  • 4. Piétiner du pied droit sur place.

Donc pour résumer, un déplacement en pas chassé se fait sur « 1 et 2 » alors que l’on reste sur place sur le « 3 et 4 ». Enfin, il y a le fameux mouvement des bras. En réalité, il est simple : on enroule comme si on tournait deux manivelles à la fois (on termine coudes en bas et mains en haut) sur « 1 et 2 » et on effectue le mouvement inverse (on déroule) sur le « 3 et 4 ». Ce qui est compliqué au début, c’est de faire les pas et les bras en même temps. En guise d’exemple, voici un an dro dansé en chaîne en 2008 par le cercle celtique « Bleuniou Lann An Aven » lors de la soirée de l’Aven à Riec sur Belon, dans le Finistère. Un film réalisé par un amateur, mais qui est assez représentatif.

Depuis années 40 et encore davantage après la Seconde Guerre mondiale, les cercles celtiques et les groupes de loisirs déforment (volontairement ou non) les danses que leurs danseurs pratiquent. Ils créent ainsi de nouvelles danses et variantes. L’invention de nouvelles danses a aussi été parfois faite en contradiction avec le support musical traditionnel (on effectue des pas sur une musique qui n’y est traditionnellement pas associée). Le renouveau de la danse traditionnelle bretonne se fait en partie grâce au chanteur et harpiste Alan Stivell (dont l’une des mélodies connues a été reprise dans les années 90 par le groupe Manau) qui, par la musique et ses prises de position, affirma sa culture et l’identité de ses racines. Après 1970, l’évolution des musiques populaires amena le remplacement du chant dans les festoù noz par des formations musicales où apparaissent les guitares électriques. Une petite précision : festoù noz est le pluriel de fest noz, une fête en soirée. Si la fête se passe le jour, on appelle cela un fest deiz (« fête de jour »). Ces fêtes traditionnelles sont devenues un vecteur de transmission non seulement des danses bretonnes, mais aussi de la musique bretonne. Ces rassemblements se font comme les soirées de danses à deux, il s’agit d’une sortie de loisir pour se divertir et voir du monde dans une ambiance festive. Le mot fest noz dépasse aujourd’hui les limites de la Bretagne puisqu’on qualifie parfois de fest noz les bals folk d’autres régions où d’autres danses traditionnelles sont pratiquées (mazurka, polka, scottich, bourrée, etc.). Ces rendez-vous familiaux et populaires ouverts à tous semblent être très positif, cependant ils ont produit des effets pervers sur les danses des origines par un gommage des difficultés techniques, l’uniformisation des gestes lorsque des cours d’initiation sont donnés, etc. En même temps, on voit parfois la disparition des rituels de danse dans les festoù noz (disparition du meneur, attitude légère vis-à-vis des traditions, perte de respect, etc.). De même, on assiste à la dissociation entre la musique et chant d’un côté et la danse de l’autre côté.

Comme pour beaucoup de danses traditionnelles, si nous pouvons encore danser ces danses traditionnelles bretonnes, c’est grâce aux efforts de collectage qui ont été faits du temps où il y avait encore des survivants connaissant les danses des origines. Il y a toujours une opposition entre les partisans de la tradition intacte des origines et ceux qui pensent que les danses ne vivent que si elles sont pratiquées et si elles évoluent selon leur contexte de pratique dans le temps. Là-dessus, je vous laisse réfléchir… L’été est passé et vous aurez peut-être manqué quelques festoù noz lors de vos vacances en Bretagne. Néanmoins, jetez un oeil à côté de chez vous : il y a sûrement un groupe d’irréductibles Bretons expatriés qui vous accueilleront avec plaisir. Il y en a partout, même où je vis à présent, dans le Sud-Ouest toulousain…

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Bonnes et mauvaises surprises

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En parcourant diverses vidéos sur Internet, on tombe parfois sur quelques surprises. Certaines surprises sont bonnes d’autres sont plutôt mauvaises. Il est clair qu’Internet est un vecteur pour tout type de contenu et qu’il en faut pour tous les goûts. Dans cet article, je vais vous présenter une vidéo de chaque type (à mon avis !). À vous de juger…

Je mets la première vidéo dans la catégorie des mauvaises surprises. Voici en effet une vidéo de 2007 issue de l’émission « Dancing With The Stars ». Cette émission est diffusée aux USA et a pour principe d’associer une célébrité avec un professionnel de la danse. Ensemble, ils doivent concourir et affronter d’autres couples en présentant des chorégraphies au public et au jury. On dit que TF1 devrait reprendre ce principe dans quelques semaines, attendons de voir le résultat… Dans cette émission américaine, il y a parfois des démonstrations hors compétition. C’est ce qui a été filmé dans la vidéo que je vous présente ici. La chorégraphie est dansée par des danseurs de Los Angeles et du comté d’Orange. Je vous laisse déjà regarder et écouter. Je vous donne mon avis juste après.

Cette chorégraphie est présenté comme une démonstration de rock’n’roll. Il est évident que la musique se prête à cette appellation (les « Fall out boy » sont un groupe de rock alternatif), mais que la danse en est très loin… Il s’agit en fait d’un mélange de lindy hop, de jive, de boogie et de shag. Je trouve que la danse ne colle pas réellement à la musique. Il est vrai que les Américains pratiquent des styles de danse qui se prêtent difficilement à de telles musiques (à part peut-être l’East Coast ?). Les Français ont le rock pour cela et ça colle plutôt bien à ce genre de musique nerveuse. Mais le rock (la danse) ne colle pas à toutes les musiques ; c’est pour cela que les Français se sont mis à apprendre le lindy hop pour aller avec le swing et le West Coast swing pour aller avec le blues ou le R’n’B. La première fois où j’ai vu cette vidéo, j’avais même l’impression que l’image et le son étaient décalés tellement ce qui est dansé ne me semble pas correspondre à la musique, un peu comme si les danseurs entendaient mal. Pour atténuer mon jugement, je dirais que, malgré tout, la danse n’est pas mauvaise en soi et que le chorégraphe a probablement essayé de faire de l’expérimental avec cette association. Tout le monde a le droit de faire des erreurs. Le tout est de le comprendre, de l’accepter et de se corriger pour la suite. Je reste toujours fidèle au principe (que j’énonce souvent ici) que la danse et la musique doivent correspondre afin de se sublimer l’une l’autre.

Je disais qu’il y avait de mauvaises surprises sur Internet, mais il y en a aussi de bonnes. Et donc, pour équilibrer, la vidéo qui suit fait selon moi partie des bonnes surprises. Il s’agit d’une chorégraphie (« Guan Yin », la compassion de Bouddha) d’une troupe chinoise, ici filmée en 2005 pour une diffusion sur la chaîne CCTV4, qui s’inspire de la mythologie indienne.

À première vue, on est émerveillé par la qualité de la synchronisation de ces demoiselles. On imagine déjà la difficulté avec quatre ou cinq personnes, alors avec une vingtaine, c’est une bonne performance. Cela fait un peu penser aux ballets de natation synchronisée des comédies musicales hollywoodiennes où figurait Esther Williams. Mais là où l’on tombe des nues, c’est quand on apprend que la plupart de ces danseuses sont… sourdes ! Et pourtant elles dansent d’une manière parfaitement rythmée et en musique. Les personnes sourdes ou malentendantes perçoivent la musique par le biais des vibrations. Mettez-vous devant un haut-parleur où est diffusée de la musique à un bon volume et fermez les yeux et bouchez-vous les oreilles, vous comprendrez alors un peu comment cela se passe. Malgré tout, on ne perçoit pas tout le spectre audio : si les sons graves sont faciles à saisir, il n’en est pas de même des sons les plus aigus. Si l’on regarde bien, il y a des personnes sur le côté de la scène qui leur donnent des indications et il est probable qu’il y en ait d’autres en face des danseuses (où se trouve le public). Cela n’enlève rien à la performance, car même avec un petit support de ces « guides », cela est extrêmement difficile à danser même pour des personnes entièrement valides. On imagine les répétitions qu’il a fallu pour arriver à ce niveau. J’avoue être impressionné (et cela ne m’arrive pas si souvent…). Pour ceux qui comprennent bien l’anglais, voici un lien vidéo pour en savoir plus : http://www.youtube.com/watch?v=x1XzvRBInnQ (dépêche AFP à l’occasion de la présentation de cette chorégraphie aux Jeux paralympiques de 2008 à Beijing).

J’aime bien faire des parallèles, histoire d’amener chacun à réfléchir un peu. J’ai donc ici rassemblé deux vidéos : dans l’une la musique est audible et la chorégraphie (même si elle est en rythme) n’est pas appropriée, dans l’autre les danseuses n’entendent pas la musique et pourtant c’est comme si elles dansaient en harmonie avec elle. Comme quoi, la beauté d’un spectacle est un tout : musique, danse et un soupçon de sensibilité et d’empathie du public avec les danseurs.

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Un tour du monde en 80 jours

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Cet été, en prenant l’avion, j’ai mis dans mon sac un livre au format poche, un récit de voyage de Jean Cocteau : « Mon premier voyage » , sous-titré « Tour du monde en 80 jours ». J’avais décidé de me changer les idées et de voyager encore plus loin que mon billet ne m’autorisait et la danse n’était pas censée faire partie des bagages cabine. Mais le hasard n’est pas toujours complice d’un éloignement, même temporaire, d’une passion de tous les jours…

« Mon premier voyage » a été écrit en 1936 par Jean Cocteau, que personnellement je ne connaissais que de réputation et par l’intermédiaire du film « La Belle et la Bête »  qu’il réalisa en 1946 avec Jean Marais et Josette Day. Le concept de départ est simple : il s’agissait, pour Jean Cocteau, de refaire le voyage décrit par Jules Verne dans son « Tour du monde en 80 jours »  en 1872, mais 64 ans plus tard (et pour fêter le centenaire de la mort de l’écrivain) afin de constater l’évolution du monde. Jean Cocteau (qui se met dans la peau de Philéas Fogg) est accompagné de Marcel Khill (qu’il surnomme « Passepartout ») et il envoie son carnet de voyage au journal Paris-Soir qui fait ainsi, à l’époque, partager à ses lecteurs les péripéties de ces successeurs des personnages de Jules Verne autour du monde. C’est ainsi que nous suivons pas à pas ce voyage haletant de bateau en train et de voiture en avion (sur la fin seulement) afin de tenir le défi contre la montre. Jean Cocteau essaye de redécouvrir les pays qu’il traverse en évitant les grandes fêtes préparées par les consuls et ambassadeurs, au courant de son projet, et en fréquentant des quartiers parfois peu recommandés, coupe gorges, salons où l’on fume l’opium et autres boui-boui où la nourriture fait peur. Il passe ainsi par l’Italie, l’Égypte, l’Inde, la Chine, les États-Unis avant de revenir en France. Il a aussi la bonne surprise de passer du temps sur un bateau avec Charlie Chaplin (dont j’ai appris qu’il fallait prononcer le nom à la française, car il est le fils du peintre français Charles Chaplin) avec qui il devient ami.

C’est vers la fin du livre (je finissais mon voyage en même temps que le livre, situation sympathique) que j’ai découvert le passage où Jean Cocteau arrive à New York et à Harlem en particulier. Nous sommes en 1936, vous devinez un peu ce qui va suivre, non ? Eh bien oui, son voyage le mène au Savoy Ballroom à la découverte du swing et du lindy hop ! Pour la peine, je vais vous recopier ci-après l’extrait correspondant. Il faut juste noter avant d’aller plus loin que le vocabulaire utilisé à l’époque n’avait pas la même portée que les mêmes mots utilisés de nos jours. Il n’y a, je pense, pas de notion péjorative dans les propos de Cocteau qui s’emballe facilement dans un lyrisme exacerbé ici et dans d’autres pages de son récit.

Extrait de « Mon premier voyage », par Jean Cocteau, 1936, (c) Gallimard
« Harlem c’est la chaudière de la machine et sa jeunesse noire qui trépigne, le charbon qui l’alimente et qui imprime le mouvement […] New York éprise de cathédrales, d’orgues, de cierges, de gargouilles, de burlesques, de ménestrels, de mysticisme et de mystères, est secouée par le rythme noir. » […] Où se rencontrent noirs et blanches ? Quelle est la fièvre qui renverse l’obstacle des races et l’emporte sur le vieux réflexe défensif ? La danse. Le Lindy Hop (Lindbergh dance) qui secoue Harlem d’une trépidation électrique et propage ses ondes partout.
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Le Lindy Hop qui règne depuis cinq ans est une gavotte nègre. Il se danse au Savoy, le dancing noir de Harlem.

Une longue salle basse entourée dune balustrade. Au milieu, la piste et l’orchestre. Autour, un promenoir, des loges et des tables où les spectateurs et les danseurs consomment des boissons naïves. Lorsque nous arrivâmes, l’orchestre jouait une valse, ou plutôt l’ombre d’une valse, ou plutôt, l’ombre de l’ombre d’une valse, une valse zombie, un motif de valse fredonné par un ivrogne sentimental, et, sur cette valse morte, les couples comme suspendus au plafond, laissaient traîner des jambes et des jupes molles, s’arrêtaient, se penchaient jusqu’à terre, la danseuse couchée sur le danseur, se redressaient lentement et reprenaient la promenade, la main dans la main ou face à face, sans jamais sourire. Valses et tangos sont la seule halte que s’accordent ces âmes blanches, ces somnambules secoués d’un érotisme candide et d’une ivresse rituelle. Soudain l’orchestre ressuscite, les morts qui dansent s’éveillent de l’hypnose et le Lindy Hop les secoue.

Sur quelle herbe ont-ils marché ? Sur la marihuana, l’herbe qui se fume et qui grise. Ces grosses négresses en cheveux et ces petites filles dont la poitrine se cabre et dont pointe la croupe, le chapeau placé comme une gifle, deviennent un lasso que les noirs déroulent et enroulent à bout de bras, un boomerang qu’ils lancent et qui les frappe au coeur après avoir tournoyé dans le vide. Parfois, le visage sévère, extatique, la négresse passe sous le bras du danseur, se détache, s’éloigne, exécute un cavalier seul, parfois elle s’élance et le prend d’assaut comme une vague. Il arrive que les couples s’isolent et combinent les figures d’un quadrille plus grave qu’une partie d’échecs. Des blanches se mêlent aux couples noirs. Le vertige, la fatigue ne ralentissent jamais les jambes dont le « dope », les reefers (cigarettes de marihuana) soutiennent le rythme ininterrompu. Rythme d’une foule qui finit par n’être que son propre reflet dans de l’eau qui bouge.

À Paris on exécute le Lindy Hop, mais il y manque je ne sais quel chanvre diabolique, je ne sais quel poivre de Cayenne qui fait de ce menuet nègre une danse de Saint-Guy contagieuse, et de Harlem l’usine du dynamisme américain.

[…] au bar Onyx, une cave où vous allez entendre les meilleurs swing de New York, […] le Swing a remplacé le Jazz. C’est le terme nouveau qui désigne un band noir dont la musique tourne et vous boxe l’âme. Au bout de cette petite cave étroite se démènent, sur une estrade, les cinq nègres de l’orchestre le plus pur. C’est l’oeuf cru qui deviendra l’oeuf cuit et les oeuf sur le plat et l’omelette aux fines herbes. Car ces ensembles s’abîment. Même un Armstrong qu’on croyait de diamant s’est laissé corrompre. Le rêve de ces Ford construites avec des ficelles et des boîtes de conserve est de devenir Rolls Royce et l’orchestre symphonique qui monte des profondeurs, les smokings blancs, les saxophones de nickel éclaboussés de lumière, seront la perte de ces vieux tambours, de ces vieilles trompettes et de ces vieux chapeaux. Le drummer est un nègre d’origine indienne. Il roule son tonnerre et jette ses foudres, l’oeil au ciel. Un couteau d’ivoire miroite entre ses lèvres. Près de lui les jeunes loustics d’une noce de campagne se disputent le microphone, s’arrachent de la bouche des lambeaux de musique saignante et s’excitent jusqu’à devenir fous et à rendre folle la clientèle qui encombre les tables. Lorsque le swing s’arrête, un roulement de caisse accompagne les acclamations et les saluts des choristes Halte ! Les tables s’écrasent contre un mur brutal de silence, et après une stupeur de catastrophe, le Swing empoigne le Boléro de Ravel, le déchire, le malaxe, le scalpe, l’écorche vif, entortille autour de son bâton monotone les pampres écarlates d’un tyrse vaudou. »

Voici qui donne une perception du swing à Harlem en 1936 par un Français. Bien sûr, c’est enveloppé dans un discours plutôt lyrique et l’herbe qui fait rire est mentionnée comme inspirationnelle. Je précise que, dans le reste du livre, Cocteau donne l’impression de se mouvoir dans un milieu où la consommation de drogue est plus ou moins une habitude naturelle. Le fait que je reprenne ici mot pour mot le texte de Jean Cocteau ne signifie pas que j’encourage la consommation de produits stupéfiants pour trouver l’inspiration dans la danse. Je souhaite juste conserver le rythme et l’ambiance donnée par le texte d’origine. Que ceux qui souhaitent lire le récit du voyage de Cocteau dans son intégralité n’hésitent pas à acheter le livre, non sans avoir relu le récit de Jules Verne (qui, lui, n’a pas plus connu le swing et le lindy hop que ses personnages) afin de mieux apprécier les références.

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